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Le premier plan déstabilise. On s’assoit devant un western et voilà qu’entre dans le cadre un chevalier à la Lancelot du Lac. Pour son deuxième film de réalisateur, Viggo Mortensen aurait-il choisi de suivre les traces de son compère Lisandro Alonso, avec qui il a l’habitude de tourner des variations westerniennes expérimentales ? Pas franchement, non - Jusqu’au bout du monde est aussi « straight » qu’Eureka ou Jauja sont perchés. Mais ce plan sert néanmoins de note d’intention : il s’agit pour Mortensen de dire qu’il s’inscrit dans la tradition tout en la décadrant légèrement. Une santiag dans le classicisme et l’autre dans une approche contemporaine. Jusqu’au bout du monde raconte un bout de conquête de l’Ouest depuis le point de vue de Vivienne (Vicky Krieps), une Canadienne s’installant dans le Nevada des années 1860 avec son bel époux danois (Viggo, qui d’autre ?). Mais la guerre de Sécession éclate, l’homme va combattre aux côtés des nordistes, et la femme doit affronter seule les salopards qui peuplent la région. Mortensen (également scénariste) propose un regard féministe sur les codes du western, l’enrichit de propositions originales (les références à la chevalerie, la culture française de l’héroïne…) tout en jouant le jeu des plaisirs old-school, avec paysages magnifiques et méchants archétypaux, joués par d’appréciables briscards (Garret Dillahunt, Danny Huston…). Certains trouveront ça désuet, on peut aussi y voir la réactivation d’une certaine idée du grand cinéma hollywoodien à la Sydney Pollack, engagé, romantique, et sachant sublimer ses stars.