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En 2018, Jeanne Herry a frappé un grand coup avec Pupille en parvenant, avec une fluidité inouïe, à raconter toutes les étapes d’un processus d’adoption. Une œuvre parfaitement documentée mais qui vivait à 1000% son statut de fiction, s’imposant aussi comme un grand film d’acteurs où le moindre rôle, choisi avec soin, quelque chose à défendre. Je verrai toujours vos visages s’inscrit dans sa droite lignée. La maestria de Jeanne Herry se déploie ici autour d’un autre sujet de société – la justice restaurative – qui lui permet de célébrer de nouveau la beauté du collectif à même de renverser toutes les montagnes, la lumière au bout du chemin. Un geste politique fort dans notre époque de défiance et où la justice est surtout envisagée comme punitive. Mais un geste assumé où elle ne tremble jamais, surtout quand il s’agit de créer de l’émotion, le cœur battant de son cinéma. Résultat : elle réussit à raconter un type de justice méconnu (et divisée en deux types de rencontres : l’une en groupe entre victimes et agresseurs ayant commis les exactions dont ils ont souffert ; l’autre en face à face avec son agresseur direct, ici une sœur et son frère qui l’a violée) sans se faire didactique. La parole est ici aux personnages, à grand coup de monologues déments entrecoupés d’échanges vifs. Et là aussi, le collectif est à l’oeuvre : on joue certes mais d’abord avec et pour l’autre qu’on ne lâche pas des yeux, jamais dans la démonstration. Servi par un casting dément, le résultat d’une force inouïe laisse KO debout, précisément car on sent qu’à tout moment le fil ténu peut se rompre. Un grand numéro d’équilibriste.