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Pablo Larraín a l’habitude de regarder dans le rétroviseur son Chili natal (Tony Manero, No, Neruda...) ainsi que les États-Unis (Jackie). Avec à chaque fois une maîtrise formelle qui nourrit la puissance de son récit. Ce dialogue parfait entre fond et forme se fissure quelque peu avec cet Ema qui ramène le cinéaste dans son époque. Ema est une jeune danseuse mariée à un chorégraphe de renom et fracassée par une adoption qui a tourné court : incapables de s’en occuper, ils ont été obligés de rendre leur petit garçon au bout d’un an. Ema ou la femme dans tous ses états : mère, amante, douce, fiévreuse, dépressive, surexcitée... Ema, que la bonne morale patriarcale pointe du doigt pour ne pas avoir su être assez maternelle, quand jamais la question de la paternalité du conjoint ne se pose. Mais Larraín, lui, ne juge pas plus Ema qu’il cherche à la rendre aimable. Il lui redonne sa liberté et la laisse écrire sa nouvelle existence polyamoureuse dans un mélange parfait d’énergie punk et de candeur enfantine. On ne sait pas trop où le film va. Il nous perd souvent en route mais c’est ce qui fait tout son charme. Seul bémol : quand cette idée séduisante d’une destinée sans autre but que de jouir de chaque instant se réinscrit dans une logique plus programmatique, Larraín remet son héroïne dans les clous. Le message joyeusement féministe se dilue un peu, au contraire de son interprète, Mariana Di Girolamo, magistrale de bout en bout. Pour son premier rôle en tête d’affiche, sa seule présence justifie la découverte de cet accrocheur Ema.