La distance zen de MurakamiNé à Kyoto en 1949, mais élevé à Kobé par des parents professeurs de littérature japonaise, Haruki développe très tôt une aversion pour la culture nippone, tant il en est farci sur le tatami familial et se met rapidement à l'anglais pour lire Kurt Vonnegut (Abattoir 5) et Richard Brautigan (Le monstre des Hawkline). Après ses études de théâtre et de cinéma à l'université Waseda de Tokyo, il tient un club de jazz de 1974 à 1981, tout en traduisant Francis Scott Fitzgerald, raymond carver et john irving. Il se met à écrire après le travail. Il en sort un récit très fragmenté qui, envoyé à un concours de nouvelles, lui rapporte le premier prix ("Ecoute la chanson du vent", 1979, pas encore traduit en français). Son style est déjà là qui montre la fascination pour la culture pop occidentale, la nostalgie du temps indéfini et l'humour décalé. Sa première oeuvre qui le satisfasse vraiment est La Course au mouton sauvage, (1982) : le roman se déroule dans un grand hôtel tokyoite, et met en scène un publicitaire qui traverse divers espaces mémoriels et temporels, en changeant de plan de conscience au fil des rencontres. Un personnage qu'on retrouvera en 1988 dans Danse, danse, danse. Quand Murakami n'écrit pas, il court le marathon, autre activité spécifiquement japonaise, on le notera... L'échappée occidentale En 1985, il mêle roman noir et fiction délirante dans La Fin des temps (Hard-Boiled Wonderland and the End of the World) qui emprunte autant à Raymond Chandler qu'à Franz Kafka pour mettre en parallèle deux récits : l'un cyber-punk, l'autre de magie et de licornes (Prix Tanizaki). En 1987, la sortie de La ballade de l'impossible et ses quatre millions d'exemplaires le transforme en pop-star et le décide à fuir le conformisme de son pays avec sa compagne, thème repris dans « Les chats mangeurs de chair humaine », l'une des nouvelles du recueil Saules aveugles, femme endormie (Belfond 2008). De la Grèce, il passe en Italie, puis aux USA où il devient prof de lettres à Princeton jusqu'en 1995 ; quand le tremblement de terre de Kobé le ramène chez lui témoigner du traumatisme collectif qui pointe déjà dans Les Chroniques de l'oiseau à ressort et sera la matière de l'essai Chroniques du souterrain sur les attentats au gaz Sarin dans le métro de Tokyo, comme des nouvelles du recueil intitulé Après le tremblement de terre. S'ensuivent les Les Amants du Spoutnik (1999), Kafka sur le rivage (2002), L'Eléphant disparaît (2005) et les nouvelles de Saules aveugles, femme endormie, sorties avant son dernier roman en date Le passage de la nuit (le tout paru chez Belfond). Actif dans le domaine de la traduction, du roman et de la nouvelle, Murakami ne rechigne jamais à travailler à des adaptations théâtrales de ses oeuvres, mais refuse très souvent de se laisser adapter au cinéma. On retiendra seulement le Tony Tanikati de Jun Ichikawa en 2004, et le prochain tournage par Tran Han Hung (L'Odeur de la papaye verte et Cyclo) de La Ballade de l'impossible. De la pop et du zen Les Américains définissent l'écriture cinématographique de Murakami comme proche de celle de la « Génération X » de Douglas Coupland, tout en y reconnaissant les thèmes de l‘aliénation contemporaine, un humour ravageur et une éperdue quête de l'amour pour pallier une essentielle solitude moderne. On préférera souligner que, Nippon élevé sous l'occupation américaine, il retrouve les bases de sa culture en digérant totalement les fondamentaux de la culture occidentale post-moderne (littérature, cinéma, musiques, style de vie) pour y réintroduire des composantes japonaises séculaires. Des influences multiples qui expliquent les histoires de fantômes, la façon de se comporter dans et en dehors de la société (le cyber-punk doit toujours se définir par rapport à un monde aussi hostile que fuyant - cf. Matrix -, comme le Japonais moyen qui n'avait pas d'existence individuelle avant l'ère Meiji à la fin du XIXe) ; tout cela conté avec une distanciation proprement asiatique (bouddhiste zen ou Shinto). Murakami y inclut les narrations les plus abouties : le minimalisme de raymond carver, l'humour fabuleux de Brautigan et kurt vonnegut jr, la beauté qui disparaît de francis scott fitzgerald, la vision du monde policier de Raymond Chandler et la transcription romanesque des avancées scientifiques (un procédé littéraire cher à thomas pynchon). C'est ainsi que Murakami, proprement japonais dans son style est assurément universel dans ses traitements. Culture pop + zen des profondeurs = remède à la mélancolie. Génial ! Jean-Pierre Simard
Genre | Homme |
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