D'Oz à Succession, en passant par Game of Thrones, The Leftovers ou Les Soprano, la chaîne premium américaine a produit quelques unes des plus grandes séries de tous les temps. Alors laquelle sera notre numéro 1 ?
"It’s not TV. It’s HBO". C'est avec ce slogan culte que la chaîne de télévision payante américaine - créée en 1972 par Warner Bros. - s'est fait un nom dans le monde des séries. Au coeur des années 1990, Home Box Office est ainsi devenue LA référence en matière de fiction sur le petit écran, développant des créations poinutes, pas toujours destinées à un large public (elles ont d'ailleurs parfois mis du temps à traverser l'Atlantique), mais toujours guidées par une certaine ambition artistique proche des productions cinématographiques. Au fil des décennies, HBO a ainsi livré quelques unes des plus grandes séries de tous les temps et alors que vient de s'achever Succession, le dernier bijou en date du Network, Première dévoile son classement des Meilleures séries HBO. Sex and the City, Veep ou encore True Detective n'y sont pas... C'est dire !
15. Treme (2010-2013)
Comment se relever après une série comme The Wire (n°2 de ce top) ? Comment se remettre à écrire ou continuer de créer ? Avec Treme aurait dit David Simon. Dans La Nouvelle-Orléans tout juste ravagée par Katrina, on croise une galerie de magnifiques personnages. Entre les fantômes et les cicatrices de la ville des gens très ordinaires tentent de survivre : un tromboniste qui court les cachets, un «Big Chief» gardien des traditions, une avocate obstinée, un prof de lettres révolté ou un DJ en manque de reconnaissance se croisent, s’évitent ou se soutiennent. Mais tous essaient de s’en sortir. Si la première saison fait le portrait d’une cité qui refuse de crever, progressivement la colère de Simon a pris le dessus et Treme s’est mis à raconter comment la culture, la tradition et la communauté ont fini par être victimes des bureaucrates, des assurances et de l'abandon du gouvernement fédéral. Vous aimez Simon ? Vous aimez le jazz ? Alors cette série déchirante n’est pas quinzième : elle est forcément première dans votre cœur.
14. Deadwood (2004-2006)
Génie perché venu de la télé de network (NYPD Blue), David Milch profitait du chèque en blanc de HBO pour réfléchir ici à la naissance du capitalisme, en racontant les prises de bec, au temps de la ruée vers l'or, d'un shérif (Timothy Olyphant) et d'un bistrotier-proxénète (Ian McShane, dans le rôle de sa vie). Pas tant un western, à vrai dire, qu'une variation sur le théâtre de l'absurde, où l'on se flinguait d'abord à coups de monologues sophistiqués (et très orduriers). A partir de la saison 2, les monologues sont devenus de plus en plus longs, de plus en plus sophistiqués, et on pouvait difficilement suivre la série sans un dictionnaire à portée de main… Mais la saison 1 reste un grand souvenir – et un jalon essentiel de la quality TV.
13. Watchmen (2019)
Depuis sa scène d'ouverture époustouflante, qui revient sur le massacre de Tulsa en 1921, jusqu'à sa conclusion épique, l'adaptation du célèbre comics d'Alan Moore et Dave Gibbons par Damon Lindelof est une épatante réussite. Sans chercher à porter la BD à l'écran, le showrunner remixe l'histoire dans une forme de suite, qui se déroule dans une réalité contemporaine alternative aux États-Unis, où les super-héros et les justiciers masqués ont été interdits. Le showrunner revisite le concept Watchmen avec beaucoup d'intelligence, bien aidé par un casting au diapason, emmené par la performance de Regina King et les délires réjouissants de Jeremy Irons dans la peau d'un vieil Ozymandias.
12. Rome (2005-2007)
Un échec retentissant (2 saisons seulement) mais aux dimensions de la série, qui ambitionnait de raconter la naissance de l'Empire romain à partir de la prise de pouvoir par Jules César. Ça devait forcément se crasher à un moment, et ça n’a pas loupé (la chute d’audience, un gros incendie qui a ravagé les coûteux décors à Cinecittà), et c’est presque une bonne chose car ça renforce l’aura de grandeur brisée de la série : celle qui, en 22 épisodes, aura pour toujours ouvert une voie inédite dans le péplum. Beaucoup de sexe, pas mal de violence, une bande d’acteurs de génie dans des rôles légendaires (le César version Ciarán Hinds est monumental, le duo Ray Stevenson / KevinMcKidd est fabuleux), un prototypage de Game of Thrones (qui appliquera les recettes de Rome à la fantasy). Rome fut aussi le dernier grand projet de John Milius : l’ombre du réalisateur de Conan le Barbare plane sur toute la série, avec ses fantasmes de gloires et d’effondrements.
11. Oz (1997-2003)
La série qui a ouvert la voie à toutes les autres sur HBO. En 1997, la chaîne est surtout connue pour la diffusion de films et à quelques exceptions près (Dream On, Les Contes de la crypte), pas grand-chose à se mettre sous la dent pour les sériephiles. Tom Fontana déboule avec ce concept de show carcéral qui se déroule dans une prison de très haute sécurité, la Oswald State Correctional Facility, peuplée de criminels ultra violents. Objectif : favoriser leur réinsertion en leur laissant pas mal de liberté de mouvement, et la possibilité d’avoir des interactions entre détenus. D’une violence pas possible (âme sensibles…), hyper dense, addictive, formidablement dialoguée et incarnée (J. K. Simmons, Ernie Hudson, Dean Winters, Adewale Akinnuoye-Agbaje, Lee Tergesen…) Oz ausculte tous les maux de la société américaine à travers ses prisonniers. Aujourd’hui, l’ancêtre des Soprano et The Wire a encore de très beaux restes.
10. Euphoria (2019 - en cours)
Et Sam Levinson révéla Zendaya. Dans la mêlée des séries adolescentes qui pullulent sur les chaînes et plateformes, Euphoria a su s'imposer par son ton brut et cinglant. Renonçant au vernis habituel du genre, elle dresse le portrait de la nouvelle génération au fil d'un tortueux teen drama qui relate la violence permanente dans laquelle vit la jeunesse d'aujourd'hui, entre harcèlement, drogue et autre "bodyshaming". De ce sévère constat naît un sentiment de malaise constant mais aussi une forme de fascination qui fait d'Euphoria ce miroir dans lequel on n'a pas tellement envie de se regarder le matin... et pourtant, on ne peut s'en empêcher !
9. Six Feet Under (2001-2005)
Avant d'être Dexter, Michael C. Hall était David, le successeur, l'héritier de l'entreprise de pompes funèbres de son père, que son frangin a refusé de reprendre à la mort de ce dernier. Couronné par 7 Emmy Awards et 3 Golden Globes, ce drama familial aux personnages millimétrés, imaginé par Alan Ball - scénariste oscarisé d'American Beauty - a su aborder une foule de thématiques en leur conférant une dimension humaine et sociale rarement vue en télévision. L'amour, la mort, l'homosexualité, l'adultère, la religion, la maladie... La vie en somme, condensée en 5 saisons brillamment dialoguées et conclues par l'un des plus beaux "finale" de l'histoire de la télévision.
8. Game of Thrones (2011-2019)
Le Red Wedding, l'assassinat de Joffrey, la mort d'Oberyn Martell, la bataille de Winterfell, les horreurs de Ramsay Snow, la vengeance d'Arya Stark... Il y a tellement de moments cultes qu'on aurait du mal à tous les citer. L'adaptation des romans de George R.R. Martin a donné une série de fantasy à l'ampleur biblique, aux décors grandioses. Une mixe entre un grand spectacle permanent et une intrigue politique passionnante, faite de trahisons et autres coups bas. Alors malgré deux dernières saisons pas du tout au niveau - qui ont bien failli tout gâcher - Game of Thrones reste encore aujourd'hui la série la plus commentée et la plus adorée du XXIe siècle.
7. Chernobyl (2019)
Qui aurait pu imaginer qu'une série racontant les coulisses de la catastrophe de 1986 aurait connu un tel retentissement ? Un tel succès populaire ? Avec un sens du détail bluffant, on se plonge au milieu des réacteurs de Tchernobyl et on replonge en URSS, où Valery Legasov (incarné par un Jared Harris exceptionnel) se retrouve chargé de la gestion d'une crise écologique et humaine sans précédent. Une mission impossible, tant l'ampleur du désastre est immense et conduira dans la foulée à l'implosion d'un régime à bout de souffle. Plus qu'un récit catastrophe, c'est une série pour l'histoire que Craig Mazin a écrit.
6. Curb your Enthousiasm (2000 - en cours)
Qu’est-ce qu’on fait après co-crée une des sitcoms les plus populaires et novatrices de tous les temps ? En 2000, alors que Seinfeld s’est terminée deux ans auparavant, Larry David lance Curb You Enthusiasm, autre série « about nothing » où il joue une version romancée de lui-même : râleur extrême, lâche, glandeur fortuné, revanchard et casse-bonbon très à cheval sur les règles de vie en société - surtout quand elles ne s’appliquent pas à lui. Un superbe personnage de gros con pour un sommet d’humour cringe (celui qui fait grincer des dents de malaise), qui a connu de nombreuses évolutions en onze saisons (Larry David s’est même payé le luxe de faire la Seinfeld reunion tant attendue au beau milieu de sa série), et s’est peu à peu transformé en trajectoire d’un vieux schnock dépassé par son époque. Espérons que Curb ne s’arrête jamais : on pourrait le suivre comme ça jusqu’à son dernier souffle.
5. Band of Brothers : Frères d'armes (2001)
Juste après Le Soldat Ryan, Tom Hanks et Steven Spielberg décident de poursuivre leur exploration de la Seconde Guerre mondiale et créent l'une des séries les plus emblématiques du genre. Adaptant l'historien Stephen Ambrose, ils racontent l'histoire des soldats de la Easy Company, du 506e régiment d'infanterie parachutée, de la 101e Division Aéroportée US, depuis leur entraînement en Amérique jusqu'au débarquement et au dénouement du conflit en 1945. Sous la forme d'un énorme film de 10 heures (10 épisodes), Frères d'Armes va au bout de son ambition : décrire la guerre de l'intérieur, en montrant les Hommes pris dans le drame. Sublime et édifiant.
4. Succession (2017-2023)
Tout juste achevée, et déjà tout en haut du classement des meilleures séries HBO. Parce que la famille Roy a été incontestablement ce qui s'est fait de mieux à la télévision ces dernières années. Entre jeu de massacre et jeu de dupes, cette luxueuse histoire d'héritage au sein d'un grand groupe du divertissement (analogie mixant Fox, Warner et Disney) a brillé par ses twists sadiques et sa dramaturgie à couper au couteau. Écrit avec une minutie jouissive par Jesse Armstrong, chaque épisode, chaque scène est un travail d'orfèvre qui joue avec les rapports humains comme on jouerait aux 7 familles. Aussi cinglante qu'elle a su être bouleversante, aussi drôle qu'elle a su être déroutante, aussi désuète qu'elle a su être politique et philosophique, cette Succession a joué sur tous les tableaux avec une dextérité épatante.
3. The Leftovers (2014-2017)
Deux pour cent des êtres humains ont disparu de la surface de la Terre de manière inexplicable. Mais comment continuer à vivre quand on fait partie de ceux qui sont restés ? Comment faire son deuil et ne pas perdre la tête ? Tom Perrotta adapte son propre roman ("Les Disparus de Mapleton") aidé par Damon Lindelof, spécialiste du drama mystère depuis Lost. Plus qu'une série fantastique pleine de twists et de résolutions mindfuck, The Leftovers est d'abord une fable poétique, qui questionne l'humain comme jamais. Qui interroge sa résilience, sa capacité à survivre et à se reconstruire. Naviguant sur les notes déchirantes de la somptueuse musique composée par Max Richter, cette épopée mystique est tout simplement bouleversante. Et si Justin Theroux mène l'enquête avec beaucoup de charisme en Shérif Garvey, c'est véritablement Carrie Coon (alias Nora) qui s'impose, d'épisode en épisode, comme le Messie de cette histoire unique en son genre. Ce n'est pas pour rien si le final de la série, à vous faire tomber de la chaise, s'appelle Le Livre de Nora...
2. Sur écoute / The Wire (2002-2008)
20 ans après son lancement, la création de David Simon est toujours autant adulée par les critiques et name droppée par les rappeurs, qui lui vouent un culte perpétuel. Il faut dire que The Wire (Sur Ecoute en VF) a été une révolution pour le petit écran. Un OVNI comme on n’en a plus jamais vu depuis. Ancrée dans le réel et délicieusement austère, magnifiquement chapitrée (chaque saison explore un pan de la ville de Baltimore pour former un grand tout), incarnée par un casting fantastique (Idris Elba, Dominic West, le jeune Michael B. Jordan, feus Lance Reddick et Michael K. Williams…) et bourrée de scènes d’anthologie, cette série est un travail d’orfèvre et un modèle d'écriture, jusque dans son final qui boucle la boucle avec maestria. Comment peut-elle échouer à la deuxième place de ce top ? On vous explique ça tout de suite.
1. Les Soprano (1999-2007)
Twin Peaks + Les Affranchis + Les Simpson = Les Soprano ? A la fin des années 90, David Chase mélange les ingrédients du meilleur de la fiction US de la décennie écoulée (télé et ciné confondus), les saupoudre de ses réflexions psy très personnelles de quinqua italo-américain déprimé et traumatisé par sa mère, et établit les standards de la série d'auteur câblée – standards encore en vigueur aujourd'hui, jusqu’à Succession. Drôle, glaçante, profonde, portée par un acteur hors du commun (James Gandolfini, 1961-2013), la parodie de films de mafia attendue se transforme sans crier gare en miroir de nos vies. Le grand roman américain du début du 21ème siècle, où des mafieux en survêt' Tacchini réfléchissent à la condition humaine en glandant dans l'arrière-salle d'une boucherie-charcuterie. Sur HBO, personne n'a fait mieux. Ailleurs non plus.
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