"Avec To the Wonder, Terrence Malick continue de prendre des risques, oscillant entre ridicule et ravissement (...) Ceux qui ne supportent pas les rêveries spirituelles de Malick feront l'impasse, mais malgré ses défauts, c'est une oeuvre magnifique qui mérite de trouver un distributeur, une oeuvre qui nous vient d'un réalisateur qui n'a pas perdu sa capacité à émouvoir et à surprendre."

Beauté visuelle ou gribouillage ?

Ces mots de Variety résument assez bien le sentiment général de la critique cinéma qui tente de digérer le dernier trip métaphysico-sensoriel de Malick. Le cinéaste américain dont le film a été présenté hier à Venise (en son absence, bien sûr) a développé un art certain de la division, générant des avis divergents au sein de la critique et du public, parvenant même parfois à susciter des sentiments contradictoires chez un même spectateur. To the Wonder, dont Ben Affleck a dit qu'à côté, "Tree of Life c'est Transformers", aura certainement "du mal à atteindre son public", comme le souligne le Hollywood Reporter, qui juge que "la technique de Malick a beau être très accomplie par bien des côtés, elle tombe ici à plat, surtout dans une deuxième heure laborieuse, où la beauté visuelle se transforme en gribouillage faute d’objectifs narratifs forts".

Transcendance lyrique ou n'importe quoi ?

La beauté visuelle qui ravit certains ne suffit donc pas toujours à sauver le film du ridicule pour d'autres, que l'absence de trame narrative, de dialogues, de consistance des personnages achève. "Malick est un poète accompli du cinéma, et c'est une noble ambition que de vouloir atteindre une transcendance lyrique à l'écran. Mais ça n'autorise pas à faire n'importe quoi" juge Thompson on Hollywood, qui poursuit : "son imagerie exquise et fluide, son architecture sonore élégante sont certainement plaisantes à l'oeil et à l'oreille... Mais les actions et les motivations de ces personnages juste esquissés peinent à offrir une substance propre à nourrir l'esprit." Ben Affleck, tête d'affiche masculine, a moins de dix répliques et se contente de rester au bord du cadre, voire en arrière-plan, tandis que Rachel McAdams n'arrive qu'à la moitié du film. Olga Kurylenko en revanche occupe l'espace et sert de trame narrative au récit à l'aide d'une voix-off.

Ridicule ou ravissement ?

Si vous n'êtes pas encore parvenus à vous faire une idée de To the Wonder, c'est normal. L'ésotérisme de Malick déteint sur les critiques qui ne parviennent pas toujours à s'exprimer clairement sur ses films. On connaît la trame du récit - Neil (Affleck) rencontre une Européenne (Kurylenko) en voyage à Paris et la ramène en Oklahoma. Mais leur histoire va battre de l'aile, elle va repartir à Paris, et lui va se rapprocher d'une fille du coin (McAdams) avec laquelle il avait entretenu une relation dans le passé. Puis finalement Kurylenko revient, et il ne se passe toujours rien. Des plans de tortues au fond des mers entrecoupent le tout (dans Tree of Life, la caméra partait plutôt dans l'espace). On sait que c'est visuellement magnifique, comme toujours chez Malick. Mais à lire les avis, on ne sait toujours pas si le ravissement l'emporte sur le ridicule. Et il est très possible qu'on ne puisse pas plus trancher après avoir vu le film.

"Parfois le silence est plus fort que les mots" a dit Olga Kurylenko lors de la conférence de presse à Venise. "On n'a pas besoin des mots. Le message passe quand même. On le sent dans ses tripes".

La réponse est sans doute là : soit le message silencieux de Malick vous prend aux tripes, et vous êtes conquis. Soit pas.