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Idole cool depuis le triomphe de Very Bad Trip, action hero musculeux dans L’Agence tous risques, « homme le plus sexy de la planète » selon un féminin sur deux, Bradley Cooper était beaucoup de choses jusqu’à présent, mais pas encore tout à fait un acteur majuscule. En 48 heures, à Toronto, l’idée que beaucoup de gens se faisaient de lui vient de basculer grâce à deux films montrés ici coup sur coup, deux drames hautement susceptibles de taper dans l’œil de l’Académie au moment des nominations aux Oscars.Le premier d’entre eux, The Place Beyond the Pines, est le nouveau long-métrage de Derek Cianfrance, nouvelle coqueluche de la scène indé depuis le succès de Blue Valentine. Notre homme Bradley se partage l’affiche avec Ryan Gosling dans ce film-fleuve très ambitieux, qui entremêle les fils de deux mythologies américaines, celle du hors-la-loi sentimental et celle du justicier idéaliste. Le bad boy, c’est Gosling, suintant d’érotisme dans le rôle le plus immédiatement « payant » du film : celui d’un Motorcycle boy romantique et violent, doigts graisseux, blouson cool, bouille de bébé ahuri, et poses iconiques à la Steve McQueen. Une sorte de décalque sur deux roues du rôle qu’il tenait dans Drive. A côté, Cooper, dans la peau d’un flic hanté par la culpabilité, la joue profil bas, presque besogneux. C’est le rôle qui l’exige, et c’est tant mieux : on ne l’avait encore jamais vu comme ça, totalement débarrassé des petits tics de la séduction fastoche, œil qui frise et sourire en coin. Premier bon point.Il est encore mieux dans Silver Linings Playbook, le nouveau David O. Russell (Les Rois du Désert, Fighter), une sorte de romcom azimutée saupoudré de drame familial hystéro. Un film faussement mineur et vraiment formidable, en grande partie parce que tous les membres du cast, TOUS (même le huitième rôle qui ne fait que passer), ont l’air de prendre un pied monstrueux à faire leur boulot (mais a-t-on déjà vu un acteur livrer une mauvaise performance dans un film de David O. Russell ?) Jennifer Lawrence y est géniale (ça, on commence à avoir l’habitude), Robert De Niro y trouve son meilleur rôle depuis… pfiou, depuis longtemps, et Bradley Cooper impressionne durablement dans un emploi pas évident, casse-gueule même, celui d’un fiston bipolaire qui revient crécher chez papa-maman après un séjour en HP et qui va tomber amoureux d’une jeune veuve du voisinage, aussi accro que lui aux antidépresseurs. Un rôle très Dustin Hoffman 70’s, un peu Lauréat, un peu John and Mary, dans lequel Cooper réussit tout ce que Ben Stiller loupait méthodiquement dans Greenberg. C’est Mark Wahlberg qui devait tenir le rôle à l’origine, le deal ne s’est pas fait, et Bradley est monté à bord du train à la dernière minute. Presque à reculons. « Très franchement, je ne me croyais pas capable de ça », nous glissait l’acteur hier en interview. Très franchement, nous non plus.Frédéric Foubert