En 1960, le volcan Brigitte Bardot se retrouve face au tyran Henri-Georges Clouzot. Dans ce film de procès, l'actrice a signé sa plus belle prestation sur grand écran. Il est diffusé ce soir sur Arte. Ne le manquez pas !
Brigitte Bardot est à l'honneur, en ce lundi soir sur Arte. D'abord via la rediffusion de La Vérité, classique de Henri-Georges Clouzot sorti en 1960 au cinéma, puis Vie privée, de Louis Malle, sur les écrans deux ans plus tard. Ce dernier est déjà disponible sur le site de la chaîne en replay.
La dernière fois qu'Arte a diffusé La vérité, c'était début 2020, peu après la sortie en salles de La fille au bracelet de Stéphane Demoustier. Un très bon film de procès qui voit une adolescente, supposée criminelle, confrontée à l’implacabilité d’un système judiciaire et plus sûrement à un monde adulte qui ne cesse de lui renvoyer à la figure l’insolence de sa jeunesse. Les adultes désemparés face à l’aplomb de la jeune fille, n’ont pas les codes pour comprendre une nouvelle génération qui fonctionne avec ses propres règles morales. En découvrant ce long-métrage aussi sensible que frontal, on ne pouvait s’empêcher de penser au chef-d’œuvre d’Henri-Georges Clouzot.
La fille au bracelet : un film de procès implacable [critique]La jeune héroïne du film, Dominique Marceau, se retrouve elle aussi sur le banc des accusés. Mais contrairement à la fille au bracelet, celle-ci ne nie pas les faits et plaide coupable. Oui, elle a assassiné son amant adultère. C’est impardonnable et pourtant Dominique aimerait pouvoir expliquer ce geste désespéré. Face à une société encore puritaine et conservatrice (nous sommes donc huit ans avant les évènements de mai 68), la jeune et jolie demoiselle doit se taire. La jeunesse est par essence coupable. Dominique Marceau à l’écran, c’est B.B! Brigitte Bardot, 26 ans à l’époque, est déjà un volcan que beaucoup aimeraient éteindre. La vérité c’est donc un peu son procès.
« Il semblait que se déroulait mon propre procès, écrira l’actrice dans ses mémoires Initiales B.B. Il était question de ma mauvaise réputation, de ma façon de vivre scandaleuse, de ma légèreté, de mon absence totale de moralité. Cette vie dissolue qi me faisait changer d’amants comme de chemises pouvait aussi s’adapter à Brigitte Bardot qu’à Dominique Marceau. »
Bardot donc. En 1960 c’est une star, « créée » quatre ans auparavant par le pygmalion Roger Vadim qui, le premier, a su allumer cette flamme sur grand écran (Et Dieu créa la femme). Bardot en 1960, c’est depuis peu une maman qui n’entend pas pour autant jouer les femmes au foyer. Le cinéaste Henri-Georges Clouzot, 54 ans, lui, appartient à un autre monde. Son cinéma débuté sous l’Occupation n’a rien à voir avec La Nouvelle Vague naissante. Avec ce film censé relancer une carrière freinée dans son élan par l’échec des Espions, ses intentions sont limpides. « Ce que je veux montrer, explique le cinéaste dans une interview au Monde, c’est que tout le monde dit la vérité. Mais que ce n’est jamais la même. »
Mais « vérité » ou pas, Clouzot traîne une réputation de tyran et ses colères sur un plateau ont construit une légende. Il reste toutefois un grand artiste : Le Corbeau, Le Salaire de la peur, Les Diaboliques, pour ne citer qu’eux. Clouzot face à Bardot c’est donc l’explosion garantie.
"Ne soyez pas diaboliques" : le message anti-spoilers de Clouzot qui a inspiré HitchcockCette incandescence c’est le moteur même de cette Vérité. Un combat de Titans fait de frottements dont la violence plus ou moins contenue donne à chaque scène un supplément d’âme. Et quand Bardot pleure en gros plan à l’écran, derrière la caméra, la main encore chaude de Clouzot ressent encore les vibrations de la gifle qu’elle vient de décrocher à la star.
« Clouzot m’a harcelée et laminée, poursuit Bardot. Mais c’était pour le film. Il fallait cela pour que ce soit bon. Et lorsque se termina le tournage, j’étais à bout. Physiquement, moralement, nerveusement. Et pourtant, je vous assure que lorsque je revois La vérité, je me demande si j’ai raison de ne pas aimer jouer. »
Autour du volcan, il y a Paul Meurisse (souffre-douleur de Clouzot depuis Les diaboliques), Charles Vanel (qui tient le cinéaste en respect depuis le tournage chaotique du Salaire de la peur), mais aussi le ténébreux Sami Frey, jeune premier qui fera chavirer Bardot (et réciproquement).
La sortie de La vérité en novembre 1960 est accompagnée de louanges et de catastrophes. La femme du cinéaste, Véra Clouzot bourrée de médicaments meurt dans sa chambre de l’hôtel George-V à Paris et Bardot fait une tentative de suicide. Le film, lui, tient encore magistralement debout. Bardot n’a jamais paru aussi intense à l’écran. Même Godard et son Mépris (1963) n’arriveront pas à s’approcher aussi près du mystère Bardot.
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