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Il monte les escaliers. Péniblement. Ses « épaules et (s)a posture de défense agressive », raccourcie comme jamais. L’ascension est lente et dure une éternité. Ce plan situé au début Du Dernier des Injustes pourrait être anecdotique, surtout dans un doc où se mélangent la Shoah, Eichmann et des discussions passionnantes sur le cas Hanna Arendt.Au contraire. Il montre précisément à quel point ce film insensé, surgeon fascinant de Shoah, s’en éloigne radicalement. En 1975, Claude Lanzmann commence les entretiens destinés à son opus magnus par une longue interview avec le rabbin Benjamin Murmelstein. Ancien doyen des juifs – les chefs des ghettos utilisés par les nazis pour sauver la façade de leur régime – Murmelstein fut accusé de collaboration après la guerre et faisait figure de traître ultime. Cette interview ne fut jamais montée par Lanzmann. 30 ans plus tard, le cinéaste décide d’en faire un film autonome en y incorporant son retour sur les lieux du « crime ». Alors que Shoah était un film sur la destruction, « la mort même, la mort et non pas la survie », Le Dernier des injustes est un film qui tente de comprendre pourquoi certains ont préféré survivre. Le prix de cette survie. Alors que Lanzmann n’apparaissait pas dans Shoah, il est doublement présent ici. Présent aujourd’hui, aède irénique de la destruction, et présent en intervieweur empathique en 75. Le résultat est magistral. 1500 signes pour résumer ce que ce documentaire inouï raconte de cette Histoire, 1500 signes pour dire la beauté des images sépulcrales de Champetier, pour évoquer la superbe de cette silhouette fatiguée ou pour raconter sa colère, son humilité et sa mégalomanie, c’est peu. Si hier, Libé parlait en couve de film testament, on y voit autre chose. Lanzmann boucle avec ce film une trilogie cohérente (Shoah sur la mort /Sobibor sur la résistance /Le Dernier des Injustes sur la survie), mais il rappelle surtout à quel point la question du courage et de la lâcheté fut l’affaire de sa vie. L’humanité malgré tout.Gaël GolhenLe Dernier des Injustes, un documentaire de Claude Lanzmann, présenté Hors compétition à Cannes.