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PHOTOS - Lars Von Trier : ses films et ses provocations

2000 : Dancer in the dark

<strong>Le film ? </strong>Dans les années 60 aux US, la (sur)vie d'une misérable immigrée tchèque qui veut guérir son fils atteint d'une maladie héréditaire.<strong>La provoc ?</strong> Dans le film, tout y passe : Deneuve qui fait la chienne, se fait surnommer ?la bonne grosse?; l?hystérie de Bjork grimée en souillon hagarde qui chante ?Viva la mioussika? et se fait couper le sifflet dans le plan final... C?est avec DitD que Lars apparaît comme un génial manipulateur d?actrices et un sacré misogyne. Cannes 2000 sera d'ailleurs une succession de règlements de comptes par interviews interposées entre le cinéaste et sa pop star d'actrice, dégueulant de remontrances amères et d'égocentrisme écorché. "Moi, je suis issue de la culture punk. Mes collaborateurs sont tous mes égaux. Je suis davantage pour l'anarchie que pour la hiérarchie. Lars, c'est Napoléon Bonaparte. Il règne sur une armée" dira Bjork à libération. C'est que l?Islandaise ne joue pas Selma - une femme-enfant incontrôlable. Elle est Selma. La séquence de la pendaison, moment de bravoure du film, aura aussi choqué son lot de spectateurs Cannois. Mais l'outrance est ici formelle : l'utilisation pionnière et virtuose du scope vidéo, les 100 caméras DV éparpillées sur le plateau transforment ce mélo en film-performance.<strong>Ca vaut quoi maintenant ?</strong> A l'époque une Palme d'or et un succès public incroyable. Aujourd'hui difficile de revoir ce film sans être écoeuré par l'essoreuse mélo Von Trierienne. Sa sadisation des actrices peut aussi lasser, mais reste que, avec Dancer in the Dark, <strong>Von Trier</strong> s'affirme plus que jamais comme un pur génie de la technique.

Lars de la provocation

<strong>Lars Von Trier</strong> est connu comme un loup blanc. Un champion du monde du doigt d?honneur, un maître incontesté (et incontestable) des déclarations à la con. Ses apparitions cannoises (en punk à chien ou bourré de médocs et d'aquavit) ont laissé des souvenirs mitigés. Culte et provo, il a franchi les limites cette année à la conférence de presse de Melancholia, avouant comprendre Hitler. Une déclaration qui l'a transformé en persona non grata à Cannes.Provocateur infantile donc, mais <strong>Lars Von Trier</strong> est aussi un cinéaste impressionnant qui, entre le dogme, sa poésie de la décrépitude et sa culbute du mélo a changé la face du septième art. Et si on peut détester ses films, on doit reconnaître sinon admirer un sens implacable des innovations techniques et formelles, admettre qu'avec son Dogme il a su secouer l'inertie de l'establishment cinématographique et qu'il reste un créateur dingo comme le rappelle Melancholia. C'est peut-être ça finalement le problème : jusqu'à quel point sa provoc éclipse-t-elle son talent ? Ou la nourrit-il ?Film par film, retour sur la filmo, les provocs et le leg du cinéaste danois enragé.Par Gaël Golhen

1987 : Epidemic

<strong>Le film ? </strong>Lars Von Trier et son scénariste peinent sur l?écriture de leur nouveau film qui doit raconté comment un jeune médecin danois se retrouve confronté à une épidémie de peste. Réalité et fiction s?emmêlent pour former un road movie méta.<strong>La provoc ?</strong> A part l'avant-gardisme de son sujet et ses méandres arty, Lars semble s'être un peu calmé.<strong>Ca vaut quoi maintenant ? </strong>A l?époque, on pensait qu?il s?agissait d'un chef d?oeuvre nordique. Aujourd?hui, Epidemic ressemble à un film d?adolescent pas content. Un combo d?influences pas totalement digérées, qui annoncent la suite (le film dans le film, les mutations cronenberguiennes, la photo du chef op de Dreyer, Kafka...) sans la maîtrise des sommets trieriens. Une matrice, certes, mais un peu gonflante à revoir.?

2009 : Antichrist

<strong>Le film ?</strong> Un couple en deuil, se retire dans un chalet isolé dans la forêt. Ils espèrent y guérir leurs coeurs et sauver leur mariage.<strong>Provoc ? </strong>Huées, claquements de sièges, rigolades, la projo cannoise fut un grand moment. On ne sait pas trop par où commencer : la mysoginie, les scènes de cul frontales, le renard qui crie : ?Le chaos règne?, le noir et blanc chatoyant mais aussi indigeste, la dédicace prétentieuse (à Andrei Tarkovski). Entre bouffonerie, génie provoc et indigence intellectuelle, LvT au top. Personne ne sait où en est Lars, surtout pas lui. Mais ce qui ne passe pas, c?est le traitement des femmes. A Cannes même, il reçoit l?anti prix décerné par Radu Mihaileanu. Selon lui le film ?suggère finement que la femme doit être brûlée sur le bûcher pour sauver le monde et pour que l?homme puisse enfin se mettre debout?.<strong>Ca vaut quoi maintenant ?</strong> Tout est là, intact. Les images sanglantes, l'aria de Haendel, le bordel métaphysique, la puissance des acteurs, la provo de von Trier. En gros, comme à Cannes, &nbsp;ça passe ou ça casse. Soit on se laisse aller à la peur, au dégoût et au désespoir soit on reste sur le bord du chemin. Quoiqu?il en soit, impossible de rester indifférent

1996 : Breaking the waves

<strong>Le film :</strong> Début des 70?s &nbsp;en Ecosse. L'amour démesuré d'une femme pour un homme réduit à l'état de légume, et de ses transgressions pour le ressusciter.&nbsp;<strong>La provoc ?</strong> Côté off, LvT se transforme progressivement en Howard Hughes. Obsession de la réclusion, phobies diverses et maniaquerie intense, il soigne son image et se permet même de planter Cannes (le train qui devait l'emmener était danois et non allemand comme prévu, conditionné et équipé de fermetures automatiques. C'est trop pour Lars). Côté écran, on pouvait craindre le pire : viol, sexe, handicapés... mais non. Récemment converti au catholicisme, son film est bizarrement très ?clean?. Outrancier, mélodramatique, mais d?une pureté qui imite celle de son personnage principale. C?est la force de Breaking the wave finalement.<strong>&nbsp;</strong><strong>Ca vaut quoi maintenant </strong>? BtW reste sans doute le chef d?oeuvre de Lars Von Trier, celui qui compile ses obsessions, va le plus loin dans l?outrance tout en réussissant - miracle - à ne jamais vraiment sombrer dans le ridicule (de peu). C?est le film de la bascule (il n?a pas encore sombré dans ses dogmeries, mais révolutionne son style) et un moment de pur équilibre. Jamais vraiment retrouvé. Les trois heures chahutées de Breaking the Waves sont comme une gigantesque crise, une convulsion cinéma tordant les motifs du récit et de la mise en scène classique pour accoucher d?une parabole mystique affolante. Le modèle affiché de Antichrist ou Melancholia. Un chef d?oeuvre.

2005 : Manderlay

<strong>Le film :</strong> Un conte du racisme ordinaire dans le Sud des US. Avec toujours ses décors à la craie et son high concept théâtral. Manderlay raconte la suite de l?histoire de Grace qui, accompagnée de son père, se réfugie dans l?étrange domaine de Manderlay et découvre l?esclavage et le racisme.<strong>La Provoc ?</strong> Attendu au tournant après son Dogville, Manderlay est le sommet de son antiaméricanisme primaire. Manderlay revient sur l?esclavage en Amérique et prétend dévoiler la face cachée de l?Amérique. Le résultat est une dissertation pataude qui évoque la servitude volontaire et mélange tout sans recul. Logiquement, les médias américains lui tomberont dessus assez violemment. Mais la vraie provoc survient pendant le tournage : pour les besoin de son film, LvT décide de tourner la séquence de la mise à mort d?un âne. Réaction horrifiée des ligues protectrice des animaux et de son acteur principal, <strong>John C. Reilly</strong> qui quitte le tournage et laisse l?équipe en panique. ?Nous avons tout fait pour utiliser une marionette, mais ça ne marchait pas, expliquera l?attachée de presse du film. Nous avons demandé à un vétérinaire de fournir une bête qui allait être abattu et grâce au film, l?animal a vécu deux mois de plus. Les autres acteurs n?ont pas eu de problèmes moraux avec cette situation?. La scène sera finalement écartée du montage final. <strong>&nbsp;</strong><strong>Ca vaut quoi maintenant ?</strong> L?un des moins bons films de LvT qui confond provoc et réécriture de l?histoire; avant-garde et prétention. Confirmation surtout que le cinéaste n'est pas bon dans le social et le cours d'histoire.&nbsp;

1998 : Les idiots

<strong>Le film</strong> Un groupe de copains décide de s'abstraire de la vie quotidienne en jouant les débiles mentaux.&nbsp; <strong>&nbsp;</strong><strong>La provoc ?</strong> Après les ferveurs cathédrales de <em>Breaking the waves</em>, <strong>Von Trier</strong> se refait une virginité militante et provoc avec Les Idiots. A Cannes, pendant la projo, le critique de Sight and Sound hurle pendant la projection : "C'est de la merde !" avant de se faire virer. C'est parti. Les Idiots est d'abord le premier film Dogme, manifeste qui singe la plupart des diktats esthétiques de la nouvelle vague. Un voeu de chasteté cinématographique. La caméra doit être tenu à la main, le son ne doit pas être produit indépendamment de l?image... Derrière la fascination pour l?Ordre (En 95, LVT dira ?Ce n?est pas un hasard si le mot avant-garde a une connotation paramilitaire. La discipline est la réponse. Nous devons faire des films en uniforme?) ce délire janséniste cache surtout une jolie stratégie marketing et une belle provocation. Présenté à Cannes, Les Idiots aura semé la terreur dans un festival honteux de ses débordements, qui se fait prendre la main dans le pot de confiture par le danois fou. Autre débordement, les femmes. Son journal intime du tournage révélait qu?il aurait fait subir les pires humiliations à l?actrice <strong>Anne-Louise Hassing</strong> qui avait repoussé ses avances sexuelles. C?est le début des problèmes de Lars avec ses actrices<strong>.&nbsp; </strong>Mais à l'époque les Idiots avait aussi scandalisé pour une scène de baise géante ("Par-Touze, Par-Touze" gueulaient les membres du collectifs avant de se mettre à s'accoupler par terre).&nbsp;<strong>Ca vaut quoi maintenant ? </strong>Au-delà de la blague potache, Les Idiots reste un moment de cinéma libertaire assez dingue, jamais chiant ni pesant.

2006 : Le direktor

<strong>Le film ? </strong>Un acteur au chômage est engagé pour "jouer" le directeur d'une entreprise face à d'éventuels racheteurs. Il va mettre à nu les dysfonctionnements de l'entreprise est engangé par<strong>La provoc ? </strong>Tout est dans le contenu de cette fable marxiste (brechtienne plutôt vu la place accordée au théâtre). Violence du capitalisme d?entreprise, masques et mensonges sociaux. Le tout porté par une réflexion sur (encore) le théâtre. &nbsp; <strong>Ca vaut quoi maintenant</strong><strong> ? </strong>Une fable mineure qui n?a rien perdu de sa validité, mais reste anecdotique.

2003 : Dogville

<strong>Le film :</strong> Grace, jeune femme poursuivie par des gangsters, trouve refuge à Dogville, où les habitants vont la cacher avant de lui faire subir le pire esclavage<strong>La provoc ?</strong> Lars a fait le film pour répondre aux critiques qui l'accusaient de faire des films sur l'Amérique sans rien connaitre des US. Du coup, il utilise un dispositif qui est en soi l'élément de provocation le plus sûr : pas de décor juste des tracés au sol qui symbolisent les maisons. On flirte avec l'art contemporain et la critique hurle. Il s'amuse également à sadiser la plus grande star de l'époque, Nicole Kidman.<strong>Ca vaut quoi maintenant ?</strong> De rares moments de poésie (la scène de neige bercée par le Stabat Mater de Pergolese) pour 2h58 de théâtre filmé. Dur.

1991 : Europa

<strong>Le film :</strong> <strong>Jean-Marc Barr</strong> joue un Américain d'origine allemande qui veut aider le pays à se reconstruire. Il obtient de son tonton un job de contrôleur des wagons-lits. Comme souvent chez <strong>Von Trier</strong>, le héros est celui par qui le chaos (et le scandale) arrive : Barr est pris dans un réseau nazi et va mettre du temps (beaucooooooup de temps) à comprendre ce qui se passe... <em>Europa</em> devait être son film mainstream, le film qui devait le consacrer grand cinéaste populaire. Les choses ne se passeront pas exactement comme ça<strong>La provoc ?</strong> C?est le film clé pour comprendre l?outrance du Lars. Celui où tout se joue dans son rapport à la provoc. Au moment de recevoir son Prix du jury à Cannes 91 (et pas la Palme donc), Lars sortira sa petite bombe en remerciant le président du jury, le<em>&nbsp;?nain Polanski?</em>. Mais c?est surtout l?odeur d?antisémitisme qui gêne ici. Lars incarne un juif chargé de ?blanchir? d?anciens nazis... Plus que troublant. Le cinéaste règle en fait ses comptes avec sa propre histoire. Au moment de commencer <em>Europa </em>Lars découvrit que l?homme qu?il pensait être son paternel, juif, n?était pas son père biologique. C?est de là que naît son rapport trouble aux juifs et son appétit de provoc. Exemple à l?époque ? Pour les besoins de son film, il visite les wagons privés de Hitler et Goebels. Commentaire ? ?Tous ces rails et ces wagons... On s?est bien amusé!?<strong>&nbsp;</strong><strong>Ca vaut quoi maintenant ? </strong>Plus grand chose. Le problème tient d?abord au scénario : impossible de croire à la naïveté du héros, ni au final, over the top et embarrassant. Et puis, trop chargé esthétiquement, gavé jusqu'à la gueule de référence (ça commence dans le titre), ce road-movie (encore) sinistre et symbolique finit par donner le tournis et une furieuse envie de descendre du train.&nbsp;

1984 : Element of a crime

<strong>Le film </strong>: Premier long de <strong>Lars Von Trier</strong>, Element of Crime annonce la couleur (jaune). Un flic marche sur les traces d?un tueur de petites filles et confie ses hantises à un psy. Le film met en scène la décadence du Vieux Continent : une Allemagne fantasmatique où tout n'est que décrépitude, archives secrètes englouties, descentes dans les entrailles de la terre, omniprésence d'égouts et d'animaux morts... Cool.<strong>La provoc ?</strong> Au delà de l?image jaune pisseux et des tropismes tendancieux du film (le flic qui <em>devient</em> la victime façon Robin Cook ou David Peace), c?est l?attitude de Lars qui va d?abord intriguer. A Cannes, il déboule en blouson de cuir, boule à zéro et passe pour un punk du nord. Mais son fait d?arme à l?époque, c?est la publication d?un manifeste dans lequel on peut lire : ?Nous voulons des films hétéros faits pour, sur et par de vrais hommes?. Réponse de l?intéressé à Première en 2000 : ?On s?amusait beaucoup à écrire des manifestes à l?époque. Comme il existait un manifeste surréaliste, il y en avait un pour le PC. L?hétérosexualité doit être prise comme une métaphore. Je voulais des films où les opposés se rejoignent. C?était ça l?idée. La rencontre entre le mâle réalisateur et la femelle film?.<strong>Ca vaut quoi maintenant ?</strong> Le temps a passé, et il apparaît moins radical qu'il ne l'était à l'époque. Mais si ce thriller dédaléen sous influence (Lang, Dreyer, Welles) a pris un petit coup de vieux, si le récit obscur frôle le non-sens, il reste une belle matrice pour les films à venir. La provoc - moins dans le film que dans l?attitude du cinéaste - ressemble aux tentatives d?un jeune loup pour se faire un nom.&nbsp; Gros sens du marketing, déjà

2011 : Melancholia

<strong>Le film :</strong> la dépression et la fin du monde dans une fresque en deux mouvements.<strong>La provoc : "Je comprends Hitler"</strong><strong>Ca vaut quoi maintenant ?</strong> "Après Antichrist, <strong>Lars von Trier</strong> continue de transformer sa dépression en véritable oeuvre d?art et signe ? non pas dans la fureur mais cette fois dans la sérénité ? l?un de ses plus beaux cauchemars. Le chaos règne, et personne ne nous délivrera du mal. Amen." Thomas Agnelli in Premiere d'aout 2011.

A l'occasion de la sortie de Melancholia, retour sur 3 décennies de provocations et de films monstre signés Lars Von Trier