Ce premier long suit une femme qui s’évade de prison pour récupérer sa fille avant de prendre en otage la conductrice d’un camion . Un personnage flamboyant qui détonne dans le cinéma marocain
Comment naissent votre héroïne et les aventures trépidantes façon Thelma et Louise qu’elle va vivre ?
Yasmine Benkiran : Ma première volonté a été de rompre avec un cinéma naturaliste et social. De proposer une alternative. Cela passe par un mélange des genres revendiqué, entre film de cavale, comédie, fantastique et même cartoon. Mais aussi par une héroïne, Zineb qui sort du cadre dans tous les sens du terme. Zineb est le tout premier personnage que j’ai eu en tête mais aussi celle qui par son énergie, par sa capacité à susciter en permanence le danger, va donner le ton, le rythme du film. Plus jeune, au Maroc, quand j’allais au cinéma voir des films arabes, je manquais de ce type de figure féministe. D’exemples auxquels je pouvais m’identifier. J’ai aussi écrit Reines en pensant aux jeunes femmes qui ont aujourd’hui l’âge que j’avais à l’époque. Avec cette idée que c’est sa complexité qui rend Zineb aussi inspirante.
Vous avez mis du temps à trouver celle qui allait l’incarner ? Ou Nisrin Erradi, exceptionnelle de bout en bout, a surgi d’emblée comme le personnage dans votre scénario ?
Vous voulez la vérité ? C’est celle qui est arrivée en dernier ! (rires) Mon directeur de casting m’avait suggéré de lui faire passer des essais pour le rôle de la conductrice de camion. Or je ne la voyais du tout pour ce rôle. Mais comme Nisrin est une star au Maroc, on me fait comprendre qu’il m’est impossible de ne pas la recevoir. Je fais l’effort mais dans un climat tendu. Je n’ai pas envie qu’elle soit là et comme elle le sait, elle n’en a aucune envie non plus. Sauf que devant son côté un peu agressif, irrévérencieux, insolent, j’ai un déclic. J’ai envie de la voir en Zineb. Je lui demande donc de passer une scène. Il lui suffit de 30 secondes pour savoir le texte par cœur et instantanément, elle m’entraîne sur des terrains que je n’avais absolument pas envisagés pour Zineb. Elle me sort de zone de confort. Je perçois qu’on peut créer des choses ensemble. Et à partir de là, on va apprendre peu à peu à se connaître, en se voyant régulièrement, en prenant des cafés ensemble. Cela va prendre du temps avant que je me laisse totalement convaincre et comme elle n’en a pas l’habitude, je pense que ça lui plaisait d’être ainsi challengée.
Comment avez- vous travaillé ensemble ?
Je lui ai montré des films. A commencer par Vol au- dessus d’un nid de coucou pour le côté explosif et extrêmement attachant de son rôle. C’est aussi passé par énormément de répétitions à trois. Je ne crois pas trop à l'improvisation. On peut le faire si on s’appelle Kechiche et on a des mois de travail devant soi. Mais ce n’était pas notre cas ! Le tournage a été un rouleau compresseur énormément de scènes très techniques : des course- poursuites, des cascades et si tout n’avait pas été préparé, on n’y serait jamais arrivé ! Il fallait aussi savoir si le trio fonctionnait. On a passé en revue tout le film pendant dix jours pour se connaître et se faire confiance.
Au final qu’est ce qui vous a le plus épaté chez elle ?
Sa palette de jeu est assez extraordinaire. Je l’avais vue dans Adam délivrer une partition exactement à l’inverse de celle de Reines. Elle a emmené ce film ailleurs tout en restant fidèle à l’héroïne que j’avais rêvée.
Reines. De Yasmine Benkiran. Avec Nisrin Erradi, Nisrine Benchara, Rayhan Guaran… Durée : 1h23. Sorti le 15 mai 2024
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