Dans les salons du Bristol à Paris, entouré de Edward Norton, Monica Barbaro et James Mangold, l'acteur qui joue Bob Dylan s'est confié sur ce rôle qui pourrait marquer un tournant dans sa carrière.
Deuxième round. Après une avant-première au Grand Rex tonitruante, place à la conférence de presse. Dans les salons feutrés du Bristol, Timothée Chalamet, pull noir parsemé de pois verts et jean bleu lessivé, répond donc avec son français parfait aux questions des journalistes. L'acteur franco-américain est venu défendre Un parfait inconnu, le biopic très attendu sur Bob Dylan réalisé par James Mangold, qui se concentre sur la période la plus engagée politiquement du chanteur.
Il vit avec ce projet depuis longtemps. "On m'a contacté pour la premiere fois en 2018, au moment où ma carrière se lançait", confie l'acteur, qui n'hésite pas à qualifier ce film comme "le plus important de toute ma carrière". Cette production étalée lui a permis de plonger en profondeur dans l'univers de Dylan, particulièrement la période charnière du début des années 60 que couvre le film. "Il y avait peu de matériel visuel documentaire sur Dylan à cette époque", explique Chalamet, jonglant avec aisance entre français et anglais. "Même les historiens, les fans de Bob Dylan connaissent un peu moins bien cette période." Cette relative absence de références, paradoxalement, lui a offert une certaine liberté d'interprétation.
Mais sur le tournage, l'immersion a été totale pour toute l'équipe. "On s'est mis vraiment dans le monde des années 60", raconte l'acteur avec enthousiasme, sourire charmeur et concentration absolue. "J'ai même éteint mon téléphone pour m'immerger dans le monde des années 60." Un investissement qui transparaît à l'écran et dont Chalamet semble tirer une fierté légitime.
La dimension politique du film est également revenu dans les échanges. Interrogé sur la résonnance entre les protest songs de Dylan et l'Amérique contemporaine, Chalamet se montre intarissable. "Dans les années 60, les jeunes artistes comme Bob Dylan ou James Baldwin pensaient que l'art allait changer les choses" analyse-t-il. "C'est différent aujourd'hui parce qu'il y a quand même un cynisme qui est plus fort. Et les obstacles sont peut-être plus importants que ce qui existait dans les années 70."
Il poursuit sa réflexion sur l'engagement artistique : "Les protest songs de cette époque, la lutte pour les droits civiques, tout ça résonne différemment aujourd'hui. Il y a peut-être besoin d'une nouvelle voix, d'une nouvelle façon de faire passer le message." Une observation qui prend tout son sens alors que le film sort dans une Amérique politiquement divisée.
"J'aurais aimé le rencontrer, mais Dylan n'est pas quelqu'un qui cherche l'exposition publique ou qui multiplie les nouvelles relations"
L'évolution de son rapport à la musique est aussi très révélatrice. "J'ai vraiment grandi avec la musique pop qui était sur iTunes en 2008-2009", sourit-il. Le projet l'a amené à plonger non seulement dans l'univers de Dylan, mais dans toute une époque musicale qu'il connaissait peu. Il établit alors des parallèles inattendus : "Je connaissais un peu sa période Rock, moins ses chansons Folk. Et à cause de Dylan, je me suis mis à découvrir des chansons plus obscures des Beatles ou des Stones. Ainsi que la musique de la Nouvelle Vague en France. On pourrait dire qu'elle n'avait rien à voir avec la musique 60s des États-Unis, mais c'est le même esprit, la même attitude."
La question d'une éventuelle rencontre avec Dylan était inévitable. "J'aurais aimé le rencontrer, et ce désir est toujours présent confie la star. Mais je tenais aussi à respecter sa nature réservée : Dylan n'est pas quelqu'un qui cherche l'exposition publique ou qui multiplie les nouvelles relations."
Edward Norton, également présent au Bristol, est revenu sur l'héritage de Dylan. L'acteur qui joue Peter Seeger, le gardien du temple de la Folk, affirmait que "le véritable testament de Dylan, c'est que son œuvre contient des multitudes de facettes. Son travail est si vaste et s'étend sur tant de décennies qu'il reflète notre propre évolution dans la vie. Il y a des moments où certaines dimensions de ce qu'il a fait prennent un sens particulier. Plus tard, vous risquez de vous connecter à une autre partie." Monica Barbaro confirme : cette multiplicité des "facettes", se retrouve dans la diversité d'interprétation que permet le film de Mangold. "Chaque lecture du film est unique et profondément liée à la relation personnelle de chacun avec la musique et l'histoire de l'art. James est si fort qu'il ne cherche pas à imposer un point de vue particulier. Au contraire, il laisse chaque spectateur vivre sa propre expérience du film et de sa relation avec Bob."
Pour James Mangold justement, qui, lui, a eu l'occasion de rencontrer Dylan pendant la préparation du film, l'approche était claire : il n'était pas question de faire "une entrée Wikipédia ou une chronologie", donc de rester fidèle aux faits. Il voulait capturer une sensation, une ambiance. Le réalisateur révèle une conversation éclairante avec Dylan sur sa décision d'aller vers l'électrique : "Ce n'était pas tant une volonté de changer de culture qu'un désir de ne plus être seul sur scène, de jouer avec d'autres musiciens." Une perspective qui a guidé sa propre mise en scène, cherchant à montrer l'humain derrière l'icône.
Et Chalamet de conclure sur une note d'espoir nuancé : "Ce serait bien d’avoir une figure qui saute le pas comme Bob Dylan, mais même je crains qu’il y ait toujours une arrière-pensée, un certain cynisme. Même si tu fais un film avec une ambition éthique élevée, les gens risquent d'y voir toujours un côté corporate." Un parfait inconnu s'annonce ainsi non seulement comme un biopic ambitieux, mais aussi comme une réflexion sur le pouvoir de l'art à transformer la société, hier comme aujourd'hui.
Voilà le synopsis officiel : New York, début des années 60. Au cœur de l’effervescente scène musicale et culturelle de l’époque, un énigmatique jeune homme de 19 ans arrive dans le West Village depuis son Minnesota natal, avec sa guitare et un talent hors normes qui changeront à jamais le cours de la musique américaine. Alors qu’il noue d’intimes relations durant son ascension vers la gloire, il finit par se sentir étouffé par le mouvement folk et, refusant d’être mis dans une case, fait un choix controversé qui aura des répercussions à l’échelle mondiale…
Le film réalisé par James Mangold avec Timothée Chalamet, Edward Norton, Monica Barbaro, Ellen Fanning sortira le 29 janvier en France.
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