Sorti au cinéma en 2013, The Place Beyond the Pines, avec Ryan Gosling, Bradley Cooper, Eva Mendes et Rose Byrne, reviendra ce soir sur CStar. Voici ce qu'en disait son réalisateur, Derek Cianfrance, dans les pages de Première.
Avec Blue Valentine, Derek Cianfrance filmait un drame amoureux intense mais intimiste, le trajet d'un couple jusqu'au point de rupture qui tenait tout entier dans l'alchimie du duo Michelle Williams/Ryan Gosling. Si dans The Place Beyond the Pines se joue encore un affrontement à deux, ce thriller aux multiples virages narratifs dont l'action se déroule sur 15 ans est d'une autre ambition. Le cinéaste nous parle de son « feu intérieur » et de cet appétit dévorant.
Première : Il y a tant de virages narratifs inattendus dans The Place Beyond the Pines qu’il est très difficile d’en parler sans gâcher l’expérience du spectateur. Vous rendez-vous compte que c’est un cauchemar pour les critiques ?
Derek Cianfrance : Sauf pour ceux qui détestent le film... Ils peuvent le flinguer rien qu’en racontant l’histoire ! (Rire.) Plus sérieusement, je pense que l’intrigue est suffisamment forte pour résister à un ou deux spoilers. La première fois que j’ai vu Psychose, je savais bien ce qui allait arriver à Janet Leigh durant la scène de la douche mais ça ne m’a pourtant pas gâché le plaisir. Je pense même que ça a rendu les choses encore plus intenses.
Vous avez mis plus de dix ans à trouver le financement de Blue Valentine. Depuis combien de temps rêviez-vous de The Place... ?
Depuis longtemps. À 19 ans, j’ai découvert coup sur coup Psychose, justement, et le Napoléon d’Abel Gance. D’un côté, un film scindé en deux ; de l’autre, un triptyque... Ces structures, ces formes m’ont obsédé pendant vingt ans, mais je n’avais pas d’histoire à raconter. Tout s’est mis en place en 2007, au moment où ma femme était enceinte de notre deuxième enfant. À l’époque, je lisais beaucoup Jack London et j’étais travaillé par les questions de générations, d’héritage. J’ai toujours eu une sorte de rage en moi, un feu intérieur qui me vient de mon père, lequel le tenait de son propre père. Ce « feu » m’a beaucoup fait souffrir au cours de ma vie. Mon fils allait-il s’y brûler à son tour ? Cette interrogation est à la base du film.
Blue Valentine reposait beaucoup sur l’improvisation. Dans The Place..., tout a l’air plus écrit, plus « précis ». Vous avez changé de méthode ?
Non, on a autant improvisé que sur le précédent. Les deux seuls moments que je déteste quand je réalise un film sont quand je dis « Action » et « Coupez ». J’aime laisser la caméra tourner, encourager les acteurs à imposer une atmosphère. Un exemple : à l’origine, après leur premier braquage de banque, Ryan Gosling et Ben Mendelsohn avaient trois pages de dialogues. Mais le jour J, Ryan a mis Dancing in the Dark, de Springsteen, et il a commencé à danser avec le chien, une clope au bec. C’était magique. Il y a plein de moments comme ça dans le film. Le plus dur, ensuite, c’est de couper. Le premier montage faisait 3 h 30 !
L’histoire s’étend sur une quinzaine d’années. D’où vient cette ambition démesurée ?
J’ai faim, j’en veux toujours plus. On a longtemps pensé que The Place... était irréalisable. Mais mes professeurs de cinéma, Stan Brakhage et Phil Solomon (de célèbres réalisateurs de films expérimentaux), m’ont enseigné qu’un metteur en scène se doit de se mettre en danger, de ne pas craindre l’échec. J’ai rencontré des pilotes de stock-cars, ils m’ont dit exactement la même chose : le seul moyen de gagner une course, c’est de risquer le crash à tout instant.
Interview Frédéric Foubert
Bande annonce de The Place Beyond the Pines :
Ryan Gosling : au nom du père
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