Disponible sur Amazon Prime Vidéo, l’hypothétique dernier film de l’acteur est une formidable comédie policière, cool et mélancolique.
Robert Redford a-t-il oui ou non pris sa retraite ? Difficile à dire. Pendant le tournage et la post-production de The Old Man and the Gun, il avait officiellement annoncé que ce film serait son dernier, l’occasion de faire ses adieux au métier d’acteur. Puis, en septembre dernier, au moment des festivals de Telluride et Toronto, il a fait machine arrière, dit qu’il avait parlé un peu trop vite, qu’il ne fallait jamais dire jamais… Redford hésite, donc. Sa récente démission de son poste de directeur du festival de Sundance (qu’il a fondé en 1978) confirme pourtant qu’il semble avoir envie de lever le pied. Et, quoi qu’il en soit, l’intrigue de The Old Man and the Gun fonctionne comme un commentaire méta sur sa carrière : le film raconte l’histoire vraie (« presque vraie », ironise un carton placé en ouverture) d’un braqueur de banques, Forrest Tucker, qui continua ses activités hors-la-loi jusqu’à un âge canonique, et fut accessoirement un recordman de l’évasion, réussissant à se faire la belle pas moins de seize fois au cours sa vie. Le récit se concentre sur les derniers coups de ce voleur insatiable, incapable de se ranger des voitures, accro à l’adrénaline des braquages, et à sa traque par un flic entêté (Casey Affleck, moustachu).
L’anti-La Mule
On l’aura compris : tout ici était en ordre de bataille pour dérouler un film « crépusculaire », fantomatique, en clair-obscur, une ode nostalgique à la légende de l’éternel Sundance Kid. Mais le réalisateur David Lowery prend le contre-pied du programme attendu. Pour le dire vite, The Old Man and the Gun, c’est l’anti-La Mule. Un film « de vieux », oui, mais qui préfère la lumière aux ténèbres. Après une romance malickienne (Les Amants du Texas), le remake d’un vieux Disney des familles (Peter et Elliott le Dragon) et un ovni fantastique stupéfiant (A Ghost Story), Lowery choisit ici le ton de la comédie policière décomplexée et laid-back. Un film de casse rigolard comme on en faisait dans les années 70-80 (l’intrigue se passe au début des eighties), un polar décontracté comme ceux que Redford tournait à l’époque, type L’Arnaque ou Les Quatre Malfrats. The Old Man and the Gun la joue au charme, fidèle en cela à l’art et la manière de Forrest Tucker, un homme qui braquait des banques, oui, mais en douceur, avec le sourire, sans jamais se servir de son flingue. Quand ils témoignaient devant les flics dépêchés sur les lieux du crime, les employés détroussés par Tucker ne pouvaient s’empêcher de souligner à quel point le bandit s’était comporté en gentleman, toujours poli et courtois, zen et séducteur. Le film fait la même chose, misant tout sur le charisme tranquille de son casting (Danny Glover et Tom Waits entourent Redford et Affleck), la chaude photo vintage de Joe Anderson, son goût pour les jolies scènes de drague entre seniors (voir la merveilleuse rencontre entre Redford et Sissy Spacek en intro, qui donne d’emblée le tempo buissonnier). Et c’est sans qu’on s’y attende que le film bouleverse – alors que la fin approche, dans un montage relatant les exploits criminels de Tucker, Lowery glisse un extrait de La Poursuite Impitoyable, chef-d’œuvre d’Arthur Penn millésime 1966, dans lequel Redford, déjà, s’évadait de prison. Un clin d’œil d’autant plus touchant que le film de Penn était l’une des sources d’inspiration des Amants du Texas... Mais pour le reste, The Old Man and the Gun, 1h30 au compteur, n’a pas d'autre ambition que de vous divertir. A l’image de sa star, un workaholic très doué dans son job, qui, au soir de sa vie, reconnaît que tout n’aurait pas été si facile sans sa belle gueule et son sourire enjôleur. Comment voulez-vous lui résister ?
The Old Man and the Gun, de David Lowery, avec Robert Redford, Sissy Spacek… Sur Amazon Prime Vidéo.
Commentaires