Paul Schrader questionne la culpabilité de l’Amérique dans cette épure de son cinéma, trop décharnée. Mais Oscar Isaac impressionnne en samouraï masochiste.
L’avantage avec Paul Schrader, c’est que même après un accomplissement artistique comme celui de First Reformed (l’aboutissement de sa carrière, selon lui), il n’a pas dû se poser trop de questions pour savoir comment rebondir. L’homme, au fond, ronge toujours le même os. Réalise plus ou moins toujours le même film. The Card Counter se présente donc comme une nouvelle variation sur l’éternel schéma de son cinéma : c’est le portrait d’un solitaire, se livrant à une occupation routinière, mû par une pulsion autodestructrice, et qui va voir sa vie bouleversée par la puissance salvatrice de l’amour. William Tell (Oscar Isaac) est un joueur de poker et de blackjack, sortant d’une longue peine de prison, qu’il purgeait pour avoir pratiquer la torture à Abou Ghraib. Hanté par la culpabilité, il rencontre un jeune homme (Tye Sheridan), qui souhaite le convaincre de se venger de l’officier cinglé qui l’a poussé au crime et a échappé à la justice (Willem Dafoe)… Si Oscar Isaac impressionne en samouraï masochiste, mutique et félin, la recherche d’épure de Schrader finit par se retourner contre le film. Les citations visuelles de Robert Bresson, déjà abondamment utilisées dans ses œuvres précédentes, virent ici au procédé, presque au gag. A force de dégraisser, Schrader expédie certaines chevilles du récit (la rencontre entre Isaac et Sheridan paraît invraisemblable) et empêche l’émotion de s’installer. Or, on sait que ses plus beaux films (American Gigolo en tête) sont ceux où la passion se met soudain à faire flamber ses compositions zen. Ce n’est malheureusement pas le cas ici.
De Paul Schrader. Avec Oscar Isaac, Tiffany Haddish, Tye Sheridan… Durée 1h52. Sortie le 29 décembre 2021
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