Affiches sorties de la semaine du 29 décembre 2021
Wild Bunch Distribution, The Walt Disney Company France, Condor Distribution

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
BELLE ★★★★★

De Mamoru Hosoda

L’essentiel

Le génial Mamoru Hosoda, le réalisateur de Miraï, ma petite sœur et des Enfants Loups s'empare de La Belle et la Bête de Disney pour en faire un grand trip pop à base de cyber-super-héros et de réseaux sociaux. Le résultat : visionnaire, parfait.

Belle se déroule au présent, ou dans un futur très proche, en tous cas dans un monde où presque toute l'humanité se branche au réseau social ultime nommé U, immense terrain de jeu qui permet de tout accomplir via un avatar. Suzu, une ado timide vivant avec son père dans un bled de campagne, se réinvente dans U en tant que Belle, une chanteuse pop qui y devient la plus grosse star de tous les temps. Elle va croiser dans U une mystérieuse Bête, traquée par les forces de sécurité du réseau, tout en essayant de dealer avec les problèmes de la vie de tous les jours. Il y aura des tubes pop, des visions de châteaux brisés et de roses fanées, des bastons de superhéros virtuels, et une galerie de personnages « réels » croqués avec un génie. Quand Disney, à de rares exceptions près, se contente de créer ses films comme à partir de codes, de commandes et d'algorithmes balisés, Belle représente l'aventure :  il ne se contente pas juste d'être totalement beau et absolument divertissant, mais de nous montrer la possibilité d'un tout nouvel univers.

 

Sylvestre Picard

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PREMIÈRE A AIME

LES ENFANTS DU SOLEIL ★★★☆☆

De Majid Majidi

Comment raconter à travers une fiction ces enfants contraints à travailler dans des conditions dangereuses pour faire (sur)vivre leurs familles ? Qu’apporter de plus sans quel cela paraisse artificiel par rapport à un documentaire, forme en apparence la plus appropriée ? L’iranien Majid Majidi  (Les Enfants du ciel) apporte à toutes ces interrogations une réponse aussi virevoltante qu’originale en décidant d’emprunter le prisme du film de casse. Celui pour lequel Ali, 12 ans, et ses amis ont été embauchés par un dangereux criminel et qui a pour un cible un trésor caché dans les sous - sols à proximité d’une école que ces gamins des rues doivent donc intégrer afin de parvenir à leurs fins. Et sur cette colonne vertébrale, Majidi multiplie les films à l’intérieur de son film. Il y est à la fois question d’amour, d’un plaidoyer pour l’éducation comme moyen de changer le cours de destins brisés ou encore du quotidien des migrants afghans considérés comme citoyens de seconde zone en Iran. Tout se mêle ici avec une harmonie jamais prise en défaut pour donner naissance à un film d’aventures lumineux et ludique au rythme intense.

Thierry Cheze

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

THE CARD COUNTER ★★☆☆☆

De Paul Schrader

The Card Counter se présente comme une nouvelle variation sur l’éternel schéma du cinéma de Schrader : le portrait d’un solitaire, se livrant à une occupation routinière, mû par une pulsion autodestructrice, et qui va voir sa vie bouleversée par la puissance salvatrice de l’amour. William Tell (Oscar Isaac) est un joueur de poker et de blackjack, sortant d’une longue peine de prison, qu’il purgeait pour avoir pratiquer la torture à Abou Ghraib. Hanté par la culpabilité, il rencontre un jeune homme, qui souhaite le convaincre de se venger de l’officier cinglé qui l’a poussé au crime et a échappé à la justice… Si Oscar Isaac impressionne en samouraï masochiste, mutique et félin, la recherche d’épure de Schrader finit par se retourner contre le film. Les citations visuelles de Robert Bresson virent ici au procédé, presque au gag. A force de dégraisser, Schrader expédie certaines chevilles du récit (la rencontre entre Isaac et Sheridan paraît invraisemblable) et empêche l’émotion de s’installer.

Frédéric Foubert

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TROMPERIE ★★☆☆☆

De Arnaud Desplechin

Tromperie, d’après Philip Roth auteur vénéré par Arnaud Desplechin, est une mise en abîme autour de l’acte d’écrire. Le credo est celui-ci : un auteur surpuissant par nature mais surtout par devoir, peut justifier toutes ses bassesses supposées au nom de l’inspiration. Les bassesses ici concernent surtout un penchant non exclusif pour ses modèles-maîtresses qui se jettent dans ses bras telles des doubles fictionnels venant jouer les diablotins. L’auteur ainsi assailli se doit d’éprouver ses actes et son discours pour se noyer tout entier dans sa pensée. Une fois confronter au réel (celui-ci à les traits de la femme mariée), que reste-t-il sinon une montagne de questions non résolues que son interlocutrice ne peut entendre ? Desplechin assume la théâtralité d’une entreprise réalisée confinée et peut compter sur des interprètes stradivarius (l’imprévisible Léa Seydoux vaut à elle-seule le déplacement !) Reste tout de même cette impression d’une longue explication de texte où les poncifs s’ils servent la comédie empêche toutefois le drame de naître. Et dans cette entreprise autocentrée tout finit par s’épuiser.

Thomas Baurez

THE KING’S MAN : PREMIERE MISSION ★★☆☆☆

De Matthew Vaughn

L’esprit bouillonnant et punk de Kingsman est-il soluble dans la noirceur de la Première Guerre mondiale ? On ne cessera jamais vraiment de se poser la question devant The King’s Man : Première Mission, préquel de la franchise qui nous raconte les origines de l’agence d’espionnage. L’histoire d’un aristocrate pacifiste, le duc d'Oxford (Ralph Fiennes), qui s’oppose dans l’ombre à un complot organisé par les plus grands génies criminels. Sujet semi-sérieux pour un film qui peine à marier l’univers Kingsman et un récit d’espionnage très premier degré. Matthew Vaughn tente de ménager la chèvre et le chou, alternant les scènes de baston jubilatoires et des séquences émotion, beaucoup plus rares dans son cinéma. Mais il faut aller vite, faire avancer l’affaire, montrer la création du Kingsman pour boucler la boucle, et ces sorties de route sont immédiatement désamorcées au profit de situations et de personnages bigger than life. On ressort de The King’s Man : Première Mission pas mécontent - le divertissement tient ses promesses et le casting est fabuleux - mais un peu déboussolés, avec l’impression d’avoir assisté à la fusion de deux films qui refusent de dialoguer entre eux.

François Léger

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LAMB ★★☆☆☆

De Valdimar Jóhannsson

C’est l’histoire d’un couple qui élève des moutons au milieu d’un grand nulle-part islandais. On sent bien ici que leur quotidien trop bien réglé est habité par une tristesse sans nom qui finit par occuper tout l’espace (ce qui n’est pas rien !) La tension monte à l’aide de mouvements de caméra appelant un dévoilement. C’est bientôt un petit monstre qui aura la charge de remplir le cadre et lui donner sa raison d’être. L’invisible s’éclipse donc pour retomber littéralement sur ses pattes et se matérialiser sous les traits d’un enfant pas comme les autres (mi-figue, mi-raisin). Dès lors, tout fait sens et chaque dialogue, chaque intrusion, chaque geste, vient valider et justifier un fantastique qui s’excuserait presque d’être là. On remerciera Valdimar Jóhannsson d’aller au bout d’une logique que n’aurait pas renié certains clippers stars des 90’s.

Thomas Baurez

NEXT DOOR ★★☆☆☆

De Daniel Brühl

Pour sa première réalisation, Daniel Brühl se met en scène dans une version satirique de lui-même, acteur à la carrière internationale imbu de sa personne, qui vit dans un superbe appartement berlinois. En attendant d'aller passer un casting pour un film de superhéros, il s'installe dans le bar du coin. Bruno, son voisin dont il n'a jamais entendu parler, l'y attend sagement : il compte faire de sa vie un enfer... Un petit huis clos éminemment sympathique où Brühl ne s'épargne pas, et dont il profite pour tirer à vue sur sa propre classe, la gentrification et les inégalités Est/Ouest qui perdurent depuis la chute du Mur. Le jeu de massacre, d'abord très amusant, finit pourtant par tourner en rond. La faute à un scénario qui pousse vers toujours plus de révélations, jusqu'à l'invraisemblance.

François Léger

GOODBYE MISTER WONG ★★☆☆☆

De Luang Kiyé- Simon

Né au Laos et arrivé en France à l’âge de 10 ans avec sa famille, Luang Kiyé- Simon a fait de son pays d’origine le cœur de son cinéma depuis ses débuts en 2003. Il met le cap ici sur le lac Nam Ngum, théâtre des destins croisés qu’il a imaginés : celui de la franco- laotienne France, revenue sur place gérer la petite entreprise familiale (la location d’un bateau pour touristes) et convoitée par deux hommes et celui de Hugo, venu de France afin de reconquérir sa femme qui l’a quittée un an plus tôt pour s’exiler dans cette région. Le cinéaste dit avoir voulu réaliser « un mélodrame sans drame ». L’objectif apparaît atteint mais l’indolence qui règne en maître prive le récit d’aspérités. Son dépouillement revendiqué donne tout à la fois naissance à une œuvre d’une grande élégance visuelle (remarquable utilisation du 16 mm) et à une sensation de long tunnel scénaristique qui n’en finit pas de finir.

Thierry Cheze

 

PREMIÈRE N’A PAS AIME

LE TEST ★☆☆☆☆

De Emmanuel Poulain- Arnaud

Après Les Cobayes (passé directement par la case VOD) où il mettait en scène un couple testant un traitement révolutionnaire pour renforcer un désir émoussé, Emmanuel Poulain- Arnaud s’aventure dans un grand classique de la comédie française: l’exploration d’une famille a priori sans histoire percutée par un petit grain de sable qui en révèle tous les dysfonctionnements. En l’occurrence donc ici un test de grossesse positif découvert dans un salle de bain sans qu’on en connaisse la propriétaire. Sur cette base, le scénario se révèle une mécanique pour le moins poussive qui, marié à une réalisation sans aspérité et une interprétation guère plus transcendante (à la notable exception d’Alexandre Lamy, décidément une de nos meilleures actrices de comédie), peine à trouver une quelconque singularité.

Thierry Cheze

NOS PLUS BELLES ANNEES ★☆☆☆☆

De Gabriele Muccino

Depuis plus de 20 ans, Gabriele Muccino semble courir en vain derrière l’alignement des planètes qui avait donné naissance à Juste un baiser – merveilleusement interprété par Stefano Accorsi et Giovanna Mezzogiorno – son premier gros carton en salles, lauréat de cinq David di Donatello (les César italiens) et prix du public au festival de Sundance. Passé par Hollywood pour une succession de films sirupeux à souhait (A la recherche du bonheur, Sept vies, Père et fille), il est revenu depuis quelques années dans son Italie natale où il s’attaque ici à une fresque suivant pendant quarante ans les vies agitées de quatre amis adolescents romains. Impossible ici de ne pas penser aux figures tutélaires d’un tel type de film, le Nous nous sommes tant aimés d’Ettore Scola et le Nos meilleures années de Marco Tullio Giordana. Sauf que ces deux films- là possédaient une dimension réduite ici à la portion congrue : une traversée des événements politiques et sociétaux qui avaient marqué leurs époques respectives. Dopé aux tubes du Top 50 et tout à son obsession de créer une atmosphère joyeuse où toute mélancolie semble bannie, Nos plus belles années reste, lui, trop à la hauteur de ses seuls personnages, pour ne pas s’enferrer dans des intrigues mille fois vues et revues sans y apporter une quelconque originalité.

Thierry Cheze

A PERFECT ENEMY ★☆☆☆☆

De Kiké Maillo

Après Hygiène de l’assassin (par François Ruggieri en 1999), Stupeur et tremblements (par Alain Corneau en 2003) et Ni d’Eve ni d’Adam (devenu Tokyo fiancée sous la direction de Stefan Liberski en 2014), Cosmétique de l’ennemi (publié en 2001) est le quatrième roman d’Amélie Nothomb à connaître une nouvelle vie sur grand écran. En s’en emparant, l’espagnol Kike Maillo (découvert voilà dix ans avec l’excellent Eva, suspense de science- fiction autour de la création d’une enfant androïde) change son titre et le sexe d’un de ses personnages principaux (le roman mettait en scène deux hommes) mais ne touche pas à la colonne vertébrale de l’intrigue. Où, dans un aéroport parisien, un architecte se voit interpellé par une mystérieuse jeune femme si envahissante qu’elle va lui faire manquer son vol avant qu’il ne comprenne que leur rencontre n’est en rien dû au hasard. Porté par de solides acteurs – Tomasz Kot (Cold war), Marta Nieto (Madre) et la débutante Athena Strates – le scénario qui se rêve en thriller mental et ludique – apparaît vite trop artificiellement alambiqué et jamais assez perturbant pour convaincre. Une impression appuyée par une mise en scène théâtrale à souhait qui maîtrise mal l’art du grand guignol. Beaucoup de bruit et d’agitation pour pas grand-chose.

Thierry Cheze