Shyamalan a pleuré en découvrant les critiques assassines de Glass
Abaca

"Honnêtement, je me suis dit :'mais est-ce que j’aurais le droit un jour d’être différent ? Sans qu’on me jette aux chiens ?' J’ai été envahi d’un sentiment d’inutilité. A quoi bon !"

Il y a Marcel Proust qui affronta Jean Lorrain au pistolet au début du XXème siècle, parce que ce dernier avait traîné son premier roman dans la boue. Il y a ceux qui préféraient la plume ou le stylo pour se venger (les assassinats de critiques par Flaubert sont assez marrants). Ceux qui rouspétaient en silence aussi. Parfois, certains cinéastes proposent un match de boxe aux méchants journalistes (Uwe Boll qui avait "oublié" de leur dire qu’il avait été boxeur). D’autres sont plus malins, comme David Fincher qui, dans un grand retournement publicitaire assez caractéristique, utilisa les critiques venimeuses des journalistes pour faire la promo du DVD de Fight Club. Et puis il y a Shyamalan.

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Le rapport entre la presse et l’artiste est un sujet compliqué, mais ce n’est jamais facile de se faire démonter par la critique. M. Night Shyamalan l’a récemment vécu avec Glass, dernière touche de sa trilogie du mal (ou du Eastrail 177 pour les fans de Manoj). Il l’a récemment raconté lors d’une conférence à la NYU’s Stern School of Business comme le rapporte le site IndieWire.

"J’étais à Londres quand j’ai commencé à voir tomber les critiques américaines. J’étais dans une loge en train de me préparer pour une émission de télé, assis dans un fauteuil. Nous étions à peine rentrés d’une avant-première londonienne démentielle. Toutes les projections autour du monde, où que ce soit étaient fabuleuses. Je n’étais pas préparé. J’avais l’impression d’avoir la carte, de faire partie du groupe. Mais ce jour-là, je me suis senti totalement repoussé."

Glass est l’ultime volet de sa trilogie super-introspective, un film de superhéros sans superbastons costumées ; un film super minimaliste avec un Bruce Willis interné et usé, un Sam Jackson maléfique comme un héros haneckien et un James McAvoy illuminé. Un film auquel visiblement tout le monde n’était pas prêt. Pourtant, Shyamalan a longtemps un chouchou des journalistes. Même si le culte avait mis un peu de temps à démarrer, Incassable est aujourd’hui considéré comme un chef-d’œuvre 90’s. Et après les fours du Dernier Maître de l’air et de After Earth, Split avait été accueilli comme la renaissance du phénix Shyamalan et naturellement, la hype et l’excitation entourant Glass n’avait pas cessé de grossir depuis l’été dernier.

Mais dès les premières projections, les critiques ne furent pas tendres. Aux USA surtout parce que le site Rotten Tomatoes annonçait 37% de critiques positives au moment de la sortie du film. Ce qui est peu, effectivement, même si on est loin des scores catastrophiques du Dernier maître de l’air (5% de critiques positives) ou de After Earth (11%). En France, les critiques furent plus tendres avec son film. Sur Allociné, la note moyenne des critiques était de 3,5 un tout peu moins que Split (3,7) mais relativement correct, puisqu’il s’agissait de son score le plus élevé depuis Le Village (bien plus élevé en tout cas que The Visit, After Earth, La Jeune fille de l’eau et même Signes).

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On comprend la réaction de Shyamalan face aux premières critiques. Tous les cinéastes font des films pour être aimés, ou au moins compris. Mais Shyamalan savait aussi parfaitement ce qu’il faisait puisque dans l’interview qu’il nous avait accordé à la sortie de ce film, il convenait que Glass était atypique et que "la vraie motivation des gens pour inciter les spectateurs à payer une babysitter c’est le CGI Porn, le déluge d’effets spéciaux."

Ceci dit, aux Etats-Unis, il n’y a pas que les critiques qui comptent. Et M le maudit s’est vite consolé. "Honnêtement, je me suis dit :'mais est-ce que j’aurais le droit un jour d’être différent ? Sans qu’on me jette aux chiens ?' J’ai été envahi d’un sentiment d’inutilité. A quoi bon ! Et ça ne m’a jamais vraiment quitté. Cela dit, le film a marché. Il est devenu numéro un partout dans le monde et il incarne mes croyances les plus intimes."

Après tout, Business is business. Et Shyamalan travaille d’arrache pied sur sa nouvelle série Apple.