La première partie de ce qui est censé être le magnum opus de Zack Snyder est singulièrement mal inspirée.
Il y a un grand film dans la tête de Zack Snyder : une immense fresque de science-fiction qui serait à la fois la somme de tout ce qui l’a précédée, et un nouveau commencement. Et ce serait son Star Wars à lui. Rebel Moon, première partie, est tout à fait ça. La somme de tout le cerveau de Zack, ou du moins la partie qui a donné naissance à 300 et Sucker Punch. Une ex-guerrière d’élite veut protéger une paisible planète agricole des visées d’un empire intergalactique fascisant, appelé "Motherhood" (sa force armée s'appelant "Imperium") et cherchant à s'emparer du blé spatial cultivé par des paysans virils et sains. L'histoire va progresser au rythme des recrutements de combattants chargés de défendre la "lune rebelle" du titre, tout en échappant aux griffes de l'affreux Noble (sic), cruel officier au caractère rappelant aussi bien le SS que le commissaire politique.
C'est le trait qui rappelle la morale libertarienne de son réalisateur : l'état forcément totalitaire versus la communauté rurale traditionnelle (dont le chef, rustique artisan très barbu et très musclé, est appelé "Père"). Les deux premiers BioShock faisaient de cette même morale un espace de jeu foncièrement dangereux, mutant et explosif -la cité sous-marine de Rapture, utopie mortifère devenue folle. Ayant choisi son camp, Rebel Moon est dans une autre galaxie que celle de BioShock, et ce n'est pas fameux.
Donc, au programme de L'Enfant du feu, des space nazis/bolcheviks, des gens très musclés (surtout des hommes, sans oublier les éternels gimmicks homophobes de son auteur : témoin cette scène où un homme monstrueusement dégénéré veut acheter les faveurs sexuelles d'un jeune paysan, au grand dégoût de l'héroïne), des ralentis, des champs de blé, un score écrasant de Tom Holkenborg… Mais c’est trop nanar, trop mal écrit, trop mal joué, trop… même pas « trop », en fait. Pas assez dingo. Un comble, car même l’aspect visuel, censé être le point fort du réalisateur, paraît sérieusement étriqué : on dirait vraiment que tout a été tourné entre un parking de Californie et un fond vert. Le prologue de Man of Steel, dans Krypton au seuil de l'effondrement, était cent fois plus inspiré. Snyder voulait paraît-il faire un Star Wars à la Kurosawa -oubliant que le réalisateur des Sept samouraïs était déjà l'un des plus forts modèles de George Lucas. En fin de compte, si Rebel Moon ressemble à quelque chose, c'est plus à un sous-Jupiter : Le destin de l’univers (sans toute la générosité des Wachowski) carburant à ce que Warhammer 40 000 a de plus épuisant (la SF mascu militariste sauce premier degré).
Ceci dit -et c'est intéressant- à la fin, on a quand même envie de voir la suite, L'Entailleuse, prévue pour avril 2024. Sérieusement ? Mais oui, la bande de guerriers galactiques réunis par Sofia Boutella dégage à l'arrivée le petit charme des teams de séries télé cabossées et sympathiques (Rebel Moon a été à un moment un projet de série une fois que Kathleen Kennedy n'en a pas voulu pour Star Wars) comme Spartacus : Le Sang des gladiateurs, le véritable modèle de Rebel Moon -et qui pompait allègrement 300. Tout se recoupe, donc. On finit par une mention spéciale à Doona Bae en super-tueuse dont la silhouette évoque celle de Meiko Kaji dans La Femme scorpion, mais avec des bras cyber et des sabres laser. On ne pourra jamais, au grand jamais, reprocher à Snyder de ne pas savoir s’adresser à la partie la plus geek -on n’a pas dit : la plus cinéphile- de notre cerveau.
Rebel Moon : Partie 1 – Enfant du feu, de Zack Snyder, avec Sofia Boutella, Charlie Hunnam, Ed Skrein... le 22 décembre sur Netflix.
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