Le fascinant film de Todd Haynes arrive sur Canal +.
Si l'on ne sait pas encore comment le cinéaste va pouvoir rebondir après l'abandon de son nouveau film par Joaquin Phoenix, qui lui avait pourtant soumis l'idée de tourner une romance gay, sexuellement explicite, se déroulant aux Etats-Unis dans les années 1930, Todd Haynes sera à l'honneur en ce mardi soir, sur Canal +. La chaîne cryptée programme à 21h10, ainsi qu'en replay pour ses abonnés, May December, porté par deux comédiennes superbes : Natalie Portman et Julianne Moore.
On le sait. Todd Haynes aime les actrices… qui le lui rendent bien. Aux côtés de Julianne Moore (avec qui il collabore régulièrement depuis Safe voilà déjà près de 30 ans), Natalie Portman rejoint la liste impressionnante (Cate Blanchett, Rooney Mara, Michelle Williams, Kate Winslet, Anne Hathaway…) de celles que le cinéaste a dirigées sur le grand et le petit écran. Et cette fois-ci, inspiré par l’affaire de la prof de maths Mary Kay Letourneau (qui avait défrayé la chronique à la fin des années 90), il organise un face à face, un duo/duel entre d’un côté Elizabeth, une actrice qui se prépare au tournage de son prochain film et de l’autre, Gracie, la femme qu’elle va incarner à l’écran, dont, des années plus tôt, son histoire d’amour avec un adolescent de 13 ans (devenu depuis son mari et le père de plusieurs de ses enfants) lui a valu un séjour en prison.
Cinéaste des mélos déchirants mais enveloppants, Haynes signe avec May December un film qui tranche avec ses habitudes, dans une ambiance sarcastique et revêche à souhait. Tant Elizabeth, souvent faussement mielleuse, en quête de vérité pour son rôle semble prendre un plaisir pervers à mettre à mal, à chacune de ses questions faussement innocentes, l’harmonie familiale brandie en étendard par Gracie comme pour s’auto-convaincre que son histoire d’amour est plus belle, plus forte et plus solide que toutes les autres, en dépit (ou grâce à ?) des obstacles mis sur son chemin.
Aucun personnage n’est ici à sauver, trop petitement machiavéliques pour accéder à une quelconque grandeur ou trop bas de plafond pour ne susciter autre chose que de la pitié. Il y a un côté Affreux, sales et méchants – en mode ultra- policé - dans cette plongée en eaux troubles où Elizabeth se rapproche du mari de Gracie jusqu’à une scène d’ébats plus clinique que sensuelle, symbole de cette atmosphère poisseuse créée aussi par la lumière de Christopher Blauvelt - aux antipodes de la beauté formelle de son travail sur First cow de Kelly Reichardt - pour coller à l’univers des tabloïds dont Gracie a longtemps fait la une.
Ce parti pris, cet effet de style qui prend beaucoup de place (utilisation des zooms, cette idée d’une caméra qui veut rayer le vernis des apparences…) créent de fait une distance avec ses personnages et limite la capacité de ce film à se déployer émotionnellement. Mais accompagnées musicalement par le thème créé par Michel Legrand pour Le Messager de Losey (Palme d’Or 71) - musique porteuse d’une ironie ludique - Natalie Portman et Julianne Moore s’y déploient, elles, avec une puissance, une finesse et une intensité inouïes. Une leçon de jeu, du premier au dernier plan.
Bande-annonce de May December :
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