mirai
Studio Chizu

Ce beau film d'animation est à revoir sur Culture Box ou en replay sur France.TV.

Mirai, ma petite sœur est sorti le 26 décembre 2018 en France, et il a été acclamé par la critique. Présenté en compétition au Festival du Film d'animation d'Annecy et à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes cette année-là, le film d'animation de Mamoru Hosoda, réalisateur de Summer Wars et des Enfants loups, est une chronique familiale et magique d'une richesse incroyable.

Nous avions rencontré le réalisateur, également d'une richesse incroyable, dans le cadre du festival d'Annecy cette année-là, et repartageons son interview aujourd'hui, à l'occasion de la rediffusion du film sur la chaîne n°14.

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Miraï, ma petite sœur, donne l'impression qu'il y a plusieurs films en un : comédie familiale, aventure fantastique, une chronique réaliste...
D'habitude, je compose toujours mes films en trois chapitres. Ici j'ai ajouté des sous-chapitres... C'est une première pour moi. En fait, la structure invisible du film, c'est qu'il y a un épisode par membre de la famille. S'il n'y a pas de structure apparente, c'est parce que je voulais vraiment m'intéresser à des détails de la vie quotidienne.

 

Dans le cinéma d'animation on est moins habitués au réalisme et à la vie quotidienne.
Quand on regarde l'histoire du cinéma japonais, il y a une sorte d'école de la vie quotidienne. On ne peut ignorer le cinéma de Yazujiro Ozu, qui m'a énormément influencé pour Miraï, ma petite soeur. Je regarde ses films régulièrement. Dans la vie, es détails de la vie quotidienne sont des événements extrêmements momentanés, qu'on oublie assez vite. Je voulais les montrer dans un film avant de les oublier, pour pouvoir m'en souvenir plus tard. Maintenant, j'ai deux enfants ; j'ai commencé à travailler sur Miraï à la naissance de ma fille aînée qui m'a servie de modèle.

 

Il y a aussi un passage très émouvant sur l'histoire du grand-père, blessé pendant la Seconde guerre mondiale. Est-ce une histoire vraie ?
Oui, en partie. L'arrière-grand-père de ma femme a vraiment vécu à Yokohama, près de la mer. Il fabriquait des moteurs pour avions de guerre, il a été recruté dans la marine, il a été blessé mais il a survécu. Par contre, l'épisode du vélo est un pure invention : je l'ai écrit car j'aurais aimé apprendre quelque chose via mon arrière-grand-père.

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On pense évidemment à Isao Takahata, le réaliste de Ghibli. Quelle influence a-t-il eu sur vous ?
Le 15 mai dernier, il y avait un hommage à Takahata au Musée Ghibli, je n'ai pas pu y assister car je devais partir pour Cannes... C'est un réalisateur pour lequel j'ai le plus grand respect. Il m'a tout appris : en 1979, je regardais la série réalisée par Takahata Anne, la maison aux pignons verts, à la télé japonaise. C'est un classique de la littérature jeunesse qui a été beaucoup adapté, y compris au cinéma. La version de Takahata est extraordinaire parce qu'il ne reste pas du point de vue d'Anne comme les versions précédentes, il s'en détache, il survole tout avec beaucoup d'humour et d'idées visuelles, de détails d'une justesse incroyable. J'ai vraiment tout appris en regardant cete série : comment raconter une histoire, comment faire des films sans aucun sujet spectaculaire. Et surtout comment illustrer le quotidien avec minutie et émotion. La série de Takahata est même supérieure au livre original, à mon avis. C'est un modèle d'adaptation. Son décès m'a beaucoup attristé.

 

Lui avez-vous montré du travail préparatoire de Miraï ?
Non, je crois qu'il n'a rien vu de Miraï. Mais des membres de mon équipe bossaient également avec lui en parallèle, et peut-être qu'à travers eux Takahata savait ce que je faisais. Après, je ne serais pas spontanément venu le voir pour lui montrer des dessins ou même une bande-annonce. Il allait découvrir les films au cinéma, de son plein gré. Maintenant, je regrette de ne lui avoir rien montré. J'aurais dû peut-être venir chez lui lui présenter quelque chose...

 

La devise de votre studio d'animation, Studio Chizu, est "le plus petit studio du monde". Qu'est-ce que ça signifie ?
Chizu ne produit qu'un seul film tous les trois ans, et jamais de film de commande par de grands investisseurs ou la télévision. Studio Chizu n'est absolument pas stable, commercialement parlant. Je ne sais pas jusqu'à quand nous pourrons continuer, mais je ne crois pas que nous soyons très nombreux à avoir la chance de bosser dans ce genre de studio.

 

Vous avez beaucoup travaillé pour les séries télé animées : quels souvenirs en gardez-vous ?
Beaucoup de choses... J'ai travaillé 14 ans pour Tohei Animation qui faisait à la fois des films et des séries. Chaque épisode avait son propre réalisateur, et donc cela donnait l'impression de travailler sur de véritables courts-métrages à chaque fois. Dans d'autres studios, il y a un réalisateur pour toute la série. J'ai donc pu réaliser plusieurs courts-métrages au sein de la Tohei.

 

Un épisode a-t-il été plus marquant que les autres ?
Ahah, oui ! Je me souviens d'un épisode de la série Ojamajo Doremi. Juste avant, je faisais partie du studio Ghibli où je devais réaliser Le Château ambulant. Mais pour X raisons, j'ai été viré. Je suis revenu chez Tohei et j'ai réalisé cet épisode juste après : tout ce que j'ai voulu faire dans Le Château ambulant, je l'ai mis dans cet épisode.

 

Vous dites "un film tous les trois ans"... Est-ce que vous préparez déjà votre prochain film ?
Vous savez, même les Japonais ont besoin de prendre des vacances ! Je comptais me reposer après la promotion de Miraï, mais à force de faire des interviews, d'écouter les journalistes, des idées me sont venues pour mon prochain film... Certains journalistes viennent même me voir pour me dire ce que devrait être mon nouveau film. Je cogite. J'ai une direction. Donc pas de vacances.

 

Les journalistes vous donnent des conseils pour votre prochain film ?
Peut-être pas des conseils, mais ils me donnent des idées, ça c'est sûr. (rires) J'ai une vague idée, mais donner des interviews me stimule énormément sur le plan créatif.


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