DR

Hyper présence américaine ?Le retour en force du cinéma américain sur la Croisette en 2012 (Mud, Paperboy, Des hommes sans loi, Cogan) ne serait qu'un avant-goût. Il n'y a plus beaucoup de doutes sur la présence de certains habitués : les frères Coën (Inside Llewyn Davis), James Gray (Nightingale) et Steven Soderbergh, qui bouclerait la boucle en présentant vingt-quatre ans après son premier film Sexe, mensonges et vidéo, son dernier, dans tous les sens du terme, Behind the candelebra. Alexander Payne ferait un second tour de piste - après Mr Schmidt - avec Nebraska, tandis que Sofia Coppola aurait digéré l'accueil cata fait à sa Marie-Antoinette pour espérer réception plus chaleureuse concernant The Bling Ring, à moins que ses jeunes it girls se fassent croquer par les vampires d'Only lovers left alive, le dernier Jim Jarmusch.Nouveau venu à Cannes, Spike Jonze (Her) serait l'outsider le plus probant, et assurerait un doublé à Joaquin Phoenix, tête d'affiche du James Gray. Sans oublier que Cannes est la villégiature printanière de Woody Allen (sur le point de finir Blue Jasmine) ni que Terrence Malick pourrait réserver à Thierry Frémaux la primeur de Knight of cups, son nouveau drame avec Christian Bale et Natalie Portman. Le tout étant couronné par LA rumeur qui enflamme les forumers et twittos cinéphiles : Steven Spielberg en président du jury.Les grands absentsSi 2013 a tout sur le papier pour réunir des grands noms, certains ont d'ores et déjà déclaré forfait : Pedro Almodovar s'est assuré de ne pas se ronger les sangs à l'idée de louper encore la palme en sortant Les Amants passagers avant le festival. La production de Nymphomaniac a annoncé ne pas être prête à temps, tout en maintenant la date de sortie au Danemark, le 30 mai. Un pied de nez de Von Trier à Cannes suite à la polémique autour de Melancholia ? Pascale Ferran a elle déjà rendez-vous avec le festival en 2014, son Bird People nécessitant trop de plans (on parle de 800) à truquer pour être prêt avant la fin de cette année.Les boudeursToujours vexé de ne pas avoir accédé à la compétition avec Laurence Anyways, Xavier Dolan bouderait Cannes et viserait plutôt Venise avec Tom à la ferme, son premier thriller psychologique. François Ozon, lui, a encore sur l'estomac de s'être vu recaler coup sur coup Potiche et Dans la maison et pourrait envoyer bouler une invitation de la compet' (et y préférer une de la Quinzaine des réalisateurs pour faire bisquer Frémaux ?) pour Jeune et jolie,même si le buzz autour de cette histoire de prostitution lancé par les distributeurs et acheteurs étrangers à Berlin est des plus enthousiastes. Autre péché d'orgueil en vue du côté d'Abdellatif Kechiche. Si Le bleu est une couleur chaude lui permettait de passer du club des cinéastes vénitiens à celui des cannois, le réalisateur de Venus Noire aurait comme à son habitude beaucoup de mal à réduire ses rushes (près de huit heures) à un montage prêt à temps. Hubert Sauper aurait le même souci avec son We come as friends, mais dans un but préventif. Très affecté par les attaques qui furent faites contre Le cauchemar de Darwin, l'Autrichien veillerait à ce que toutes les informations données dans son nouveau documentaire soient absolument irréfutables.Embouteillage françaisLa règle cannoise veut qu’il y ait au maximum quatre cases de la compétition pour les films français. L’édition 2013 devrait être un casse-tête pour Thierry Frémaux qui a cette année beaucoup trop d'oeufs dans le panier. Si l’on admet, chose probable, qu’Un Indien des plaines, le nouveau Arnaud Desplechin (avec Benicio Del Toro et Mathieu Amalric) soit de la compétition, au même titre que Blood ties, le remake des liens du sang par Guillaume Canet, comment faire entrer dans les deux cases potentiellement restantes : Roman Polanski (La Vénus à la fourrure), Claire Denis (Les salauds), Valérie Bruni-Tedeschi (Un château en Italie, retour à la veine auto-fictionnelle d'Il est plus difficile pour un chameau), Arnaud des Paillères (Michael Kolhaas, avec Mads Mikkelsen en gentilhomme médiéval et jouant en français) sans oublier Ashgar Farhadi (recalé avec Une séparation qui avait ensuite triomphé à Berlin et auprès du public) dont Le passé ne peut être que sous bannière française puisque production à quasi 100 % locale ? Un Certain regard, la section parallèle qui prend de plus en plus des airs de compétition bis, pourrait du coup recueillir les outsiders français : Kim Chapiron (La crème de la crème), Isabelle Czajka (La vie domestique), Catherine Breillat (Abus de confiance), Alain Guiraudie (L'inconnu du lac), Robin Campillo (Eastern boys)...Seconde chancePar un hasard de calendrier, beaucoup de seconds films français réalisés par des metteurs en scène dont les premières oeuvres sont passées par Cannes (et y ont été fortement remarquées), à La Semaine de la critique, la Quinzaine des réalisateurs ou l'Acid, seront prêts. Il serait donc légitime que Katell Quilleveré (Suzanne), Riad Sattouf (Jacky au royaume des filles), Rebecca Zlotowski (Grand central), Serge Bozon (Tip Top), Axelle Ropert (Tirez la langue mademoiselle) visent plus haut. Et renforcent donc l'embouteillage indiqué précédemment.Fièvre latineSi l'essor du cinéma d'Amérique latine se confirme, Cannes 2013 devrait faire la part belle à des cinéastes y avant déjà séjourné : Michael Rowe (Manto Acuifero, trois ans après la caméra d'or d'Ano bisiesto), Lucia Puenzo (XXY) pour Wakolda, Diego Luna (Abel) avec Chavez, ou Michel Franco, sensation Un certain regard 2012 et qui pourrait bien y revenir avec A los Ojos, film tourné et co-signé avec sa soeur Vicky.... avant Despues de Lucia. Mais surtout Israel Adrian Caetano, qui après le formidable Buenos aires 1997 (compétition en 2006) pourrait revenir avec Mala, une histoire de tueuse à gages.Abonnés asiatiquesLe cinéma asiatique ayant un problème de renouvellement ces dernières années, il serait logique que Cannes (mais ni plus ni moins que les autres festivals) joue sur des valeurs sûres. D'autant plus qu'Hirokazu Kore-Eda (Soshite chichi ni naru/Like father like son), Kiyoshi Kurosawa (Riaru: Kanzen naru kubinagaryû no hi/ Real: a perfect day for plesiosiaur), Shinji Aoyama (Tomogui/Dog eat dog) ou Tsai-Ming Liang (Diary of a young boy) ont des films prêts. Sans oublier les toujours aussi prolifiques Johnnie To (Man tam/Blind detective) et Takashi Miike (Wara no tate/ Straw shield). Au buzzomètre, ils sont toutefois tous distanciés par Bong Joon-Ho qui reviendrait à Cannes, après The host, avec Snowpiercer, son premier film en anglais.L’axe Sundance/CannesTout film ayant été montré dans (et uniquement dans) son pays d'origine pouvant concourir à Cannes, Sundance est depuis toujours un réservoir de cinéma indépendant américain pour le festival français. Qui y a souvent gagné, en propulsant sur la scène mondiale des cinéastes comme Tarantino ou Soderbergh. Le principe a plutôt réussi l'an dernier à Benh Zeitlin dont Les bêtes du Sud sauvage a remporté le grand prix à Sundance avant de repartir de Cannes avec la Caméra d'or. Cette année, ça pourrait être au tour de Ryan Coogler dont le premier long, Fruitvale, est reparti vainqueur du festival américain et acheté pour la France par le même distributeur (ARP selection) que Les bêtes... qui l’aurait d'ores et déjà proposé à Thierry Frémaux. Autre candidat potentiel, mystérieusement peu évoqué lors de son passage à Sundance : We are what we are, le remake façon Southern Gothic par Jim Mickle de Somos los que hay (improbable croisement mexicain entre le cinéma d'Haneke et le film de cannibales présenté à La Quinzaine des réalisateurs en 2010) ferait l'objet d'une bataille entre séance de minuit en sélection officielle et cette même Quinzaine.Guest starsParmi les autres films murmurés pour la compétition, l'un des plus attendus est 12 years a slave de Steve McQueen - Chiwetel Ejifor en new-yorkais kidnappé pour être vendu en esclave dans le Sud des USA en 1850. Thierry Frémaux persisterait et signerait en accueillant de nouveau (après Les conséquences de l'amour, L'ami de la famille, Il divo et This must be the place), Paolo Sorrentino avec La grande bellezza... Jean-Luc Godard aurait déjà rempli ses valises de lunettes pour projeter non pas un mais deux films en relief : Eloge de la parole mais aussi un segment de 3x3D, qu'il a co-réalisé avec Peter Greenaway et Edgar Pera... Denis Villeneuve (Incendies) probable seul candidat canadien mais anglophone avec An Enemy, thriller érotique avec Mélanie Laurent et Jake Gyllenhaal... On est quasi certain de voir Only god forgives, le second film de Nicolas Winding Refn avec Ryan Gosling. Idem pour Gatsby le magnifique de Baz Lurhmann, le plus probable candidat à l’ouverture...Le désormais traditionnel film roumain de la sélection ? Sans doute Nine minute interval de Corneliu Porumboiu (Policier, adjectif)... A surveiller de très près, Aga, le western kurde sur fond de vendetta d'Hiner Saleem (Vodka Lemon, en competition en 2003) avec Golshifteh Farahani tout comme Gerontophilia, le premier film mainstream (ou presque) du sulfureux Bruce La Bruce.Charles Lourson