Première
par Christophe Narbonne
Drôle de parcours que celui de Robin Campillo. Fidèle scénariste et monteur du sensible et exigeant Laurent Cantet, il a réalisé Les Revenants, fascinant film de zombies naturaliste sorti en 2004.
Puis, à la faveur de l’adaptation – par d’autres – de ce long métrage atypique en série télé, Campillo est soudain devenu hype. Si Eastern Boys marque sa résurrection, il s’inscrit surtout dans la continuité de son oeuvre. Plusieurs séquences, quasiment muettes et hypnotiques, font ainsi largement écho à son premier film, qui installait doucement une ambiance anxiogène par la seule grâce de la mise en scène et par le jeu hébété des acteurs. Ici, il est encore beaucoup question de solitude (avec soi-même ou au milieu des autres), de rapport à l’étranger (le zombie ou l’Ukrainien clandestin), de place dans le monde (parmi les vivants ou les morts, dans la société civile ou à sa marge) et, par-dessus tout, de culpabilité, cette insidieuse maladie de l’âme qui pousse l’homme dans ses derniers retranchements. Cinéaste philosophe et esthète, Robin Campillo n’en oublie pas pour autant le spectateur, comme en témoignent les deux premières séquences où les enjeux sont sans cesse déplacés et où le suspense le dispute au vertige existentiel. Avec une rare maîtrise de l’espace, du temps et du son, le cinéaste impose son univers « sociopoétique » et fait entendre une voix qui, on l’espère, sera difficile à ignorer.