Il est à présent visible en 4K.
En mai dernier, Jean-Luc Godard était honoré dans le cadre du festival de Cannes, notamment via la première diffusion de son classique, Le Mépris, réédité en 4K. Depuis, cette nouvelle version de ce film choc porté par Brigitte Bardot et Michel Piccoli est sortie en DVD et blu-ray.
Nous partageons une poignée d'anecdotes sur sa fabrication, à l'occasion de son soixantième anniversaire : Le Mépris est sorti en salles le 20 décembre 1963. A l'époque, il fut interdit aux mineurs à cause de ses scènes de nudité, mais cela ne l'empêcha pas de bien marcher, atteignant 1,5 million d'entrées sur la durée.
Du cinéma et de l’amour
Le Mépris est probablement le film le plus connu de Jean-Luc Godard avec A bout de souffle et Pierrot le fou. Au début des années 1960, le cinéaste rêve d’un projet d’envergure. Le roman d’Alberto Moravia, Il disprezzo, paru en 1955 en France, attire son attention. Il parle de cinéma et d’amour. L’histoire met en scène un scénariste et sa jeune femme semblant unis, mais un incident avec un producteur va conduire la femme à mépriser son mari. Ce qui intéresse Godard, ce n’est pas tant de filmer le cinéma en train de se faire que de démythifier son monde. Le Mépris c’est aussi la dissection entomologique de la fin d’un couple entre disputes et mauvais regards. Une situation que connaît bien le réalisateur, dont le mariage avec Anna Karina est en train de se dissoudre.
Jean-Luc Godard : Deux, trois choses que l'on sait de luiKim Novak, Sophia Loren ou BB
Godard n’est pas le seul à aimer Le Mépris. Le grand producteur italien, Carlo Ponti, s’y intéresse aussi. Il en achète les droits, dans le but de confier les rôles principaux à Sophia Loren, son épouse à la ville, et à Marcello Mastroianni. Finalement, en avril 1962, apprend-on dans l’excellente biographie de Godard signée Antoine de Baecque, trois producteurs se mettent d’accord pour produire le film : le Français Georges de Beauregard, l’Italien Carlo Ponti et l’Américain Joe Levine. Jean-Luc Godard sera à la réalisation. Levine rêve de Kim Novak et de Franck Sinatra. Georges de Beauregard et Godard répliquent avec Brigitte Bardot, le sex-symbol de ce début des années 1960, et mettent tout le monde d’accord.
Un making-of plus vrai que nature
Sur l’île de Capri, Brigitte Bardot est attendue par une foule de paparazzi, ces photographes people immortalisés trois ans plus tôt par Frederico Fellini dans La Dolce Vita. Sur le tournage, Jacques Rozier, réalisateur de la Nouvelle Vague, décide, lui aussi, de mettre en scène selon ses propres termes, « la naissance du moment people ». Son documentaire, intitulé Paparazzi, d’une durée de 17 minutes 50 montre le désarroi de la femme la plus photographiée du monde.
La villa Malaparte
Bloc rouge dressé face à la mer, la villa du Mépris est devenue l’emblème du film, tout en autant que les courbes de BB. Le tournage n’y a pourtant duré que six jours. C’est Charles Bitsch l’assistant réalisateur, qui repère la maison aux formes géométriques et son escalier taillé à même le roc. Elle appartient à l’écrivain italien Curzio Malaparte qui l’a fait construire dans les années 1930, sur mesure pour la falaise qu’il vient d’acquérir à la pointe de l’île. Enfin, elle appartenait. Malaparte avant de mourir en 1957 a légué sa maison à la République de Chine. La famille conteste le testament rendant le lieu inaccessible avant une décision de justice. Il faudra tout l’art de la négociation de la production pour lever l’interdiction quelques jours.
Bras de fer final
Une fois le film fini, Godard veut le présenter au festival de Venise ; mais Carlo Ponti et Joe Levine n’aiment pas le film et demandent à Godard de revoir le montage. Par provocation, le cinéaste rend une version totalement désordonnée et imprésentable. Les producteurs en colère saisissent le négatif et menacent de faire leur propre montage. Godard répond qu’il ne demande que son nom soit retiré du générique. Il n’y a qu’en France que la version sera bien celle voulue par le réalisateur.
Le conflit s’envenime encore quand « Mussolini Ponti » et « King Kong Levine » tels que Godard les surnomme, poursuivent Godard en justice. Finalement le cinéaste cède et accepte de tourner de nouvelles scènes où Brigitte Bardot sera montrée de manière plus sexy (comprenez nue !). En fait, il n’en tourne qu’une, dans les studios de Boulogne Billancourt, où l’héroïne allongée sur le ventre interroge son mari : « Tu les aimes mes genoux ? » Cela deviendra le plan le plus célèbre du film !
Dix moments godardiens légendaires
Commentaires