Un film fantastique dérangeant avec des sauterelles excitées qui marque les débuts réussis de Just Philippot dans le long métrage.
Dans Petit paysan, on voyait un agriculteur au bout du rouleau essayer de planquer le cadavre d’une de ses vaches au fond du jardin pour sauver les apparences de son exploitation. Dans La Nuée, la quête sacrificielle est encore plus totale, puisque Virginie (Suliane Brahim) n’hésite pas à donner de son sang pour nourrir ses sauterelles soudain excitées comme des vampires. Elle aussi n’en peut plus, son corps scarifié recouvert d’insectes n’a rien d’une offrande et ses gestes ne répondent à aucun rituel. Seul le désespoir guide sa conscience agitée. Les dettes s’accumulent aussi vite que sa production diminue dans une sorte de logique infernale et implacable. Comme chez David Cronenberg, l’enveloppe charnelle agressée et blessée rappelle la fragilité d’une espèce humaine perpétuellement souillée d’elle- même (les « pauvres » sauterelles n’ont aucun instinct machiavélique, seule la main de l’homme les a déréglées).
S’il est vrai que tout (bon) film de genre charrie avec lui un discours politique, alors La Nuée ressemble à un cri d’alarme. Just Philippot, dont c’est le premier long métrage, mène sa barque avec intelligence, sachant faire monter la pression sans trop dévoiler ses cartes (magie de la dissimulation). Et s’il joue avec certaines figures convenues du cinéma bis américain et sacrifie les personnages secondaires, c’est pour mieux filmer les dégâts d’une paranoïa ravageuse. Un chemin tortueux qui aboutit à un très beau final.
De Just Philippot. Avec Suliane Brahim, Sofian Khammes, Marie Narbonne... Durée: 1h41. Sortie le 16 juin 2021
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