Tous les jours, le point à chaud en direct du 77e festival de Cannes.
Le film du jour : Parthenope (Compétition)
Retour de Sorrentino en compétition. Et retour de Sorrentino sur lui-même. Si on devait résumer Parthenope on pourrait dire qu’il s’agit d’un mix entre La Grande Bellezza et La Main de Dieu. Du premier, le cinéaste reprend l’idée d’une odyssée temporelle, un voyage dans les souvenirs de son héroïne, épars et désordonnés. Une farandole de personnages, proches du néant, qui s'effacent devant la beauté surréelle de cette femme. On croise un prêtre corrompu, un universitaire mélancolique, une actrice décatie, des mafieux napolitains… Sorrentino compose une succession de séquences disparates, fragmentées, qui forment un puzzle existentiel bouleversant et le portrait d’une femme aussi libre que belle.
De La Main de Dieu, il reprend la structure. Le récit s’ouvre sur un Eden napolitain (une famille bourgeoise dans l’Italie 50s) vite frappé par un drame qui va tout bouleverser. A partir de là, le film se transforme en mélodrame déchirant, quête métaphysique et esthétique sans fin. Mais Parthenope creuse surtout le sujet central de la filmo sorrentinienne. La beauté. Ce don "qui rend l'univers moins hideux et les instants moins lourds" (comme disait Baudelaire) et dont on ne sait jamais s’il provient du ciel ou des enfers. C’est le dilemme de l’héroïne qui va progressivement découvrir le prix exorbitant de sa beauté. Poignant, sublime, le film est porté par une actrice (Celeste Dalla Porta) dont vous n’oublierez jamais le visage et qui permet au cinéaste d’atteindre un niveau d’émotion assez spectaculaire.
La révélation du jour : Mikey Madison dans Anora (Compétition)
Oui, d’accord, la vraie révélation du jour, c’est Celeste Dalla Porta, l’actrice de Partenhope. Mais le Sorrentino squatte déjà l’entrée film du jour. Place donc à Mikey Madison, autre rôle-titre, celui d’Anora de Sean Baker. Un autre portrait de femme, une autre réflexion sur ce que la beauté provoque chez ceux qui croisent son chemin. Certains connaissaient déjà Mikey Madison depuis la série FX Better Things, où elle jouait l’un des filles de Pamela Adlon, d’autres depuis Once upon a time in Hollywood (photo ci-dessous), où elle affrontait le lance-flammes de Leo DiCaprio. Mais Anora est son premier rôle d’une telle ampleur. Le nouveau film du réalisateur de The Florida Project et Red Rocket est une sorte de variation sur Pretty Woman – avec un jeune Russe richissime et complètement immature en néo-Richard Gere. Mikey Madison, en Cendrillon des clubs de strip-tease, passe par tous les états dans cette comédie new-yorkaise cul et dessalée. 2h15 d’odyssée burlesque et sexuelle : une carte de visite XXL.
La réplique du jour: "Dans cette scène, j’aimerais que tu sois un peu moins Catherine et un peu plus Marcello"
C’est la scène qui lance le Marcello mio de Christophe Honoré et donne le la de ce qui va suivre. La scène qui va déclencher chez Chiara Mastroianni en proie à une crise d’identité le désir de s’approprier celle de son paternel. Une scène de casting dirigée par Nicole Garcia avec comme partenaire de jeu Fabrice Luchini où, en suivant à la lettre les conseils de Catherine Deneuve (parler vite car Nicole Garcia n’aimerait que ce rythme-là), Chiara se plante dans les grandes largeurs en étant donc trop sa mère et pas assez son père, côté débit, aux yeux de la réalisatrice qui le lui balance franco, sans se douter des conséquences de ses mots. Chacun joue son propre rôle, tout paraît donc vrai et pourtant rien ne l’est vraiment. Et la fantaisie malicieuse qui règne en maître dans cet échange ne se démentira jamais pendant les 2 heures de cet hommage à l’immense Marcello Mastroianni imaginé à son image. Comme un hymne joyeux au monde du cinéma.
Notre critique de Marcello Mio
Trois questions à Coralie Fargeat pour The Substance (Compétition)
Ce mardi, à Cannes, le vent souffle.. Les terrasses des hôtels voient les décors en contreplaqués à deux doigts de s’envoler révélant le caractère fragile du barnum. Sur un roof-top surplombant la grande bleue, Coralie Fargeat, casquette et lunettes noires, défie les bourrasques sans broncher. La cinéaste de 48 ans du déjanté The Substance, un des chocs de la compet’, n’a bien sûr pas peur des tempêtes. Mieux, elle les provoque.
Comment vous êtes-vous retrouvée à faire un film avec des stars hollywoodiennes ?
Mon premier long-métrage Revenge en 2017 a été très bien reçu aux Etats-Unis. J’ai immédiatement eu des propositions de scénarios pour faire un film sur place. C’était très flatteur mais je gardais en tête les expériences souvent malheureuses des cinéastes français qui ont tenté leur chance à Hollywood. Je ne voulais pas être la prochaine sur la liste. J’ai donc décidé d’écrire The Substance dans mon coin, en France et d’en être la productrice. Une façon de garder la main sur ce que je faisais. La manière de monter un film m’intéresse presque autant que sa fabrication. Dans le processus créatif tout est lié. La société britannique Working Title est ensuite entrée dans la production et a permis de donner à l’ensemble une dimension internationale.
Demi Moore incarne une star has-been qui en cherchant une nouvelle jeunesse va vivre l’enfer. Comment avez-vous réussi à la convaincre ?
La gageure du casting tenait à trouver une comédienne suffisamment bien dans sa peau pour accepter de se confronter à sa propre phobie d’actrice : la dégradation de son image. Lors de discussions le nom de Demi Moore est revenu plusieurs fois. J’avais une image d’elle uniquement liée à ses rôles. Or la lecture de son autobiographie m’a éclairé sur une tout autre facette de sa personnalité, soit l’itinéraire d’une jeune femme qui s’est battue dans un univers très masculin, a connu de nombreux coups durs et finalement réussi à s’imposer à la force du poignet. Au moment de notre rencontre, elle cherchait justement à reprendre sa carrière en main. Elle a tout de suite a compris la force de son personnage. Rien ne lui faisait peur.
The Substance est un film ultra-référencé. Y-a-t-il un film qui a compté plus que les autres dans votre cinéphilie ?
Robocop de Paul Verhoeven. Le film intègre le fantastique dans le réel de façon très organique. C’est cette dimension que j’ai modestement essayé de travailler dans mon film. Ma cinéphilie passe aussi par Star Wars, Indiana Jones, puis, une fois adulte : Cronenberg, Carpenter ou encore Verhoeven donc. La série La quatrième dimension a été également fondatrice avec là encore cette idée d’un quotidien dysfonctionnel qui bascule dans l’étrange. Dans ce corpus, je n’avais bien sûr aucun modèle féminin.
Cannes 2024 : The Substance met la dose et explose les compteurs [critique]L’annonce du jour : Rasoulof sera bien à Cannes
Fin du suspens. Après avoir fui l’Iran, où il a été condamné à 5 ans de prison et des coups de fouet, le cinéaste Mohammad Rasoulof sera bien à Cannes pour la présentation de son nouveau film, Les Graines du figuier sauvage, vendredi. Thierry Frémaux l’a annoncé à l’AFP mardi après-midi, sans plus de précisions. C’est une excellente nouvelle pour Rasoulof, qui a retrouvé la liberté, et le Festival. Moins pour ses concurrents à la Palme d’or. La force du storytelling est clairement de son côté, et si le film est de qualité, il aura toutes les chances de repartir avec la récompense suprême. Mais on sait ce que valent les prédictions cannoises : pas grand chose.
🎬Le cinéaste iranien Mohammad Rasoulof, dans le viseur du régime de Téhéran, viendra en personne présenter son film "Les Graines du figuier sauvage" au 77e Festival de #cannes2024 , après avoir fui clandestinement son pays, a annoncé son délégué général Thierry Frémaux à l'#AFP pic.twitter.com/rVfEFusUL5
— Agence France-Presse (@afpfr) May 21, 2024
Aujourd’hui à Cannes
Et oui, c’est déjà la fin de la Semaine de la critique : c’est Animale d’Emma Benestan avec Oulaya Amamra (deuxième film ensemble après Fragile en 2021), un western fantastique en pleine Camargue, qui sera projeté le soir lors de la cérémonie de clôture d’une sélection qui a commencé fort avec l’envoûtant Les Fantômes de Jonathan Millet, très clairement l’un de nos coups de coeur de Cannes ‘24.
Une semaine après Furiosa, voilà l’autre blockbuster de Cannes : Le Comte de Monte Cristo du duo Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière avec Pierre Niney dans la peau du héros vengeur d’Alexandre Dumas. Gros tapis rouge en perspective.
A Cannes Première, les frères Arnaud et Jean-Marie Larrieu présenteront Le Roman de Jim, grande fresque romanesque avec Karim Leklou, Laetitia Dosch et le nouveau meilleur copain des réals, l’épatant Bertrand Belin, déjà dans Tralala. Grosse attente, donc.
Côté Quinzaine, on aimerait bien que le film du jour, Gazer, soit à la hauteur de son pitch intrigant : premier long d’un électricien du New Jersey devenu cinéaste, tourné en 16mm avec trois bouts de ficelle, il s’agit d’un thriller parano où une jeune femme est atteinte d’une maladie qui trouble sa perception du temps et l’espace. Toutes ces infos fournies par la Quinzaine : trust no one, d’accord, mais on est chauds.
Bon, et la compétition pour la Palme, dans tout ça ? pas de panique, voilà Karim Aïnouz. Un an après son détour pas super convaincant dans le film historique un brin relou avec Le Jeu de la Reine, on nous le promet de retour. dans son pays (le Brésil) et tous les êtres qui peuplent son univers (les fantômes, les regrets, l’amour, le destin : la preuve, son nouveau film s’appelle Motel Destino, un lieu où se nouent “de dangereux jeux de désir, de pouvoir et de violence” dans l’und es endroits les plus chauds (au sens propre) du pays. Go Karim !
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