Nicolas Winding Refn dévoilait deux épisodes de sa série néo-noire, avant son lancement sur Amazon le 14 juin.
"Les séries, c’est industriel, les films, c’est de la poésie", disait Thierry Frémaux l’an dernier, déclenchant le genre de petite polémique dont il a le secret. Mais le délégué général sait pourtant bien que les séries aussi, ça peut être de la poésie. Surtout quand elles sont signées par des cinéastes amis du Festival de Cannes – en 2017, Jane Campion avait montré ici la saison 2 de Top of the Lake et David Lynch les premiers épisodes de son monumental Twin Peaks : The Return. Cette année, c’est un autre habitué des lieux, Nicolas Winding Refn, qui est venu présenter sa série, Too Old To Die Young, un polar atmosphérique et ultra-violent situé à Los Angeles, dont le lancement est prévu le 14 juin sur Amazon. Le dandy danois ne faisant jamais rien comme les autres, il a choisi d’apporter au Palais des Festivals les épisodes 4 et 5 de son show. Bon. OK. A priori, c’est assez étrange de s’asseoir devant une série dont on a raté les trois premières heures… Mais on comprend néanmoins très vite devant Too Old To Die Young de quoi il retourne : Miles Teller incarne un flic du LAPD qui se transforme la nuit tombée en vigilante impavide, punissant les pires salopards de la ville : violeurs, pédophiles, pornographes dégueulasses… A la radio, ou dans la bouche d’une espèce de mentor joué par John Hawkes, on entend une litanie de messages apocalyptiques sur l’effondrement de nos sociétés modernes, l’engloutissement imminent de L.A. sous les flots, la menace du retour de nos civilisations à des temps barbares et moyenâgeux. C’est une cartographie de l’underworld angeleno, doublé d’un état des lieux mi-ironique mi-flippé de l’Amérique trumpiste. Refn, clairement, a conçu Too Old To Die Young comme un Drive de poche, encore plus engourdi, avec Teller en simili-Ryan Gosling, tirant systématiquement la tronche et multipliant les poses sexy-menaçantes, tout en cruisant dans une L.A. d’une beauté surréelle, cotonneuse, photographiée par un Darius Khondji en très grande forme.
Absurde et impitoyable
NWR reformule ses obsessions et aussi ses petits travers frimeurs (la pose esthète, la coolitude pubarde) mais, d’après ce qu’on a pu en juger, le temps long de la série apporte une profondeur nouvelle à son travail. Les scènes durent, durent, s’éternisent invraisemblablement, avant de céder, quasi systématiquement, à des explosions de violence maboule, très brèves, toujours ultra graphiques, créant ainsi un univers à la fois absurde et impitoyable. Le monde que déploient ici Refn et son co-scénariste Ed Brubaker (scénariste de comics révéré, auteur notamment du Soldat de l’Hiver) évoque celui de Twin Peaks : The Return (le génie plastique et conceptuel de Lynch en moins) : un territoire blafard, éteint et tétanisé, contaminé par le Mal, accablé par l’horreur, mais traversé sporadiquement de lueurs d’espoir. Il faudra bien sûr voir l’intégralité de la série pour s’en faire une idée plus précise (Refn a choisi les épisodes 4 et 5 car ils sont censés capturer mieux que les autres l’essence du show, qui fait 10 épisodes en tout) mais l’homme de Pusher semble avoir oublié ici ses penchants de petit malin pour travailler une matière plus âpre, plus douloureuse, à la violence souvent dérangeante et qui, dans ses moments les plus inspirés, semble réellement hantée.
Too Old To Die Young, créée par Nicolas Winding Refn et Ed Brubaker, avec Miles Teller, Billy Baldwin… Sur Amazon Prime Video le 14 juin.
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