Vue chez Amos Gitaï, dans Louise Wimmer ou L’ordre des médecins, elle crève l’écran dans ce petit bijou de comédie d’Erwan Le Duc, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs
Dix ans après ses premiers pas sur grand écran dans Vertige d’Abel Ferry et après de nombreuses apparitions plus que convaincantes (Louise Wimmer, 2 automnes, 3 hivers, L’Ordre des médecins…), ce festival de Cannes 2019 marque un tournant dans le parcours de Maud Wyler. Jamais jusque là le cinéma n’avait offert à cette comédienne qui brille sur scène (elle fut une éblouissante Roxane face à Philippe Torreton/ Cyrano) un rôle lui permettant d’exprimer l’étendue de ses talents. Erwan Le Duc répare cet oubli avec Perdrix, son premier long métrage, comédie romantique décalée, acclamée à la Quinzaine des Réalisateurs. L’histoire d’amour pas comme les autres entre un jeune flic introverti et une jeune femme cash, Juliette Webb, qui fuit comme la peste tout début de commencement d’attache sentimentale. Maud Wyler campe cette Juliette Webb avec une gourmandise généreuse et partageuse. Son sourire, son regard et ses gestes peuvent dire tout et son contraire en un claquement de doigt. Elle est pour beaucoup dans le coup de foudre qu’on ressent à la vision de Perdrix. On l'a rencontrée dans la foulée de la projection
Comment réagit- on à la lecture d’un scénario aussi secoué que Perdrix ?
Maud Wyler : En s’arrêtant à chaque page ou presque et en me pinçant tant je crois rêver. Si quelqu’un avait voulu m’écrire un rôle sur mesure, il n’aurait pas pu mieux faire ! Je m’interdis pourtant à ce moment- là de rêver car je pense que, pour des raisons très basiques de financement, on va confier ce personnage à une actrice plus identifiée que moi. Mais Erwan a tenu bon et m’a offert le rôle, après qu’on ait tourné trois courts métrages ensemble. Même si le film a dû mettre 6 ans à voir le jour…
Pourquoi ce rôle vous parle immédiatement ?
Parce qu’il est empreint d’une énergie qui me colle au basque. Jusque là, j’avais l’impression d’un malentendu… très bénéfique car il m'a permis de faire des choses très différentes. On m’employait dans des personnages à l’opposé de moi : à la vulnérabilité à fleur de peau… limite suicidaires (rires). Juliette Webb aussi est vulnérable. Mais elle a le droit d’avoir des défauts, de vivre avec et de les exprimer donc avec une énergie que je n’avais jusqu’ici pu éprouver qu’avec un seul réalisateur : Amos Gitaï dans Roses à crédit. Dans tous mes autres personnages, mon travail d’interprète consistait à contenir les sentiments qui pouvaient les envahir. Avec Juliette, Erwan m’a permis de relever un autre défi : allait- on pouvoir lire la trajectoire amoureuse de Juliette sans qu’elle n’ait à faire la jolie et la charmante ou à être dans la séduction permanente ? Les premières scènes du film allaient être décisives. Il faut que Juliette déboule littéralement dans cette histoire et ce village. Sans quoi tout le reste tombe à l’eau. J’ai voulu que Juliette soit anguleuse, ait des défauts. Qu’on puisse tolérer qu’elle ne soit pas amène ou a priori aimable sans pour autant jamais se détacher d’elle. Mais ce n’est qu’en découvrant la réaction de la salle ici à Cannes que j’ai été rassurée. Je n’en menais pas large avant la projection.
Erwan Le Duc vous a fait partager ses inspirations pour ce rôle et ce film ?
The Taste of tea d’Ishii Katsuhito et le cinéma de Kaurismäki dont La Vie de bohême. Mais, surtout, Erwan a passé son adolescence à Londres donc il a en lui cet humour du nonsense, celui des Monty Python. Et, nous acteurs, avons dû tout au long du tournage rester vigilants pour être à fond dans chacun de nos personnages, ne jamais vendre le gag et être totalement sincère.
Le film terminé est très proche de ce que vous aviez en tête ?
Il est encore plus riche que son scénario très pointu et très construit. Il a profité des gens qui le composent, d’une équipe technique toujours disponible pour rebondir avec enthousiasme sur les inventions permanentes d’Erwan pour faire naître plus franchement une émotion qui, par pudeur, ne transparaissait pas à ce point à l’écriture. Perdrix a fendu l’armure. Et c’est en cela qu’il m’a cueillie à ce point.
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