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Qu’est ce qui vous a amené à l’écriture ?Plusieurs choses, dont l’amour d’une langue, le français. Il y a la frustration de ce qui est encore à écrire, la frustration de ne pas lire ce qu’on a envie de lire. Je suis d’origine arménienne, j’ai été élevé au Moyen-Orient. J’ai ces mondes-là à raconter, car la mixité sera le monde de demain. Je mélange des schémas de pensée, la prose, le poème, je marie le lyrisme au trivial. Pour moi, tout existe par son contraire.Cette fois-ci, vous avez choisi une forme poétique.Quand on parle d’amour, du paradis perdu, de sa moitié disparue, il faut le faire avec grâce, traiter le quotidien et le réalisme avec parcimonie. Je devais trouver la verticalité du mouvement amoureux. La poésie va sauver le monde. Quand il y a ce désir de poésie, tout s’ensuit avec beauté. Regardez dans les stades, il n’y a aucune poésie sur les banderoles, et c’est la violence, la merde. La poésie, c’est du panache dans le geste, dans la parole, et c’est appréciable.Comment passe-t-on de la forme littéraire à la forme théâtrale ?Il faut trouver le bon rythme, car c’est juste un texte à dire et à entendre. Ce que j’ai écrit pour le livre, je le peaufine pour la scène, je le réécris presque. Cela ne sera donc pas tout à fait la même version.Pourquoi Ménélas ?Parce qu’il est grec et que j’avais envie de faire un spectacle avec des musiciens grecs. Ménélas est l’archétype de l’abruti de mari qui n’a pas compris sa femme. Mais si on réduit l’histoire de Ménélas juste à cela, un idiot d’époux quitté par sa femme, on enlève de la valeur à la femme, Hélène. J’ai surtout voulu pousser à l’extrême le poison du dépit amoureux, de la douleur. Cela commence par des insultes, car c’est la réalité de beaucoup d’hommes envers les femmes.De ce chagrin d’amour naît la guerre de Troie, ce n’est pas rien !Tout le monde connaît la fin de l’histoire. On suit le discours intérieur du héros qui cherche à fuir son destin fatal. J’ai essayé de séparer en deux ce que ressent Ménélas, pour le rendre plus théâtral. Il est pris dans une sorte de schizophrénie : d’un côté, il veut faire la guerre, de l’autre, il aspire à vivre et s’éclater. Cette dualité est intéressante car on n’est jamais fait d’une seule chose.Comme interpréter cette grande palette de sentiments ?A la base, il y a l’amour, un sentiment qui contient tous les autres. Le contraire d’aimer n’est pas haïr. A partir de l’amour on peut parler de tout. Je joue sentiment après sentiment, comme les musiciens jouent les notes. Il ne faut surtout pas voler l’émotion au spectateur, je souhaite provoquer un état. Dans le jeu de l’acteur, ce qui m’interpelle c’est cette question : comment rentrer dans des sentiments extrêmes tout en étant nuancé à l’intérieur ? En tant que spectateur je suis ému quand je vois un acteur ou une actrice se démener pour habiter de grands sentiments.Quelle place accordez-vous à la musique ?Des histoires comme celle-là – nous sommes dans la tragédie –, sans musique ce n’est pas pensable. Le rebétiko, c’est le blues des années 20 du Bosphore ! On y retrouve tous les styles des musiques byzantines, turques. Cela se joue principalement au bouzouki, mais ce n’est pas du sirtaki, pas de la musique pour touristes ! Le rebétiko va exprimer autrement ce que je vais raconter. La musique traduit ce que les mots ne peuvent pas dire. Je suis fier de faire découvrir au public Grégoris Vassilas et Kostas Tsekouras, deux musiciens géniaux. A la fin du spectacle, on se retrouve tous ensemble, avec les spectateurs, dans le théâtre, à boire des coups, écouter la musique et, pourquoi pas, danser.Ménélas Rebétiko Rapsodie au Grand Parquet