5 films. 25 ans. Une critique enthousiaste à l’évocation de son nom et un public toujours prêt à se faire cueillir. Xavier Dolan, à peine le quart de siècle, vient d’être sélectionné en compétition officielle du 67ème festival de Cannes avec Mommy, « un film extrêmement cohérent mais aussi assez fou, assez débridé, qui va rajouter des couleurs, des sons » selon Gilles Jacob. Et ce festival, il le connaît plutôt bien puisque c’est la 4ème fois qu’il y présente un film.Son premier, J’ai tué ma mère, avait fait grand bruit sur la Croisette. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs, il avait marqué les esprits par sa froideur, ses qualités de mise en scène et sa grande force intrinsèque. Tout ça dans les mains d’un « gamin » de 20 ans. Impressionnant.L’année suivante avec Les amours imaginaires, il fait son entrée dans la sélection officielle en rejoignant Un Certain Regard. Même topo en 2012 avec Laurence Anyways. Et c’est là que ça coince.Pour le jeune cinéaste, prodige diront certains, c’est une injustice comme il le confiait à l'époque à l’AFP : « On avait rêvé à d'autres choses. C'était important parce que j'aurais été le plus jeune cinéaste de l'Histoire à être en compétition officielle. (...) Moi, j'étais là il y a deux ans et, oui, il y a une impression de stagnation. Ça ne veut pas dire que l'honneur, le prestige, la gloire de Cannes ne sont pas au rendez-vous. (…) C'est sûr que dans quinze ans, je vais aller en compétition avec des films mineurs parce qu'on se fane, on vit moins de choses... Il est fort probable que ça m'arrivera, parce que ça arrive aux meilleurs d'entre nous, comme aux pires d'entre nous. Ça arrive généralement à tout le monde ». Comment stagner quand on a su si vite monter les échelons ? Comment rester au même endroit, ne pas se frotter aux « grands » quand on a si rapidement conquis la Croisette et ses habitants saisonniers ? Surtout que tout le monde s’accorde à le dire : Laurence Anyways est son plus beau film, une sorte d’œuvre fleuve sur l’amour et la tolérance envers soi et les autres qui témoigne d’une grande maitrise et maturité de la part de son auteur d’à l’époque 23 ans. Mais se plaindre de ne pas être en sélection officielle résonne un peu comme un caprice d’enfant gâté.Avec le recul, il explique les choses différemment : « Il y a deux ans, j'avais exprimé ma déception que le film ne soit pas dans une autre catégorie, alors que les médias – Variety, Première - avaient annoncé le contraire… lire ça à 23 ans est très déconcertant, expliquait-il lors d’une conférence de presse hier à Montréal. (...) C'est une réaction très humaine (que d'être déçu). Le stress et le fait que j'ai été déçu a été transformé en colère. En ce moment, je lis des citations et j'aimerais bien savoir qui les a dites! ».L’année d’après, pour la première fois alors qu’il a un film, il ne le présente pas à Cannes mais à la Biennale de Venise. Parce qu’il n’était pas terminé ? Parce qu’il n’avait pas été jugé suffisamment bon ? Ou par vengeance ? Nul ne le sait mais c’est en Italie que Xavier Dolan s’essaye à la compétition officielle avec Tom à la ferme. Et il y obtient le prix de la critique.Alors que ce dernier film, au style assez radicalement différent des précédents, vient tout juste de sortir sur nos écrans, on apprend hier que Dolan en a un autre sous le coude et qu’il est en compétition cette année à Cannes. La consécration pour le jeune cinéaste : « Les jours qui précèdent cette annonce sont vraiment, vraiment, vraiment insoutenables. C'est une adrénaline positive, mais il y a vraiment un stress qui vous consume. À un moment donné, on veut juste savoir. Il y a aussi la peur des scénarios très envisageables d'un «non». (…) Quand j'ai appris (ma sélection) ce matin, j'étais avec un ami chez moi. J'étais au téléphone, mon corps a juste flanché et je suis tombé à genoux. C'était un moment d'émotion très important ».Une sélection comme un signe du ciel pour le prodige puisque l’un de ses confrères compétiteur n’est autre que Ken Loach. Et Mommy, dont l’histoire est celle d’une veuve reprenant la garde de son fils turbulent, partage, selon son auteur, une filiation avec le Sweet Sixteen du britannique sorti en 2002. « J'ai vu Sweet Sixteen avec Monia Chokri il y a peut-être deux ans. J'ai été soufflé par ce film tellement simple, vrai, et honnête, sans complications, sans manières, sans affectation. Je me dis aujourd'hui que si Mommy peut avoir le dixième de cette humanité là, c'est exactement ce que je voudrais accomplir » précise-t-il en conférence de presse. Et si le film obtient la palme d’or, Xavier Dolan réaliserait un autre rêve : battre Steven Soderbergh et devenir à 25 ans le plus jeune lauréat de l’histoire de Cannes.
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Cannes 2014 : La revanche de Xavier Dolan
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