DR

Les Tavani ont remporté l'Ours d'or, mais la Berlinale qui vient de s'achever a réservé d'autres surprises...C'est de notoriété publique : il fait froid à Berlin pendant le festival. Mais cette année, la température était encore plus fraîche dans les films de la competition que sur la Potsdamer platz. Enfants séquéstrés (A moi seule), soldat (Rebelle), livrés à eux-mêmes (L'enfant d'en haut), diaboliques (Childish games), dernière journée d'un homme sur terre (Aujourd'hui), roumains massacrés (Csak a szel), couple en phase terminale (Mercy), famille en ruine (Jayne Mansfield's car)... La plupart des candidats à l'Ours d'or avaient en commun des sujets lourds, (plombant même), mais aussi un niveau artistique assez solide. En tous les cas bien supérieur à ce que la compétition berlinoise offre généralement. Mais contrairement à la sélection de l'an dernier, il n'y aura pas eu d'évidence comme l'avait été l'an passé le triomphe annoncé d'Une séparation.Sur les traces de L'ours d'or. Cette année, les favoris changeaient pratiquement tous les jours. Parmi eux, Barbara, chronique du quotidien d'une femme médecin surveillée par la Stasi dans l'Allemagne de l'Est des 70's aura longtemps tenu la barre. Sans qu'on sache vraiment pourquoi : Christian Petzold (Jericho, Yalla...) présentait un film hésitant, oscillant sans cesse entre un remake minéral et bressonien de La vie des autres et un épisode pépère de La clinique de la foret noire. Météora, récit des amours impossibles entre un pope et une nonne aura également fait son petit effet. Engourdi dans une certaine torpeur, Spiros Stathoulopoulos aura au moins eu le mérite - notamment via un incroyable intermède en animation - d'indiquer que la jeune génération du cinéma grec ne doit pas se résumer aux auteurs poseurs et braillards (la bande de Canine, Attenberg et Alps). De son côté, Brillante Mendoza, habituel chouchou cannois, aura été rapidement zappé par la presse internationale. Son Captive n'a pas convaincu. Sans doute parce qu'il y a dans cette cavale d'otages du groupe Abu Sayyaf dans la jungle philippine un arbre qui cache la forêt : Isabelle Huppert en victime kidnappée sort du rang et phagocyte un film incroyable dans son discours sur le terrorrisme pré-11 septembre. L'enfant d'en haut a eu ses zélotes, mais finalement peu nombreux. En partie parce que la présence de Léa Seydoux a tout éclipsé -  elle est épatante mais n'a que quelques scènes -, mais surtout parce qu'Ursula Meier exploite mal un twist familial prévisible dans les dix premières minutes du film et qu'elle se refuse à clore son film, rendant du coup interminable cette belle histoire d'un gamin vivant de rapines et de troc sentimental dans  une station de montagne. Coupé d'un quart d'heure (le dernier qui tourne en rond), L'enfant en haut aurait été un grand film. Rebelle de Kim N'Guyen, accompagne une gamine sur le champ de guerre des enfants soldats africains. Audacieux dans son point de vue, poétique dans ses idées - entre autres un formidable concept de fantômes, Rebelle, à la fois puissant et humble n'a qu'un involontaire défaut : que Johnny Mad Dog, aie déjà défriché le sujet.En parallèle. Fidèles à leur réputation, Forum et Panorama, les deux autres sections importantes du festival de Berlin, ont été des open-bars de cinéma, contenant souvent les révélations et les vraies trouvailles de cette édition. L'art du buzz a été des plus efficaces pour Iron Sky : il fallait battre des coudes pour entrer aux projections de la série B jurant qu'il n'y a pas que des Transformers sur la face cachée de la lune, mais aussi des Nazis bien décidés à revenir sur Terre pour instaurer un IVe reich. Le vrai souci de cette pochade est le temps qu'il lui a fallu pour être mené à bien (près de cinq ans, autant dire des années-lumière) : si le film est fun, la plupart de ses vannes sont déjà obsolètes et Iron Sky ressemble finalement aux derniers films de Mel Brooks. Seuls les effets spéciaux, stupéfiants vu les petits moyens, ne font pas périmés. Headshot est beaucoup renversant, ne serait-ce que par son concept : un flic désabusé devenu tueur à gages a un gros souci de vue après avoir survécu à une balle dans la tête; il voit le monde autour de lui à l'envers. Pertinente métaphore d'une société qui marche sur la tête, le dernier film de Pen-Ek Ratanaruang, beaucoup plus en forme que dans ses opus précédents, lui rend son statut de prodige du cinéma thaïlandais. Au Forum on a pu confirmer que Paul Dano était un immense acteur (sa phénoménale performance en rockeur devant choisir entre son groupe et sa fille dans For Ellen sauve le film du mélo mollasson), ou découvrir Kid Thing, sommet d'Americana. Cette ballade sauvage qui suit une gamine pensant avoir rencontré le diable dans son trou perdu des USA, fait la jonction entre les univers d'Harmony Korine (Gummo) et Terrence Malick. Sommets de cette section : Nuclear Nation, docu japonais allant visiter les ruines de Fukushima pour voir comment on s'y reconstruit, stupéfiant. Mais surtout, Hemel. Un Shame au féminin et hollandais qui suit le malaise d'une jeune femme au gré de sa sexualité frénétique. Hannah Hoekstra impressionne en alter-ego de Michael Fassbender, capable de se mettre à poil autant que lui. Hemel n'occulte pas ses origines géographiques en renouant avec la crudité et la franchise de ton du cinéma de Paul Verhoeven des années 70.Le Marché. Chaque année, l'EFM, le marché du film de Berlin gagne en puissance et en qualité. The dinosaur project, hybride inattendu de Jurassic park et de Cloverfield, tient étonnamment bien la route, notamment parce qu'il est solidement écrit et joué. Autre surprise, When the light gets out. Rénovation du film de maison hantée, cette délocalisation britannique d'Amityville joue sur une donnée inédite : les locataires secoués par un esprit particulièrement frappeur refusent de quitter leur nouveau domicile. Enfin, The Tall man a beau être le premier film américain de Pascal Laugier, son scénario porte clairement la patte du réalisateur français. Comme dans Saint-Ange et Martyrs, il y est question de rapport à l'enfance et de féminité. Mais aussi de twist qui fonctionne ici remarquablement, même si le final ambigu qui balance entre idéologie limite douteuse et mélancolie risque de provoquer le débat.Par Alex Masson