Gentrification, télé-réalité, micropénis et malédiction sont au programme de cette série vertigineuse et parfaitement indéfinissable, avec Emma Stone et Nathan Fielder. Amateurs de curiosités, ceci est pour vous.
Ce qui est fabuleux avec The Curse, c’est que même après avoir dévoré l’intégralité de ses dix épisodes, on serait bien en peine de définir à quel genre appartient la série, ni même de quoi elle parle réellement, si tant est que le réel soit une grille de lecture valable dans ce cas précis. Ce remarquable objet produit par A24 est la première cocréation de Nathan Fielder (les très déconcertantes The Rehearsal et Nathan for You, malheureusement inédites chez nous) et Benny Safdie (Uncut Gems, Good Time). Emma Stone et Fielder y jouent Whitney et Asher, jeunes mariés au sourire Colgate, vedettes d’une émission qui les suit dans leur quotidien de promoteurs de maisons écoresponsables hors de prix à Española, petite ville du Nouveau-Mexique.
Couple incompréhensible : lui est une boule de gêne, inquiétant de fadeur et de banalité ; elle rayonne autant qu’elle semble piégée dans cette relation. Persuadés de faire le bien mais moqués dans leur dos par les locaux, ces petits Blancs BCBG tiennent à diminuer leur impact sur les communautés latinos et amérindiennes qu’ils déplacent, en leur trouvant du boulot et de nouveaux logements.
Vide existentiel
Une satire mordante du greenwashing, de la gentrification à marche forcée et du « sauveur blanc » traverse toute la saison, mais se télescope avec une histoire de malédiction présumée (une portion de poulet disparue d’un plat préparé) et de sous-intrigues plus ou moins frappadingues (le micropénis d’Asher ; l’obsession du producteur de l’émission, joué par un Benny Safdie impérial, de prouver qu’il n’est pas ivre au volant). Réalisateur de la plupart des épisodes, Fielder ajoute une surcouche de bizarrerie en filmant l’affaire soit comme une télé-réalité, soit comme un thriller paranoïaque. La série avance avec un faux rythme qui explose la narration sérielle traditionnelle, tandis que la fusion des univers de Safdie et Fielder la rend parfaitement insaisissable.
Difficilement recommandable aux allergiques aux "expériences" (l’épisode final, insensé, est un sommet d’étrangeté), The Curse prend des détours impossibles pour mieux décrire un mal-être moderne et un sentiment très générationnel de vide existentiel. Mais il faudra au moins un second visionnage pour s’assurer d’avoir vu juste : on y retourne et on vous tient au courant.
The Curse, créée par Nathan Fielder & Benny Safdie. Avec Emma Stone, Nathan Fielder, Benny Safdie… Un épisode par semaine sur Paramount+, dix épisodes en tout.
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