“Je suis un enfant de la guerre, j’ai connu les bombardements quotidiens et les nuits dans les abris aériens", raconte le réalisateur, qui dresse un parallèle entre son expérience et celle du personnage de Lucius.
Avec la sortie du trailer de Gladiator 2, les nostalgiques du péplum sorti en 2000 ont enfin pu découvrir les premières images de cette nouvelle épopée sur fond d'Empire Romain. Une suite que son réalisateur aura mis vingt-quatre ans à concrétiser, et qui tire son origine d’une réflexion bien plus profonde et complexe que ce qu’on pourrait croire.
A quatre-vingt-six ans, Ridley Scott, qui a bien roulé sa bosse, s’est inspiré de sa propre enfance pour concevoir le personnage de Lucius, interprété par Paul Mescal.
“Je suis un enfant de la guerre, j’ai connu les bombardements quotidiens et les nuits dans les abris aériens, rappelle-t-il dans les colonnes de Variety. Comme vous vous en doutez, je n’avais pas beaucoup de tendresse pour les Allemands. En 1947, à l’âge de 10 ans, je me retrouve à Hambourg et Francfort, car mon père est aux avant-postes de la reconstruction de l’Allemagne, dans le cadre du Plan Marshall, se souvient-il. J’assiste à tout cela aux premières loges. C’est dans cette atmosphère que j’ai grandi.”
Un parallèle s’impose alors entre ce récit personnel et celui de Lucius qui, exilé par sa mère Lucilla (Connie Nielsen) en Afrique du Nord, se verra forcé de revenir dans une Rome qu’il abhorre en tant que prisonnier de guerre. Pris dans le système romain du “pain et des jeux” sous l'étiquette de gladiateur, Lucius s’érige bientôt en représentant de la plèbe, de la société romaine par le bas. Comme le précise Paul Mescal :
“Il voudrait n’avoir rien à faire avec Rome. Au début, son seul souhait, c’est de tout détruire. Les Romains savaient se montrer très sanguinaires. Ils allaient de continent en continent, soumettant des villages et des nations entières. Le film ne tait rien de cette violence, dont les empereurs sont des figures centrales. Lucius voit clair dans le jeu de ces élites corrompues, il est très perspicace et n’a pas peur des puissants, ce qui le rend particulièrement dangereux à leurs yeux.”
L’idée de la destruction/de la reconstruction est primordiale pour Ridley Scott, dont le père, ingénieur, a participé à la fabrication des embarcadère qui ont permis les débarquements en Normandie, mais également à la réédification de l’Allemagne dans le cadre du Plan Marshall à la fin de la guerre.
“Mon père a été très pro-allemand dans le sens où il voulait les aider à se remettre de la guerre. Quand nous sommes arrivés sur place, c’était comme si une bombe atomique avait été jetée sur l’Allemagne. Une fois sa mission finie, mon père a estimé qu’il était temps pour nous de partir, mais les Allemands ne voulaient pas le laisser s’en aller. Ils lui ont proposé le poste de directeur de l’autorité portuaire, et il a refusé. Moi, je pensais qu’il aurait dû accepter. Et je me souviens que quand je l’ai dit, on m’a fait taire.”
Voilà une origin story qui promet un personnage complexe et un soin particulier accordé à la nuance, mais qui justifie aussi ce second volet. En quarante-sept ans de carrière, et avec vingt-huit films à son actif, Ridley Scott en est ainsi à sa troisième franchise, lui qui a lancé la saga des Alien en 1979, et créé l’univers de Blade Runner trois ans plus tard, en 1982 ; deux accomplissements qui lui ont un peu échappé.
“J’ai créé deux franchises. À Hollywood, la plupart des réalisateurs, du moins ceux de mon niveau, sont intraitables sur ce genre de dossiers. Mais, Alien n’était que mon deuxième film et Blade Runner mon troisième. Et je n’ai guère eu le choix. Mes partenaires étaient très durs en affaires. J’ai découvert l’univers impitoyable d’Hollywood. Dans les années 1980, la possibilité de réaliser les sequels n’existait tout simplement pas. On ne m’a jamais averti ni demandé. Vous pouvez vous imaginer que je n’étais pas particulièrement ravi.”
En somme, Gladiator, c’est son bébé ; il l’a, et il le garde. Et pas question d’en faire autre chose qu’un objet cinématographique résolument personnel et surtout actuel :
“Un empire à la conduite chaotique, mené par des démagogues – un terme qui reste très actuel. Les dirigeants sont fous, mais tout le monde à trop peur de les contredire. Ça ne paraît pas si éloigné, pas vrai ?”
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