Première
Une héroïne, une femme, la trentaine. Le jour, Jean (Rosy McEwen, une révélation), coupe au bol et regard bleu, est professeure de sport dans un petit collège réac du Nord de l’Angleterre. Le soir, elle s’engouffre dans les boîtes de nuit queer avec sa petite-amie. Mais. On est en 1988 et Thatcher vient d’adopter une loi qui stigmatise la communauté LGBTQ. Entendre : elle met sur le même plan homos et pédophiles. Blue Jean, premier long-métrage de la jeune Georgia Oakley, dessine le portrait d’une femme en conflit interne, obligée de se cacher pour vivre. À chaque scène, les traits de son visage exultent un peu plus, sa vigueur éclate. Jean est à la fois imposante et épurée. Apeurée aussi. La composition de Rosy Mc Ewen est stupéfiante de justesse. Ce film fait de la carapace, une identité ; du silence, une liberté. Et donne une résonnance lucide aux discriminations contemporaines.
Estelle Aubin