Rencontre avec le producteur du remarquable deuxième long d'Arthur Harari qui fait aujourd'hui à Cannes l'ouverture de la section Un Certain Regard.
Onoda raconte l'histoire vraie de Hiroo Onoda, un soldat japonais qui, isolé sur une île des PhiIippines, avait refusé de croire à la fin de la seconde guerre mondiale et continué des opérations de guérilla durant près de 30 ans. Quand est né ce projet singulier dans l'univers du cinéma français ?
Arthur (Harari) est venu m'en parler pour la première fois début 2013. Il préparait alors un moyen métrage que je produisais Peine perdue et écrivait ce qui deviendra son premier long Diamant noir. A cette époque- là, j'avais produit une vingtaine de courts mais un seul long métrage, Bovines, le documentaire d'Emmanuel Gras. Ca pouvait donc alors paraître comme un Everest inatteignable pour nous deux. Mais Arthur m'a apporté le fac- similé du premier livre écrit en 1974 sur Onoda par deux Français qui l'ont interviewé quand il est sorti de la jungle. Et forcément en le lisant, j'ai eu envie de me lancer dans cette aventure avec Arthur. Même si je connaissais évidemment les obstacles de financement et l'énorme travail d'écriture nécessaire pour raconter ces 30 années dans la jungle où il ne se passe a priori rien et pourtant tellement de choses. Et ça devient donc tout de suite concret car Arthur s'est mis à écrire très vite, rejoint par Vincent Poymiro.
Cannes 2021 : Onoda est un vrai choc [critique]Comment se déroule le financement ?
Je sais dès le départ qu'il s'agira d'une co- production internationale. Donc dès que j'ai un premier traitement, je me rends à tous les forums de co- production de ce genre qui existent. Berlin, Rottardam, Turin, Les Arcs... Et partout, on nous dit non. Car tout le monde pense ce film infaisable. Mais on s'est obstinés même si du fait du statut du film, on n'avait pas le droit au financement de développement français (CNC, Soficas...) sauf des aides de région. Tout cela va prendre deux ou trois ans. Et puis quelqu'un va nous tendre la main. Pour moi, le meilleur distributeur possible pour Onoda était Le Pacte. Je ne connaissais pas Jean Labadie mais il a lu très rapidement et m'a écrit un mail incroyablement enthousiaste. Il a donc embarqué dans l'aventure et son enthousiasme ne s'est jamais démenti. Il n'a jamais questionné par exemple la durée du film - 2h47 - nécessaire au récit, au bout d'un montage qui s'est étalé sur un an et demi. Mais après Le Pacte, il a fallu encore trouver les 90% d'investissements restants - dont 15% que j'ai apportés personnellement. Il y a 27 partenaires en tout Il a fallu trois ans pour les réunir. Le casting, lui, a pris une année. Mais, dès le départ, on avait assimilé ce temps long. Y compris pour le tournage. J'avais une confiance totale en Arthur. Ainsi quand il m'a assuré qu'il avait besoin de 12 semaines, je l'ai suivi et n'ai pas demandé de coupes dans le scénario pour en réduire la durée.
Vous avez craint un jour ne pas arriver au terme de cette aventure ?
Non. A aucun moment. Et ce grâce à Arthur. Car pour faire un tel film, il faut un réalisateur très ambitieux, très travailleur et très humble. Arthur réunit ces trois qualités donc je savais qu'on irait au bout, même s'il y a eu des moments difficiles, bien évidemment. Et la sélection en ouverture d'Un Certain Regard vient couronner notre rêve commun. Il n'y a pas meilleur endroit pour faire exister un projet aussi atypique dans la production cinématographique actuelle, tous pays confondus. Les Américains avaient essayé de raconter cette histoire, Werner Herzog aussi mais aucune de ces tentatives n'avait pu aller au bout. Mais j'ai l'habitude: je n'ai jamais produit un film où on m'a dit que ce serait une évidence.
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