Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
LE MUSÉE DES MERVEILLES ★★★☆☆
De Todd Haynes
L’essentiel
Todd Haynes adapte un roman de Brian « Hugo Cabret » Selznick pour mieux réconcilier ses veines classique et arty. Une réussite.
Todd Haynes a changé. Il n’est plus le cinéaste déconstructiviste et postmoderne de Velvet Goldmine, Loin du Paradis et I’m not there, celui qui réfléchissait aux mythes de son panthéon perso (David Bowie, Douglas Sirk, Bob Dylan) à coup de films mutants, quelque part entre l’installation muséale, l’ironie warholienne et la thèse de troisième cycle. La transformation a eu lieu avec Mildred Pierce (sa mini-série HBO avec Kate Winslet) puis Carol (love story entre Cate Blanchett et Rooney Mara) : en vieillissant, Haynes donne l’impression de vouloir sortir de sa bulle, se confronter à la question du classicisme, et donner ainsi à son œuvre une résonnance plus grande, une portée plus universelle.
Frédéric Foubert
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PREMIÈRE A PLUTÔT AIMÉ
DIANE A LES ÉPAULES ★★★☆☆
De Fabien Gorgeart
Elle est marrante, Diane. Insouciante et insolente. Par amitié, elle porte l’enfant de son couple de potes, Thomas et Jacques. Son histoire d’amour naissante avec Fabrizio, rencontré sur le chantier de sa maison de famille qu’elle retape, lui fera-t-elle passer un cap ? Le veut-elle d’ailleurs, grandir ? Assumer ? Pas franchement. Malgré une épaule qui se déboîte régulièrement, elle fracasse des murs à la masse tandis que son ventre s’arrondit…
Christophe Narbonne
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HAPPY BIRTHDEAD ★★★☆☆
De Christophe Landon
La Terre entière –bon, n'exagérons rien, l'ensemble de la critique cinéma- va vous résumer Happy Birthdead comme le mélange de Scream et Un jour sans fin. C'est sans doute comme ça que son scénariste Scott Lobdell (remarqué dans les années 90 pour avoir eu la lourde tâche de succéder au grand Chris Claremont sur les comics X-Men) a vendu son script au producteur Jason Blum, artisan des cartons Get Out et Split, ou encore American Nightmare et Paranormal Activity.
Sylvestre Picard
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M ★★★☆☆
De Sara Forestier
Depuis L’esquive et Le nom des gens, on sait de Sara Forestier qu’elle est déterminée et singulière. Culottée aussi. Il en fallait –du culot- pour raconter cette improbable histoire d’amour entre un mec de banlieue honteusement analphabète (Redouanne Harjane, très charismatique) et une bègue honteuse (Forestier, parfaite), réfugiée dans le silence.
Christophe Narbonne
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SIMON ET THÉODORE ★★★☆☆
De Mikael Buch
Simon et Théodore évoque spontanément un certain cinéma américain des années 1970, celui de Jerry Schatzberg, Hal Ashby et Bob Rafelson, où des personnages d’écorchés vifs au bord de la crise de nerfs cherchaient leur place sous le regard d’une caméra agitée et bienveillante. En filmant la rencontre improbable entre Simon, trentenaire autodestructeur qui sort de l’hôpital psychiatrique et s’apprête à devenir père, et Théodore, adolescent à fleur de peau nourrissant une violente colère envers ses géniteurs, Mikael Buch (réalisateur en 2011 du très pop Let My People Go !) signe une comédie dramatique inspirée qui traque inlassablement les étincelles d’allégresse nichées au sein des pires crises existentielles.
Car, parallèlement à l’émotion qui nimbe l’errance des deux antihéros dans le Paris nocturne, le film fait la part belle à un récit simultané d’où émergent d’attachantes figures aux états d’âme directement liés à ceux du duo masculin. Se distingue notamment la magnanime compagne de Simon, femme-rabbin enceinte incarnée par une Mélanie Bernier qu’on n’a jamais vue aussi solaire. Refusant de céder au pur naturalisme et collant aux névroses de chacun pour mieux faire apprécier la grâce qui les habite, cette œuvre sensible bénéficie de la poésie lunaire de Félix Moati et de la rage impressionnante du débutant Nils Othenin-Girard. Ce casting iconoclaste participe à la chaleur vivifiante de ce deuxième long métrage qui arbore au final une tonalité unique.
Damien Leblanc
LE SEMEUR ★★★☆☆
De Marine Francen
L’action est située en 1852, à une époque où les Républicains sont victimes de purges à l’initiative de Louis Napoléon Bonaparte. Les hommes d’un village de montagne sont ainsi tous emmenés après une rafle soudaine. Violette et les autres femmes doivent faire face à cette pénurie masculine et assurer le labeur dans les champs. Quand arrive le mystérieux Jean… Tourné au format carré, éclairé par une lumière douce, ce premier film est une succession de vignettes pastorales rappelant les tableaux paysans de Millet. L’effet est saisissant et procure d’indubitables émotions, renforcées par le délicat casting féminin. Sur le fond, cette histoire d’intrus “semant” le trouble aurait toutefois gagné à être plus ambiguë et moins littérale.
Christophe Narbonne
BANGKOK NITES ★★★☆☆
De Katsuya Tomita.
Certes, sur le papier, sa durée peut effrayer. Mais il faut dépasser ce préjugé. Car les trois heures permettent ici au japonais Katsuya Tomita (Saudade) d’approfondir son sujet et de ne pas rester en surface, à enfiler les clichés comme des perles. Bangkok nites décrit le quotidien des filles de joie de la capitale thaïlandaise par le prisme singulier de leurs rapports avec la population japonaise de la ville. Une galerie de personnages haut en couleurs que Tomita décrit dans leur diversité, sans chercher à en dessiner artificiellement un portrait robot où toutes auraient des personnalités, des comportements et un rapport à leur métier, similaires. Trois heures passionnantes donc - en dépit il faut l’admettre de quelques longueurs - et superbement éclairées par le directeur de la photo Takumi Furuya.
Thierry Cheze
CHAVELA VARGAS ★★★☆☆
De Catherine Gund
Icône de la musique ranchera (sorte de lamento populaire mexicain), Chavela Vargas, morte en 2012 à 93 ans, a vécu mille vies. Amante de Frida Kahlo dans les années 40, elle connut la gloire dans les années 60-70 avant une longue traversée du désert interrompue par sa rencontre avec Almodovar au début des années 90 qui la remit en selle. Ce documentaire, bourré d’archives et d’interviews rares, explique son importance auprès de la communauté LGBT mexicaine tout en s’attardant sur son alcoolisme qui entraîna chez cette femme de passion violence envers les autres et autodestruction.
Christophe Narbonne
L’ECOLE DE LA VIE ★★★☆☆
De Maite Alberdi…
Le moins réussi dans ce documentaire ? Son titre qui ne rend pas hommage à l’exercice de haut vol réussi ici par sa réalisatrice Maite Alberdi. Celui de trouver le ton juste et la distance adéquate pour parler du handicap à travers une bande de copains trisomiques qui, partageant les bancs de la même école depuis 40 ans, aspirent, quinquagénaires, à vivre une autre existence. Plus « normale ». Gagner de l’argent, se marier, fonder une famille. Maite Alberdi décrit leurs rêves et la manière dont ils se fracassent plus ou moins violemment contre cette fameuse réalité façon plafond de verre avec une empathie jamais misérabiliste. Et rend grâce avec superbe à ceux qu’elle filme.
Thierry Cheze
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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
KHIBULA ★★☆☆☆
De George Ovashvili
Khibula est le genre de film devant lequel il est conseillé de ne pas s’aventurer sans mode d’emploi. Ce troisième long-métrage de George Ovashvili (La Terre éphémère) relate les derniers jours de Zviad Gamsakhourdia, premier président élu de la Géorgie, destitué après un coup d’Etat en 1992. Il vaut mieux le savoir avant d’acheter sa place, le film étant majoritairement constitué de longs tableaux contemplatifs et mutiques, racontant la fuite du politicien déchu et de sa garde rapprochée dans l’arrière-pays géorgien enneigé. Les plans que compose Ovashvili sont beaux, imposants, un peu austères. C’est une lente odyssée funèbre, où il s’agit d’observer un homme d’Etat se déprendre de la chose publique, pour se retrouver peu à peu seul, face à lui-même. On est quelque part entre le Sokourov du Soleil, un Lincoln post-soviétique et une version réfrigérante d’Il Divo.
Frédéric Foubert
PARADIS ★★☆☆☆
De Andrey Konchalovsky
Konchalovsky évoque trois destins croisés au cours de la Seconde Guerre mondiale : ceux d’un fonctionnaire de police français collaborant avec l’occupant, d’une aristocrate russe exilée ayant rejoint la résistance, et d’un officier SS exalté par l’idéal nazi. Ensemble, ces vies saisies en noir et blanc composent un récit choral sur les camps d’extermination, à la fois romanesque et semi-documentaire (les personnages, comme revenus d’outre-tombe, « témoignent » face caméra). Konchalovsky ne semble pas chercher ici à renouveler les représentations de la période, semblant plutôt guidé par l’envie de livrer une grande fresque récapitulative sur le sujet. L’aspect rétro, qui donnerait presque le sentiment que le film a été tourné dans l’immédiat après-guerre, crée une impression étrange, flottante, naviguant entre esthétique “datée” et devoir de mémoire intemporel.
Frédéric Foubert
GOOD VIBRATIONS ★★☆☆☆
De Lydia Erbibou
Lydia Erbibou plonge dans le monde des sourds en suivant le quotidien d’une classe de l’Institut National des jeunes sourds et plus précisément par le prisme d’un des cours qui y est dispensé. Un cours de musique comme une rencontre entre le monde des entendants et des non- entendants transformé en une véritable expérience sensorielle pour ces jeunes ados handicapés. Le grand intérêt du film est de nous faire le vivre à travers eux, débordant d’énergie et d’enthousiasme à l’idée de ressentir les choses plus fortement et plus intensément que les non- sourds. C’est aussi sa limite tant ces 70 minutes donnent un peu trop souvent l’impression de partir dans tous les sens et de se répéter. Mais sans jamais ennuyer.
Thierry Cheze
PREMIERE N’A PAS AIMÉ
MARYLINE ★☆☆☆☆
De Guillaume Gallienne
Le carré bouffant blond platine encadre un regard tantôt rieur tantôt désespéré. Dans Maryline, portrait d’une apprentie actrice portée sur la bouteille, Adeline D’Hermy ressemble à s’y méprendre à Gena Rowlands dans Opening night, modèle pour toutes les “perform actresses”, belles, ravagées (par l’alcool, la folie, la passion), incandescentes… Pour son second long métrage, Guillaume Gallienne fait dans la citation écrasante sans réussir à trouver sa voie : portrait déchu ? Mélo familial ? Chronique de la solitude ? Drame de l’atavisme ?
Christophe Narbonne
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PAR INSTINCT ★☆☆☆☆
De Nathalie Marchak
Avocate confirmée enceinte, Lucie se rend au Maroc pour affaires sur un coup de tête, laissant son mari désemparé. Sur place, elle rencontre une jeune femme paumée dont elle récupère le bébé en danger et auquel elle va s’attacher “par instinct”. Ce film sur la maternité contrariée se double d’un thriller sur la traite des femmes africaines. Les deux ne marchent jamais ensemble, la faute à des rebondissements incongrus et à un arc narratif tiré par les cheveux -l’histoire d’amour entre Lucie et un beau médecin sans frontières. Dommage pour Alexandra Lamy qui insuffle à son personnage de mère par procuration de belles vibrations.
Christophe Narbonne
L’OMBRE DE VENUS ★☆☆☆☆
De Jean-Luc Piacentino
Jean-Luc Piacentino raconte, à travers deux narrations distinctes, la création d’une statue de Vénus au 1er siècle et traite la question de sa reconstitution au XXIème siècle. Malgré un dispositif intéressant à travers la fiction, dans l’Arles antique, et l’aspect documentaire, dans le Rhône, ce film souffre de sa construction narrative. En reprenant les codes du théâtre, les transitions entre les époques sont mal amenées, provoquant une certaine distance qui nous fait perdre le fil de l’histoire.
Maxime Kasparian
Et aussi
The Foreigner de Martin Campbell
Derrière les fronts : Résistances et résiliences en Palestine d’Alexandra Dois
Wallace & Gromit : cœurs à modeler de Nick Park
Patmos de Martin Ziegler
Touristes ? Oh yes ! de Jean-Pierre Mocky
Reprises
Rêves en rose de Dusan Hanak
Charlot sur la route de Charles Chaplin
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