Caméra d’Or du dernier Festival de Cannes, le premier film de Léonor Serraille confirme le potentiel explosif de Laetitia Dosch.
C’était en 2013, une éternité. Laetitia Dosch irradiait de son énergie inquiète La Bataille de Solférino, le premier film de Justine Triet (future réalisatrice de Victoria). C’était évident, l’heure était venue pour cette actrice franco-suisse réputée pour ses spectacles toqués de régner sur le cinéma d’auteur français à l’instar de Vincent Macaigne, son partenaire de La Bataille de Solférino. Puis, plus rien, ou presque. Des petits rôles par-ci- par-là jusqu’à ce que Léonor Serraille, une autre diplômée de la Fémis, ne lui rende son trône. Jeune femme est à la fois un film avec Laetitia Dosch et un film sur elle. Sur sa folie douce, son physique caméléon (elle passe de madame-tout-le-monde à la vamp en un plan), sa logorrhée épuisante et sa sensibilité à fleur de peau. Serraille la compare volontiers à Gena Rowlands et à Patrick Dewaere pour cette capacité à alterner les coups de sang et les coups de cœur. Laetitia Dosch est un diamant brut que Jeune femme a fini de polir.
Paula perdue dans la capitale
Qui est donc cette “jeune femme” ? On pourrait la qualifier de marginale tant elle n’entre dans aucune case. Belle, intelligente, naïve, incontrôlable, irrespectueuse, fonceuse, franche, insupportable, asociale, amoureuse, libre, incapable de se fondre dans le système. “Je suis pas quelqu’un qu'on hospitalise moi !”, dit-elle bravache au médecin hospitalier qui examine sa tête abîmée après un coup violent consécutif à une crise d’hystérie. Paula est de ces héroïnes qui impriment puissamment la pellicule en ce qu’elles véhiculent de fort et de fragile, de terrien et de borderline. Il y a chez elle du Wanda, du Claire Dolan et du Sue (perdue dans Manhattan). Impossible Paula dont la mise en scène, caractérisée par des ruptures de ton (souvent dans le même plan) et une marche en avant forcée (il faut bien vivre et s’en sortir), épouse les hésitations et les emportements. Tourbillonnant, irritant, bouleversant (les scènes animales entre Paula et sa mère indigne sont les plus stupéfiantes du cinéma français récent), Jeune femme est un objet curieux qui possède une arme secrète : son humour volontiers iconoclaste qui permet à la réalisatrice et à son actrice de dédramatiser pudiquement le désordre intérieur de leur héroïne virevoltante. Ce n’est pas la moindre de ses qualités.
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