Ce qu’il faut voir ou pas en salles cette semaine.
L’ÉVÉNEMENT
PAPA OU MAMAN 2 ★★★★☆
Suite de la comédie de remariage vacharde et régressive, Papa ou maman 2 déjoue toutes nos attentes et va encore plus loin dans l'humour incorrect.
A la fin de Papa ou maman, Laurent Lafitte débarque d’un avion et retrouve Marina Foïs enceinte, avec leurs trois enfants, après s’être engueulés pendant une heure trente pour savoir qui aurait la garde des mômes. Leur regard à ce moment-là est étrangement amoureux, ambigu. Suffisamment pour qu’on se demande s’ils ne vont pas se remettre ensemble. Deux ans ont passé. Le début de Papa ou maman 2 joue avec nos nerfs en démarrant sur les chapeaux de roues. Littéralement. C’est depuis le pare-chocs d’une voiture que part un nouveau plan-séquence rutilant reprenant le principe d’ouverture du premier film. Ce n’est plus une course-poursuite steadicamée dans les salles d’une fac un soir de beuverie, mais une déambulation staccato à travers les couloirs d’une baraque cossue de banlieue avec passages intérieurs-extérieurs, accessoires qu’on va chercher, dialogues qu’on se hurle à travers les pièces ou qu’on se murmure à l’oreille, acteurs en surchauffe.
Gaël Golhen
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PREMIÈRE A AIMÉ
BACCALAURÉAT ★★★★☆
De Cristian Mungiu
Cristian Mungiu décortique les mécanismes menant à la chute morale d’un homme en apparence respectable qui a lutté sa vie entière contre les compromissions faciles mais qui remet tout en question brutalement. Le doit-il vraiment ? C’est la problématique, passionnante et supérieure, d’un film qui, tout en condamnant le système, montre la faillibilité humaine dans ce qu’elle a de touchant mais aussi de médiocre
Christophe Narbonne
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BIENVENUS ! ★★★★☆
De Rune Denstad Langlo
Primus, le propriétaire d’un hôtel quasiment en faillite dans les montagnes norvégiennes décide d’accueillir des réfugiés pour obtenir des subventions et tenir le coup. Sauf que voilà : Primus est un sale type et s’ouvrir aux autres cultures, ça le gonfle. Donc quand cinquante personnes d’horizons et de pays divers débarquent dans son hôtel, son idée de départ lui semble d’un coup beaucoup moins bonne. Le réalisateur norvégien Denstad Langlo prend un sujet a priori dramatique pour en faire une comédie totalement d’actualité et profondément humaine. Sans mièvrerie ou presque, sans abuser du ressort du gentil étranger qui va tout apprendre des vraies valeurs de la vie à son hôte, Bienvenus ! brille par son écriture solide et son casting particulièrement convainquant. Fin, drôle, et vraiment touchant.
François Léger
PREMIÈRE A PLUTÔT AIMÉ
ABSOLUTELY FABULOUS ★★★☆☆
De Mandie Fletcher
Edina et Patsy sont de retour, et elles n'ont pas changé. La preuve, le film commence sur leur réveil après une sacrée gueule de bois, toujours aussi has been à l'ère des réseaux sociaux et du tout-Internet. Les deux parasites ont désormais une obsession : devenir les meilleures copines de Kate Moss, mais elles vont la tuer par accident et partir en cavale dans le sud de la France. Impossible à AbFab d'être has been (le premier épisode de la série remonte à 1992, le dernier à 2004, entretemps il y a eu une version française avec Baye et Balasko) parce que c'est dans l'ADN de la série d'être le plus has been possible. Et si la réalisation du film est, au mieux, télévisuelle (dans le sens 20ème siècle du terme), l'écriture est toujours aussi percutante avec nombre de punchlines bien senties ("à l'époque, Brigitte Bardot était encore en couches. Remarque aujourd'hui elle les a remises") sur le showbiz, la mode, la mort délivrées par un duo d'enfer (surtout Joanna Lumley toujours topissime : il faut la voir lécher des bouteilles de champagne vides un matin en espérant y recueillir un peu d'alcool). Ca ressemble en fait à un Zoolander 2 réussi, chéris, darlings.
Sylvestre Picard
CAROLE MATTHIEU ★★★☆☆
De Louis-Julien Petit
Impossible de ne pas penser à La Journée de la Jupe en voyant Isabelle Adjani se battre envers et contre tous dans ce nouveau drame social diffusé à l’origine sur Arte. Mais Carole Matthieu est plus sombre puisqu’il explore le thème très actuel de la souffrance en entreprise, à travers le regard de cette médecin du travail aussi usée que ses patients. Presque documentaire, la première partie du film dissèque la cruauté du monde des centres d’appel et le cynisme du management de façon édifiante. Carole Matthieu bascule ensuite dans le thriller psychologique un peu trop théâtral. Désespérée, ambiguë, parfois angoissante, Isabelle Adjani est remarquable, aidée par une Corinne Masiero excellente en DRH implacable.
Clara Nahmias
THE MUSIC OF STRANGERS ★★★☆☆
De Morgan Neville
Après avoir raconté dans l’excellent Twenty Feet from Stardom les vies d’une poignée de choristes (ces filles qui chantent derrière Mick Jagger ou Sting, « à quelques mètres de la gloire »), le réalisateur Morgan Neville, véritable stakhanoviste du documentaire musical, se penche dans sa nouvelle livraison sur le collectif Silk Road Ensemble, créé par le musicien Yo-Yo Ma. Violoncelliste superstar célébré dans le monde entier, ex-enfant prodige à la recherche de nouveaux challenges artistiques, Yo-Yo Ma a rassemblé autour de lui, depuis le début des années 2000, une sorte de supergroupe composé de musiciens venus des quatre coins du monde. Joueuse de cornemuse de Galice, clarinettiste syrien, virtuose chinoise du pipa… L’idée, en substance, est de voir ce que ça donnerait si les musiciens les plus virtuoses et sensibles de la planète jouaient ensemble. Quels sons en sortiraient ? Notre idée de la musique en serait-elle transformée ? Et, plus important encore, quel impact ces sonorités nouvelles auraient-elles aurait sur notre vision du monde ? Neville pose ces questions en s’attardant sur les parcours personnels de quelques-uns des membres du groupe. Les portraits proposés sont touchants (surtout celui du syrien Kinan Azmeh) mais, trop souvent, le propos menace de tomber dans l’angélisme, sur l’air de "la musique adoucit les mœurs". Mieux vaut alors regarder The Music of Strangers comme le portrait en creux de Yo-Yo Ma, un surdoué qui avait tellement peur de s’ennuyer qu’il se donna pour mission de prouver que la musique pouvait changer le monde. On ne va certainement pas lui reprocher d’essayer.
Frédéric Foubert
LA DANSE DES ACCROCHÉS ★★★☆☆
De Thibault Dentel
Présenté comme "la première fiction sur le bracelet électronique", La Danse des accrochés ne brille pas par son plan com. Qui a envie d’aller voir un film sur un thème pareil ? Faisons donc comme si on ne savait pas. Oui, le héros est un détenu qui doit passer les dix derniers mois de sa peine chez son cousin agriculteur avec le fameux bracelet à un pied en respectant des règles de vie contraignantes : prendre des bains sur ses heures libres (c’est-à-dire non surveillées) parce que dans la baignoire le signal électronique ne passe pas ; répondre en pleine nuit au téléphone aux flics qui perdent le signal pour des raisons techniques. Il y a un petit côté « Manuel du Bracelet électronique » sur lequel la fiction a du mal à prendre appui, du moins dans son premier tiers. Libéré de ses contraintes explicatives, le récit policier peut commencer. Où l’on comprend que le héros et son cousin sont issus de familles dysfonctionnelles, le second ayant une mère qui envisage de le priver de sa ferme dans son testament. Une idée de meurtre s’insinue chez les deux hommes dans laquelle le bracelet électronique jouera évidemment un rôle clé. Tourné dans un beau noir et blanc, interprété inégalement par des inconnus (dont certains, on le suppose, sont amateurs), La Danse des accrochés déroule assez froidement sa mécanique qui, bien qu’un peu trop apparente, remplit son contrat. Le dernier plan est sublime.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
PREMIER CONTACT ★★☆☆☆
De Denis Villeneuve
Depuis Le jour où la Terre s’arrêta, de Robert Wise (1951), on sait qu’il peut s’avérer aussi divertissant de dialoguer avec les extraterrestres que de leur taper dessus. Mais la liste des cinéastes qui ont tenté le coup incite à l’humilité. Wise donc, Spielberg (Rencontres du troisième type), Cameron (Abyss), Zemeckis (Contact) et, hum, un certain Stanley Kubrick (2001), s’y sont frottés. Les films en question n’étaient pas trop mal. Premier Contact s’inscrit dans cette lignée écrasante. Des vaisseaux aliens en forme d’oeufs gigantesques apparaissent à la surface de la Terre. L’héroïne est une linguiste chargée de traduire le langage des E.T. pour évaluer leurs intentions amicales ou belliqueuses (et ainsi décider s’il convient de leur offrir des cookies ou de leur envoyer des missiles nucléaires). Elle traîne un drame personnel lourd, du genre qui fait mal dormir la nuit, dans son immense baraque de femme seule avec vue sur nulle part. Le film raconte l’histoire d’un contact interstellaire et aussi l’histoire de sa vie à elle (Story of Your Life, titre de la nouvelle d’origine) : son passé et son futur, qui reste à écrire. En voilà, de la belle SF romanesque. Avec du potentiel ciné ? C’est une vraie question.
Guillaume Bonnet
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SALT AND FIRE ★★☆☆☆
De Werner Herzog
Depuis onze ans, Werner Herzog a passé la surmultipliée en tournant en moyenne plus d’un film ou documentaire par an. Forcément, il y a un peu de déchet. Salt and Fire, s’il appartient à sa veine de films d’aventures existentiels, peine à égaler la puissance d’évocation et visionnaire d’Aguirre ou de Fitzcarraldo. Il y filme l’enlèvement d’une scientifique par un entrepreneur dont elle a dénoncé des agissements susceptibles de provoquer un désastre écologique. Maladroitement écrit (dialogues plats, enjeux dramatiques flous), Salt and Fire touche à quelque chose de plus sensible dans sa dernière partie, magnifiquement filmée dans le désert de Bolivie. Herzog y parle de retour à une forme de pureté originelle qui tire son intérêt d’un traitement plus "à plat", plus documentaire, laissant le dogmatisme de côté. Il faut cependant souffrir avant d’en arriver là. Ou pas.
Christophe Narbonne
TIKKOUN ★★☆☆☆
D’Avishai Sivan
Tikkoun est une expérience. Un film à part sur une crise de foi et la volonté d’une autre vie. Haïm-Aaron est un jeune juif de Jérusalem, qui effectue de brillantes études dans une yeshiva (centre d'étude de la Torah et du Talmud) ultra orthodoxe. Alors qu’il s’impose un jeûne extrême, il perd connaissance. Les médecins s’acharnent et finissent par le déclarer mort. Mais son père tente un massage cardiaque et le ramène finalement à la vie. À partir de là, plus rien n’est pareil : Haïm-Aaron a l’impression que Dieu le teste et le jeune homme se demande s’il doit s’écarter du droit chemin pour raviver sa foi. Pendant ce temps, le père est terrifié à l’idée d’être allé à l’encontre de la volonté du Tout-Puissant en réanimant son fils. Avishai Sivan nous emmène dans un monde en noir et blanc (avec un sublime jeu sur le contraste) pas très loin de la folie. Entre visions délirantes, drame et vrais morceaux d’humour noir, Tikkoun choisit de ne pas choisir. C’est sa grande force, mais également ce qui le rend un peu gauche. Le genre de film pourtant entêtant, auquel l’esprit revient régulièrement dans les jours qui suivent son visionnage.
François Léger
ALGÉRIE DU POSSIBLE ★★☆☆☆
De Viviane Candas
En revenant sur les circonstances (mystérieuses) de la mort de son père, militant anticolonialiste, avocat du FLN et conseiller du régime à l’indépendance du pays, la réalisatrice d’Algérie du possible esquisse en filigrane un panorama de la révolution algérienne, cette période de guerre et de l’après-guerre surtout, quand le pays fut un temps le "Phare du Tiers Monde", le refuge des révolutionnaires et la tête de pont des non-alignés. Composé de témoignages plus ou moins édifiants des collègues ou compagnons de lutte du père disparu, le film, document passionnant sur l’Algérie des années 1960 quand il creuse vraiment une piste, souffre d’une trop grande dispersion et d’un manque de pédagogie. L’enquête de cette fille à la recherche de son père se mène parfois au détriment de l’analyse historique que l’on aimerait que le film soit plus.
Vanina Arrighi de Casanova
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
A JAMAIS ★☆☆☆☆
De Benoît Jacquot
Après trois films, disons, grand public (Les Adieux à la reine, 3 cœurs, Journal d’une femme de chambre), Benoît Jacquot revient à ce cinéma d’auteur un peu aride qui a fait sa réputation. Il raconte comment la maîtresse d’un cinéaste se perd dans le souvenir de cet homme, mort brutalement dans un accident de la route. Située pour l’essentiel dans une grande demeure fouettée par le vent, l’action fait la part belle au rêve et au fantasme avec une économie de moyens (tournage en DV plate) qui frise l’amateurisme. Comme Olivier Assayas dans Personal shopper, Jacquot s’essaie au film de fantômes, sans dialogues -ou peu, comptant sur l’imagination du spectateur pour combler les trous d’un scénario erratique. Surtout, il ne parvient pas à créer d’atmosphère ni de trouble (le potentiel érotique de la très jolie Julia Roy est à cet égard honteusement sous-exploité), autant d’ingrédients indispensables à tout film de genre qui se respecte et dont les cinéastes asiatiques sont les maîtres incontestés.
Christophe Narbonne
SEX DOLL ★☆☆☆☆
De Sylvie Verheyde
Cinéaste du spleen et de la rage punk (Un frère, Princesses, Confession d’un enfant du siècle), Sylvie Verheyde filme la trajectoire d’une prostituée insouciante que sa rencontre avec un mec paumé, sorte d’ange destroy, va faire redescendre sur terre. Toutes les scènes de sexe, filmées à la bonne distance, sont réussies et installent un malaise perceptible touchant à l’exploitation de ces jeunes femmes qui, pour certaines (l’héroïne), croient maîtriser leurs destins et, pour d’autres, sont victimes de leur condition. A mesure que le film avance et que le discours se fait plus précis, Sex Doll perd en mystère ce qu’il gagne en clarté. Son didactisme éclate dans la grande scène finale entre la fille et sa maquerelle, rendue risible par des dialogues simplistes et une interprétation qui part à vau-l’eau.
Christophe Narbonne
GO HOME ★☆☆☆☆
De Jihane Chouaib
Exilée en France, Nadia revient dans sa maison d’enfance au Liban, où son grand-père a disparu durant la guerre civile. Persuadée qu’il est mort en martyr, la jeune femme tente d’éclaircir le mystère familial. Elle a deux ennemis : les villageois, hostiles et peu enclins à remuer le passé, et ses propres fantasmes. Et si la vérité sur son aïeul était moins glorieuse que prévu ? Jalonné de fl ashbacks, le fi lm prend la forme d’une enquête criminelle et intimiste. Il s’agit de sortir les cadavres du placard tout en questionnant les rapports diffus entre identité et racines géographiques. Hélas, malgré sa part autobiographique, le récit manque cruellement d’intensité émotionnelle.
Eric Vernay
Et aussi
Befikre (Insouciant) de Aditya Chopra
Demain tout commence de Hugo Gélin
Kinoa de Jean-Loup Martin
Pourquoi nous détestent-ils ? d’Amelle Chabi
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Le Géant de fer de Brad Bird
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