Comment êtes-vous arrivé sur ce film qui devait marquer les débuts de Matt Damon derrière la caméra ?Matt devait en effet le mettre en scène, mais son planning étant beaucoup trop chargé, il allait être contraint d’abandonner le projet. Il m’a alors appelé à tout hasard il y a un an pour me proposer de le réaliser, et il se trouve que j’étais disponible. Comme jouer le rôle principal allait lui prendre beaucoup moins de temps que de diriger le film, il a finalement réussi à le caler dans son agenda.Promised Land vous ressemble énormément. Comment s’approprie-t-on le projet de quelqu’un d’autre ?Je n’ai pas particulièrement cherché à en faire « mon » fi lm, ça ne m’a pas traversé l’esprit en lisant le scénario. Je me vois plus comme un collaborateur, un compagnon de route.C’est le sujet de la fracturation (forage dangereux permettant d’extraire des gaz souterrains) qui vous a interpellé ?Non, pas spécialement. J’ai davantage été séduit par le dilemme moral de ce représentant travaillant pour une grande entreprise. Promised Land m’a rappelé ces films qu’on produisait dans les années 60 où les multinationales représentaient l’ennemi. Elles étaient dénoncées comme des entités redoutables, opaques, parfois mortelles, en réaction à l’assassinat de JFK, qui a déclenché une véritable paranoïa au sein de la société américaine.C’est un film « conscient » qui évoque parfois une version folk du Michael Clayton de Tony Gilroy...Il y a effectivement cette dimension, mais j’avoue que ce n’est pas ce qui me passionnait le plus. Je ne voulais surtout pas faire un exposé.Étant donné qu’à l’origine, Matt Damon était censé diriger Promised Land, n’a-t-il pas été un peu trop envahissant sur le plateau ?Non, jamais. Il n’avait pas encore bossé sur la mise en scène et le découpage du film quand j’ai repris la main, donc il n’avait aucune idée arrêtée sur la question. Ce n’est pas la première foisque je réalise un film dont je n’ai pas écrit le script. C’était déjà le cas pour Prête à tout ou À la rencontre de Forrester, et je me rends compte qu’on est souvent plus objectif avec son travail dans ces conditions-là. Ce n’est peut-être pas aussi excitant, mais c’est beaucoup plus reposant.Le lien entre tous vos films est que, à leur manière, ils traitent tous de votre pays. Il n’y a finalement pas de cinéaste plus américain que vous...J’y ai pensé et je dois admettre qu’une partie de moi tire une certaine fierté d’avoir aussi souvent tourné chez moi, dans l’Oregon. C’était aussi pour des raisons budgétaires au début, mais bon...Ben Affleck craignait, avant Argo, qu’on lui colle cette étiquette de « réalisateur local » vu qu’il tournait uniquement à Boston.Je vois en quoi ça a pu le déranger. Tout dépend de vos perspectives. Si j’avais voulu qu’on pense un jour à moi pour diriger Star Wars, je me serais certainement dit : « Tiens, je ferais peut-être mieux de pas tourner mon prochain film dans l’Oregon. »On vous a quand même proposé le quatrième Twilight...Oui, et j’avais envie de le faire. Mais Bill Condon m’a battu !Interview Mathieu CarratierPromised Land, de Gus Van Sant, avec Matt Damon, Rosemarie DeWitt, Frances McDormand, en salles le 17 avril :