Rencontre avec le jeune acteur italien, prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir à la dernière Mostra de Venise.
Dans La Main de Dieu, le magnifique autoportrait de Paolo Sorrentino, le débutant Filippo Scotti incarne Fabietto, un ado napolitain des années 80, dont la vie joyeuse va être frappée par une tragédie, avant d’être sauvée par Maradona, puis par le cinéma. Rencontré à Paris, celui qu’on surnomme déjà "le Timothée Chalamet italien" nous raconte comment il est l’alter-ego de cinéma du réalisateur de La Grande Bellezza.
Première : A quel moment avez-vous compris que La Main de Dieu était une autobiographie de Paolo Sorrentino ?
Filippo Scotti : Immédiatement, avant même de lire le scénario. Dès que j’ai reçu le premier e-mail à propos de la première audition. Il y avait une description du personnage, qui précisait qu’il avait une boucle d’oreille et des favoris. Naples, la boucle d’oreille, les favoris… Ça faisait déjà pas mal d’indices. Je me suis dit que c’était ça que Paolo Sorrentino devait avoir en tête : trouver quelqu’un pour l’incarner jeune. Le mail précisait que si on avait une boucle d’oreille, on pouvait la garder, alors que d’habitude, pour un casting, on nous demande plutôt de l’enlever.
Vous portiez donc déjà une boucle d’oreille ?
Oui. A la deuxième audition, celle où j’ai rencontré Paolo, il m’a demandé de soulever mes cheveux, il a vu la boucle. Et je crois que ça lui a plu.
Vous connaissiez bien son travail ?
Oui, j’avais vu tous ses films. Le premier, c’était Les Conséquences de l’amour. Ensuite, La Grande Bellezza. Puis L’Homme en plus, L’Ami de la famille, Youth, This Must Be The Place, Il Divo, Silvio et les autres… Dans cet ordre-là !
Comment êtes-vous parvenu à faire la distinction entre le personnage de Fabietto et Sorrentino lui-même ?
Au début, je ne la faisais pas vraiment. Puis j’ai voulu construire une distance entre le personnage et le réalisateur. Pour ne plus avoir à y penser. Je me suis concentré sur Fabietto, en l’envisageant comme un personnage à interpréter. L’inverse aurait été plus compliqué, il aurait fallu que je pose à Paolo des questions sur sa vie, et je ne voulais pas entrer dans cette logique-là.
Comment Paolo Sorrentino vous a-t-il préparé à la recréation de ce monde – celui de sa jeunesse ? Il vous a donné des films à voir, des livres à lire ?
J’ai passé un mois d’été à Naples, avec mes parents, en vacances. Je lui avais demandé de me donner des conseils, pour me préparer. Il m’a donné de la musique à écouter – Talking Heads et Cure, notamment. Et puis deux films : L’Homme qui aimait les femmes, de François Truffaut, et Les Sentiers de la perdition, de Sam Mendes, en me demandant plus spécifiquement, pour celui-ci, de prêter attention à la démarche de Jude Law, que j’ai ensuite essayé de reproduire.
Jude Law, son acteur de The Young Pope !
Et oui… Globalement, Paolo m’a donné peu d’informations, mais elles étaient toutes essentielles.
Vous êtes un jeune acteur, et vous vous retrouvez soudain très exposé grâce à ce film, vous avez obtenu un prix à la Mostra, vous voyagez, vous donnez des interviews… Quel effet ça vous fait ? C’est excitant ? Fatigant ?
C’est, hum… Fatigant. Et excitant. J’ai l’impression que ça me permet de mieux me connaître. De réfléchir. Je vais d’un hôtel à l’autre. Ça ne m’était jamais arrivé d’être aussi loin de chez moi pendant aussi longtemps. Je me sens souvent très seul. Et un peu mélancolique, aussi.
Comme un personnage de Sorrentino ?
Sans doute un peu, oui.
La Main de Dieu, de Paolo Sorrentino, disponible sur Netflix.
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