Canal + se lance avec Baron Noir (dès ce soir) dans la série politique, un genre déjà exploré depuis des lustres par les série anglo-saxonnes. Nous avons vu les 8 épisodes. (Review, sans spoilers)
Après les Hommes de l’Ombre sur France 2 et avant Marseille de Netflix, Canal + se lance dans la course à la (bonne) série politique made in France.
On ne comparera pas Baron Noir avec A la Maison Blanche ou House of Cards, mais la série d’Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon n’a pas trop à rougir de ses ainées. Il faut dire qu’Eric Benzekri fut longtemps, avant de devenir scénariste, une plume pour le PS et que le microcosme politique il connait. Et visiblement très bien.
Baron Noir - Kad Merad : "J’ai dit un jour cette connerie que je votais Bayrou"
Si la série n’est pas exempte de défaut, elle est pour le moment la meilleure série politique française et de loin. L’un de ses atouts majeurs est donc son authenticité : ici point de président capable d’aller pousser sur les rails du métro une journaliste fouineuse, comme pouvait le faire Frank Underwood. Baron Noir sent le vécu et cela fascine, épisode après épisode. On est certes plus dans la politique friction que dans la politique fiction, mais bien dans la politique. Les traits sont bien sûr grossis pour les besoins de la dramaturgie - parfois à la limite du vraisemblable et, si on croit encore un peu en la politique, la petite magouille politicienne décrite par la série (comment faire invalider une élection en 10 leçons) fait froid dans le dos.
Mais au-delà du "tous pourris" qu’il serait bien réducteur d’accoler à ses personnages, Baron Noir présente une galerie d’hommes et de femmes fascinants. Tous motivés par la foi en la doctrine socialiste (mais la série aurait pu également être portée par des personnages du groupe Les Républicains, car le sujet n’est pas là), ils sont sans cesse tiraillés entre leurs aspirations personnelles et celle du parti qu’ils représentent, empétrés dans leurs contradictions personnelles (ah, "la gauche caviar !").
A ce titre, le violent combat entre Philippe Rickwaert, baron du socialisme tombé en disgrâce et Francis Laugier (Niels Arestrup) qui l’a publiquement lâché afin de devenir président, arc de cette saison 1, est incroyable : fait d’amitiés, de répudiations et de trahisons. Les frontières entre le personnel et le politique sont poreuses. On se déteste, mais on a besoin l’un de l’autre… Jamais vraiment un tel sujet n’avait été évoqué avec autant d’acuité dans une série française tout du moins et surtout à hauteur d'Hommes. On métra bien évidemment un bémol à l’histoire d’amour un peu attendue entre le Baron devenu mouton noir (d’où le titre de la série) et le bras droit du nouveau président : Amélie Dorendeu interprétée par Anna Mouglalis. Un personnage malheureusement mal exploité par le scénario.
L’interprétation justement, si Kad Merad met un peu plus de temps à entrer dans son rôle, Niels Arestrup, lui, se pose en chef de parti et homme d’état, lion politique en une seule scène face aux journalistes de LCI. En revanche, l’ancien héros de Bienvenue chez les Ch'tis n’est jamais plus à l’aise que dans les scènes où son personnage est dans son fief du Nord, loin de Paris, proche des militants.
Peu à peu le duel entre les deux hommes devient de moins en moins frontal et on aura du mal à décréter qui est le véritable héros de Baron Noir. Une série politique française qui évite le manichéisme ? Ce n'est pas encore ça, mais ça y ressemble.
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