- Fluctuat
Voilà enfin la mini-sensation cannoise Old Boy, troisième film de Park Chan-Wook. Cette fois le cinéaste coréen raconte l'histoire d'un homme emprisonné pendant 15 ans par un mystérieux ravisseur. Une histoire de vengeance boursouflée, emphatique, qui nous plonge dans une totale indifférence.
Old Boy fait penser à Seul contre tous de Gaspar Noé. Il rappelle un cinéma bourré de prétention décalée ou expérimentale, n'étant en réalité qu'un sous produit sous influences pas toujours bien digérées. Un cinéma imperturbablement normatif se croyant toujours subversif. Avec Old Boy Park Chan Wook fait de l'image témoin de ses propres capacités, il accable la vision d'un procès mettant en demeure de toujours juger de ce que l'on voit. Old Boy répond constamment d'un dire et d'un montré avançant d'une démarche ostentatoire. Il se complaît dans la surenchère de ses moyens dont il a une conscience permanente. Qu'il soit sûr de ses effets aurait été moins gênant si seulement sa prétention avait été à la hauteur de sa forme, mais Old Boy n'est même pas bluffant ou vraiment virtuose. Il n'invente rien alors qu'il le prétend. Pas vraiment malhonnête, seulement une certaine impuissance.Old Boy est un objet froid, souvent tiède, stérile, et surtout parfois pénible de par son pompiérisme assommant. On aurait pu apprécier la naïveté de PCW. Mais la seule naïveté ici est celle du discours, une vision du monde à bas prix, teintée d'escroquerie de petits maquereaux (retournement de scénario facile faussement provoc). L'unique volonté d'Old Boy est de jouer avec un drame pseudo pervers pour faire de l'image choc, présomptueuse et racoleuse. Ce film est une enclume. Il cherche l'émotion et la provocation avec une lourdeur et une intelligence bovine.Old Boy aime faire de l'esbroufe. Ses obscures tentatives d'organisation d'un espace mental déviant qui singent l'enfermement avec peine ne font en réalité que suivre les parcours de schémas stéréotypés. Il dévie et vide sans cesse notre regard par ses prétentions plastiques ou narratives grossières. Old Boy est un objet trafiqué plus que filmé, construit plus que mis en scène. On y préfère la performance au jeu.Pourtant que de volonté d'exposition sensationnelle, sensorielle et complexe. Les images, les corps, le sens, le récit, rien ne reste à coté, dans l'ombre. Tout est savamment orchestré. C'est un travail d'orfèvre, pas l'oeuvre du premier venu. Mais tout ça n'est que poudre aux yeux ou immense gâchis, au choix. Old Boy est un film aimant jouer avec les sujets délicats, tabous et interdits, parce que c'est chic et choc et que quelques personnes peuvent encore se laisser berner. Tout ceci n'est que fatuité, fausse bizarrerie, subversion programmé, transgression sans risque. On en ressort comme l'on est rentré, sans heurts. Grossièrement manipulateur pour un film où l'être est grossièrement manipulé dans le but d'un discours grossièrement lourd de sens, tel est Old Boy. Old Boy ne cherche certes jamais à se justifier, il passe à l'action. A coup sûr Old Boy veut nous faire croire qu'il est très instinctif, qu'il aime ce pathos que les Coréens apprécient tant. Pour qui ? Pour quoi ? Peut-être qu'il n'y a pas de réponse. Qu'Old Boy nous montre un cinéma de demain (ou d'aujourd'hui, après tout) où on ne se soucie plus de prudence envers l'autre, de ce que l'on montre. Il faut que nous ayons à voir, que les plans soient cadrés décadrés moins parce qu'il s'agit de faire exister un espace ou un corps que de formaliser une idée qui puisse se distinguer du tout à l'avenant. Mais Old Boy se distingue-t-il vraiment ? N'est-il pas déjà la somme de ce qui l'a précédé ? Peut-être qu'il n'y a tout simplement pas de réponse. Qu'il est juste une synthèse, entre manga et cinéma, vidéo clip et télévision. Juste un machin, un bidule utile à déranger les plus naïfs. Tout ce qu'Old Boy provoque, c'est de l'indifférence. Ses images, sa lumière, ses scènes, son action, son récit alambiqué, tout est trop, à la fois roublard et désespérément vide.Old Boy n'est qu'un machin parfaitement manufacturé, un truc techniquement en état de fonctionner et pourtant incapable de réactualiser le souvenir d'un vrai cinéma brutal et sans concession, d'un cinéma violent et vraiment bouleversant comme seul un génie tel que Peckinpah savait le faire. Lui, le véritable cinéaste de la violence et de l'ambiguïté, n'a jamais eu besoin d'agiter sa caméra avec crânerie. Old Boy n'est qu'un résidu dégénéré et lisse du cinéma de Peckinpah, qui appréhendait vraiment l'âme humaine. PCW quant à lui ne connaît que les objets, à peine leur système. Son film se regarde mollement, ou au mieux avec une excitation un peu idiote, un peu forcé. Certains l'admirent déjà. Pourquoi pas? Mais ce culte semble bien trop instauré de fait, comme ultime bouée de sauvetage d'un véritable cinéma transgressif, pour être véritablement honnête. A coup sûr, Old Boy est une imposture. On veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes.Old Boy
Réalisé par Park Chan-Wook
Corée du Sud, 2003, 119 mn
Interdit aux moins de 16 ans
Avec Choi Min-shik, Yoo Ji-tae, Kang Hye-Jeong, Yoon Jin-Seo, Kim Byeong-Ok...
Sortie nationale le 29 septembre 2004[illustration : © Bac Distribution]
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