Première
par Christophe Narbonne
Depuis ses débuts fracassants avec Les Héros et, surtout, Festen, Thomas Vinterberg s’amuse à faire craquer les vices enfouis sous une couche plus ou moins épaisse de vernis social. Dans son nouveau film, dont le titre ne fait pas mystère de son sujet, il raconte ainsi comment quatre profs de lycée décident de mettre en pratique la théorie d’un psychologue norvégien selon laquelle il faudrait vivre quotidiennement avec 0,5 g d’alcool dans le sang pour se sentir en pleine possession de ses moyens, désinhibé, entreprenant, créatif, etc. Ça marche au début, avant une débâcle annoncée… Vinterberg n’est pas réputé pour sa finesse. Il suit un programme écrit par avance dont il pousse les curseurs de l’excès au maximum. Martin (Mads Mikkelsen) est décrit d’emblée comme dépressif, incompris de sa femme et de ses enfants, chahuté par ses élèves. La prise grandissante d’alcool ouvrira chez lui des failles béantes qui ne demandaient qu’à l’engloutir. Il finira par se cogner contre les murs et être ramassé par son fils aîné dans la rue, au bord du coma éthylique. Vinterberg est cependant roublard : Drunk n’est pas un clip édifiant de la Sécurité routière ; le réalisateur danois condamne et loue les vertus de l’alcool dans un même élan transgressif, renforcé par une mise en scène euphorisante qui met les jeunes et les vieux dans le même panier. S’ouvrant sur un jeu étudiant idiot et se fermant sur les célébrations arrosées du baccalauréat, Drunk montre en effet une société danoise historiquement imbibée, constat dont le cinéaste semble ironiquement se féliciter.