Arnaud Desplechin capture l'esprit adolescent dans toute sa beauté romanesque dimanche soir sur France 2.
Trois Souvenir de ma jeunesse d'Arnaud Desplechin, récits des amours adolescentes de son alter ego Paul Dédalus, est projeté pour la première fois en clair sur France 2. Programmé en deuxième partie de soirée, ce drame sensible et poétique revient au Roubaix si cher à Desplechin pour y conter l'histoire de deux lycéens épris l'un de l'autre, Paul et Esther. De façon subtile et toujours théâtrale, le metteur en scène de Conte de Noël filme la cristallisation amoureuse autour des deux adolescents et livre une savoureuse œuvre proustienne à découvrir dimanche à 22h35.
Gaël Golhen écrivait pour Première à la sortie du film :
Après avoir joué au cinéaste américain, Desplechin revient à Roubaix, à la famille, au mythe. A Paul Dédalus. Envisagé comme un prequel de Comment je me suis disputé, le film raconte trois moments fondateurs de la vie de son Antoine Doisnel sous l’angle mythologique. Le film s’ouvre sur Dedalus qui s’arrache aux bras d’une Circé ukrainienne pour rentrer en France après dix ans d’exil. De là, dans une structure qui combine passé et présent – et donne au film ses affèteries littéraires et métaphysiques – il revient sur trois épisodes de sa jeunesse : le "meurtre" de la mère (Atrides style), une aventure d’espionnage (le cheval de Troie) et l’amour pour sa Pénélope à lui, Esther. La figure qui hante TOUTE sa filmographie, c’est bien Ulysse, héros d’une épopée de l’absence, de la perte et d’un retour qui ne cesse d’être repoussé. On ne saura jamais avec certitude qui est ce Dedalus jeune (interprété par Quentin Dolmaire). Est-il un souvenir du Amalric des séquences du film au présent, ou de celui de Ma vie sexuelle ? Une création singulière et autonome ? Comme Ulysse chez le Cyclope, ce que dit Desplechin, c’est que son alter ego est "Personne" ; et qu’il doit entendre sa propre histoire de la bouche d’un autre pour reconquérir son identité, comme le cinéaste doit emprunter les genres (l’espionnage, le roman épistolaire, le film d’horreur) pour créer son film. C’est ce doute existentiel, cette idée moderne de la reconquête qui, dans un geste d’amour-haine, lui fait réécrire l’histoire de sa famille et de la civilisation. Comme Yeats - par ailleurs cité dans le film - Desplechin pourrait dire : "nous qui sommes aussi des hommes modernes, rejetons tout art populaire qui ne remonte pas à l'Olympe".
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