Après avoir joué au cinéaste américain, Desplechin revient à, Roubaix, à la famille, au mythe. À Paul Dédalus. Envisagé comme un prequel de "Comment je me suis disputé...", le film raconte trois moments fondateurs de la vie de son Antoine Doinel sous l’angle mythologique. Le film s’ouvre sur Dédalus qui s’arrache des bras d’une Circé ukrainienne pour rentrer en France après dix ans d’exil. De là, dans une structure qui combine passé et présent – et donne au film ses afféteries littéraires et métaphysiques –, il revient sur trois épisodes de sa jeunesse : le "meurtre" de la mère (Atrides style), une aventure d’espionnage (le cheval de Troie) et l’amour pour Esther, sa Pénélope à lui. La figure qui hante TOUTE sa filmographie, c’est Ulysse, héros d’une épopée de l’absence, de la perte et d’un retour sans cesse repoussé. On ne saura jamais avec certitude qui est ce Dédalus jeune. Est-il un souvenir du Amalric des séquences du film au présent, ou de celui de ... "Ma vie sexuelle" ? Une création singulière et autonome ? Comme Ulysse chez le Cyclope, ce que dit Desplechin, c’est que son alter ego est "Personne" ; et qu’il doit entendre sa propre histoire de la bouche d’un autre pour reconquérir son identité, comme le cinéaste doit emprunter à des genres (espionnage, roman épistolaire, film d’horreur) pour créer son film. C’est ce doute existentiel, cette idée moderne de la reconquête qui, dans un geste d’amour-haine, lui fait réécrire l’histoire de sa famille et de la civilisation. Comme Yeats, cité dans le film, Desplechin pourrait dire : "Nous qui sommes aussi des hommes modernes, rejetons tout art populaire qui ne remonte pas à l’Olympe."