Le réalisateur néo-zélandais a signé quelques pépites avant d’être repéré par Marvel.
A 42 ans, Taika Waititi sort son premier blockbuster, Thor : Ragnarok (dans les salles françaises depuis le 25 octobre et aux Etats-Unis ce week-end). Un drôle de choix de la part de Kevin Feige, le patron de Marvel, tant les premières réalisations de cet artiste néo-zélandais sont aux antipodes de la grosse machine hollywoodienne. Pourtant, comme James Gunn sur Les Gardiens de la Galaxie, Taika parvient à apporter son style et son humour particulier à cet épisode, de loin le plus drôle de la trilogie.
L’occasion pour le grand public de découvrir un artiste original, qui a multiplié les pépites depuis 2002.
Thor Ragnarok : du fun avant tout (critique)
Ses seconds rôles, peintures et courts métrages
“Je suis devenu réalisateur par erreur, pas comme J.J. Abrams ou Spielberg, nous expliquait récemment Taika. Je ne faisais pas de films avec une caméra Super 8 quand j'étais gamin. J'ai commencé à 28 ou 29 ans, je me suis forcé à aimer ça, c'était comme un mariage arrangé. Maintenant j'adore ça. Mais à chaque fois je me dis que ça pourrait être mon dernier film. Je m'en fiche de ma carrière, parce que si ça se termine j'irai faire autre chose. De la peinture ou je ne sais quoi. (…) J'étais acteur mais j'ai fait des études en arts plastiques, surtout la peinture. J'ai essayé la photo et autant de choses que possible. J'ai trouvé que le cinéma combinait tout ce que j'aimais. Je pouvais être un touche-à-tout dans cette belle industrie."
Lire son interview croisée avec Jeff Goldblum ici
Taika a en effet commencé par des seconds rôles dans des séries en Australie et Nouvelle-Zélande, avant de réaliser des courts métrages. Dès son deuxième film, il est nommé aux Oscars : Two Cars, One Night est repéré en 2005, mais perd face à Wasp, d’Andrea Arnold. Son concept ? "Parfois, le premier amour jaillit dans les endroits les plus inattendus". Précisément sur le parking d'un bar, où trois gamins se chamaillent en attendant leurs parents. En une dizaine de minutes, le réalisateur développe tout ce qui fera par la suite sa marque de fabrique : un ton doux-amer, un humour enfantin (ce qui ne veut pas forcément dire gentil), une réflexion sur la famille (souvent dysfonctionnelle) et il met en avant son peuple, les Maoris, si peu représentés au cinéma.
La même année, Taika tourne What We Do in the Shadows: Interviews with Some Vampires, avec Jemaine Clement, son complice de So You're A Man et Flight of the Conchords (voir ses séries plus bas). Ce court d'une demi-heure leur fera traverser les frontières. Ce faux docu où des vampires parlent de leur vie de tous les jours comme s'ils participaient à un reportage classique connaît un joli succès lors de festivals et sur le web, si bien qu’il déclinera son concept en long en 2014 avec Vampires en toute intimité.
Ses films
Boy Vs Shark (traduit A chacun sa chacune, 2007, son premier long avec Jemaine, est une romcom douce-amère dont l'ambiance visuelle rappelle les trouvailles des films de Wes Anderson. Le film n'est jamais sorti en France, ni en salles ni en DVD. Pour nous, la découverte de Taika date de 2010 avec la projection de Boy, son deuxième long-métrage, lors du Festival des Antipodes à Saint-Tropez consacré aux films océaniens. Boy ne sortira qu'en décembre 2012 en France, de façon ultraconfidentielle (sur 14 copies, pour un total de 2 810 entrées) et raconte de façon romancée l'enfance de Waititi dans la Nouvelle-Zélande des années 80 avec un père fantasque et alcoolo fan de de Michael Jackson (il a appelé un des enfants "Michael Jackson") et de la série Shogun. C'est brillant, frais, hilarant, avec un sens impressionnant du timing comique, et toujours des gimmicks visuels à la Anderson. Sept ans plus tard, on se dit que Boy est arrivé un poil trop tôt et a loupé la grosse vague du revival 80s (le film s'ouvre sur une citation d'E.T. L'Extra-terrestre).
Les fans de Flight of the Conchords enragent mais le cas Waititi ne sera réouvert au cinéma qu'en 2014 avec la sortie de Vampires en toute intimité, proposé seulement en DTV un an plus tard en France, mais aidé par une VF d'excellente qualité pilotée par Nicolas et Bruno (Message à caractère informatif), qui ont fait appel à des dizaines de guests : Alexander Astier, Fred Testot, Bruno Salomone... Une VF qui a été largement mise en avant pour vendre le film, plus que le film lui-même, en fait. Bonne nouvelle pour les abonnés Netflix, Vampires… est actuellement disponible sur la plateforme.
L’année dernière, alors qu’il était déjà rattaché à Thor Ragnarok, Taika a sorti une nouvelle comédie familiale/décalée/tristoune : Hunt for the Wilderpeople. Condensé de toutes ses obsessions, elle suit un jeune Maori rebelle (la révélation Julian Dennison) fuyant la dure réalité en se cachant dans le bush avec son oncle adoptif (Sam Neill, excellent en chasseur bourru). Les recettes combinées de Boy et Hunt… cumulent seulement 5,5 millions de dollars aux Etats-Unis. Chez nous, ce dernier n’est même disponible en DVD et Blu-ray qu’en édition anglophone. Dommage, car les deux films valent le détour.
Entre deux tournages de longs métrages, Taika Waititi aura tout de même réussi à percer aux Etats-Unis… sur le petit écran. Bon, ok, un peu aussi sur le grand : il apparaît dans le blockbuster Green Lantern, en 2011, dans la peau du meilleur ami du héros joué par Ryan Reynolds, mais de son propre aveu, cette première expérience sur un superfilm de cette ampleur ne lui a pas laissé un très bon souvenir. Il en a tout de même tiré des leçons pour Thor 3.
Taika Waititi : Comment sa mauvaise expérience sur Green Lantern l’a aidé pour Thor 3
Ses séries
Voici donc les deux séries qui ont permis à Taika Waititi de se faire connaître aux USA : Flight of the Conchords et The Inbetweeners. La première, diffusée sur HBO de 2007 à 2009 (et en ce moment sur OCS), suit les déboires du groupe composé de Jemaine Clement et Bret McKenzie. Le duo débarque à New York pour tenter de percer dans la musique, mais rien ne va se passer comme prévu. Le show est tourné comme un documentaire. Un peu comme What We Do In The Shadows, mais avec plus de musique et moins de vampires. Et c’est tout aussi drôle et décalé :
En 2012, Taika a été engagé par MTV pour travailler sur la version américaine de The Inbetweeners (Les Boloss), un show grinçant sur un groupe d’ados qui a cartonné en Angleterre entre 2008 et 2010. La version américaine n’a duré qu’une saison, mais le fait qu’elle ait été en partie confiée à ce réalisateur montre qu’il avait commencé à être repéré par Hollywood.
Et ensuite ?
Le carton annoncé de Ragnarok met Waititi en bonne position au pays des blockbusters : il a déjà collaboré pour Disney au script de Vaiana : La Légende du bout du monde (où Jemaine Clement faisait la voix de Tamatoa le crabe géant), et Warner parle de lui pour mettre en scène le remake live action du film d'animation Akira, qui est dans le "development hell" depuis dix ans. Mais Taika est aussi en train de retrouver Jemaine pour développer l'univers de Vampires en toute intimité dans une suite et un spin-off télé We're Wolves consacré aux loups-garous.
Le faux documentaire délirant Vampires en toute intimité décliné en série télé
Extrait de Thor Ragnarok :
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