Le meilleur acteur de Captives est un ancien super-héros. Dans le thriller glacé et glaçant d'Atom Egoyan, en compèt pour la Palme à Cannes 2014, Ryan Reynolds joue le père d'une fillette kidnappée, un peu par sa faute. N'ayons pas peur de dire que l'ex-Green Lantern est génial dans le rôle de Matthew. D'apparence, déjà, avec sa barbe, sa canadienne, ses gants de travail, son thermos, son pick up et sa démarche un peu pesante qui évoque l'ancien sportif. Brisé par la perte de sa fille, on découvre que Matthew a été père jeune, qu'il a été arrêté après une bagarre dans un bar "à propos de sa femme", qu'il bosse comme paysagiste à moitié raté, qui est passé par la faillite, et que sa femme fait le ménage dans un hôtel en face des chutes du Niagara. En quelques mots, quelques attitudes, son personnage existe en vrai, en chair et en os (et en barbe). On sent à travers lui l'ancien prom king, l'ex-beau gosse du lycée, le genre quaterback qui emballe les plus belles filles mais qui n'a pas su résister au passage au réel. Le voilà prolo, vivotant dans sa banlieue de l'Ontario enneigé dans un mariage planplan, le genre de mec qu'on croise au super-marché en train d'acheter un pack de bières. Tout ça ? Et oui. Une histoire ordinaire, un homme ordinaire, et Dieu sait que c'est très dur à jouer, l'ordinaire, le normal, l'anonyme, la majorité. Du super-héros au working class hero.Un rôle qui aussi -poussons un peu l'analyse- résume vachement bien la carrière de Reynolds. Canadien formé au sitcom, il fait ses premiers pas au ciné US dans la comédie bof bof American Party - Van Wilder relations publiques (un sous-American Pie 2). Hollywood, toujours en quête de nouvelles gueules héroïques, a misé sur ses pectoraux. Raté. Il ne connaît qu'un seul franc succès : la romcom La Proposition avec Sandra Bullock. Sinon, que ce soit dans l'affreux nanar Blade Trinity (où sa meilleure scène consiste à menacer un vampire de péter après avoir mangé de l'ail), dans le tout aussi nul X-Men Origins : Wolverine (il enterre le rôle de Deadpool pour de bon). C'est surtout Green Lantern qui sonne le glas de Ryan : flop artistique et commercial, accident industriel en ces temps où le film de super-héros devrait être un aboutissement pour un comédien. Pour ressusciter, Reynolds s'est tourné vers le cinéma indé (enterré vivant dans le malin et fauché Buried, où il passe tout le film dans un cercueil et tente de sauver sa peau, ou dans la comédie Apatow-like Adventureland). Côté gros muscles, le succès de l'efficace actioner Sécurité rapprochée (qui doit surtout à Denzel Washington) a vite été étouffé par le gros flop de R.I.P.D. - Brigade fantôme. Reynolds n'est pas un poster boy, quoi qu'en pense son agent. Avec le rôle de Matthew dans Captives, Reynolds accomplit un twist de carrière (que par exemple Josh Hartnett a été incapable de le faire) qui pourra se révéler crucial dans l'avenir. Pensons par exemple à Ben Affleck : échaudé par une série de flops, l'ancien Daredevil, est devenu réalisateur indé barbu et oscarisé, et jouera l'homme brisé par un kidnapping dans le futur Gone Girl de Fincher avant d'endosser la cape de Batman. L'avenir le dira : on le retrouvera dans la comédie noire minimaliste The Voices de Marjane Satrapi, et dans l'ambitieux film de SF Selfless de Tarsem Singh. Un avenir à deux voies, d'un côté l'indé et de l'autre le blockbuster. En tous cas, même s'il n'a pas le prix d'interprétation lors du palmarès, Ryan est sauvé. Pour l'instant.Bande-annonce de Captives, en compétition officielle pour la Palme d'or au Festival de Cannes, et qui sortira en France le 1er octobre prochain :La conférence de presse de Captives :
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Ryan Reynolds, sauvé à Cannes grâce à Atom Egoyan
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