Natalie Portman et Lily-Rose Depp s’égarent dans un labyrinthe chic mais sans issue.
Le titre annonce une œuvre immense. Un film-monde. Après deux longs prometteurs (Belle Epine et Grand Central), Rebecca Zlotowski muscle clairement son jeu avec ce Planetarium au casting glamourissime (Natalie Portman et Lily-Rose Depp) et au pitch ultra-ambitieux. Soit la rencontre, dans le Paris des années 30, entre deux jeunes mediums américaines et un producteur de cinéma déterminé à faire d’elles des stars, en capturant sur pellicule les fantômes qu’elles convoquent lors de leurs séances de spiritisme. Derrière l’argument romanesque se mêlent en vrac : une ode au cinéma et à sa capacité magique de ralentir la course du temps, un parallèle entre la France de l’entre-deux-guerres et celle des années 2010 (conspirationnisme, crise économique, extrémismes déchaînés…), une réflexion sur la façon dont les mutations technologiques refaçonnent inlassablement l’imaginaire, le tout enrobé dans une œuvre méta sur ses interprètes, de Natalie Portman en majesté (son star-power irradiant, son rapport tourmenté à Paris et à la France, son inquiétude politique face à la flambée actuelle de l’antisémitisme…) au "revenant" Emmanuel Salinger, peu vu depuis La Sentinelle en 1992, ici convoqué comme garant d’un axe Nouvelle Vague, qui irait de Truffaut à Desplechin en passant par Assayas. Beaucoup pour un seul film ? Sans doute, oui.
Truffaldien
Planetarium brasse donc beaucoup de choses, mais son agrégat presque délirant d’enjeux et de thématiques ne lui donne pas un aspect compact, consistant, mais au contraire particulièrement filandreux et irrésolu. Zlotowski est incontestablement plus douée que la moyenne quand il s’agit de poser une atmosphère, de créer des fétiches instantanés (sublime gros plan noir et blanc de Portman en train de devenir une star de cinéma), mais le problème, c’est que beaucoup de pistes narratives ici sont ébauchés, esquissées, avant d’être laissées à l’abandon (le personnage de Lily-Rose Depp existe à peine). La trajectoire du personnage de Salinger (inspiré du producteur Bernard Natan, propriétaire de Pathé Cinéma, victime d’une campagne antisémite, et que le gouvernement français livra à l’occupant nazi en 1942) mériterait presque un film à elle seule. Du coup, à force de ne jamais choisir, d’hésiter entre l’héritage naturaliste et la stylisation postmoderne, les jolies questions truffaldiennes que posent Zlotowski (Le cinéma est-il l’art des morts ? Voit-on mieux quand on ferme les yeux ?) résonnent moins comme des hypothèses poétiques que comme des sujets de dissertation. Sa démonstration est parfois brillante mais n’atteint jamais l’ivresse cosmique promise. Ceci dit, c’est peut-être logique qu’une réflexion sur les fantômes au cinéma ressemble surtout à un spectre de film.
Frédéric Foubert
Bande-annonce de Planetarium de Rebecca Zlotowski
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