En aspirant réalisateur, il crève l’écran à l’occasion de son premier grand rôle au cinéma dans Making of. Retour avec lui sur son parcours déjà riche en belles rencontres.
Un petit retour en arrière pour commencer. La première fois qu’on vous voit au cinéma, c’est en 2018 dans La Prière déjà sous la direction de Cédric Kahn…
Stefan Crepon : Ca a même été mon premier casting ! J’avais 19 ans, je prenais des cours de théâtre et j'avais envie de faire ce métier mais de manière plus concrète, plus professionnelle. Mais tous les agents que j’allais voir me claquaient la porte au nez. Donc j’ai fini par m’inscrire sur un site de casting payant. Un abonnement d’un an pour voir ce que ça donnait. Et une semaine après, je vois passer une offre « cherche jeunes hommes entre 18 et 25 ans potentiellement avec des origines étrangères ». La moitié de ma famille étant moldave, je réponds à l’annonce et je suis convoqué. Et je comprends que c’est Cédric qui va diriger le projet, quand j’arrive au rendez- vous. Je connaissais déjà ses films. J'avais vu Roberto Succo, Une vie meilleure, Feux rouges… qui m'avaient vraiment marqué. Je vais donc être engagé pour un petit rôle mais c’est là pour moi que tout commence. Car c'est sur ce tournage justement que j'ai eu un agent grâce à Damien Chapelle qui m’a pris sous son aile et présenté le sien. Et c’est grâce à cet agent que j’ai décroché Le Bureau des légendes
Cette envie de devenir acteur est née des films que vous voyiez plus jeune ?
Non, c'est vraiment venu par le jeu en lui- même. J'ai commencé à prendre des cours de théâtre quand j'avais douze ans, grâce à un professeur de français au collège. J'étais un élève très turbulent et, un jour, il convoque mes parents pour me remonter les bretelles tout en leur glissant que quand je lis un texte ou quand je prends la parole, je le fais bien. Il les encourage donc à ma faire faire du théâtre pour me canaliser… Or moi, je n’en avais aucune envie de faire ça, je voyais le théâtre comme un truc chiant et rasoir. Mais le mercredi après midi, quand tout le monde allait faire du foot ou du tennis, on ne m’a pas laissé le choix. Et là, ça a été la découverte ultime. Car tout ce qu'on me disait de ne pas faire et de calmer, sur scène, on me poussait à le faire puissance libre ! Je ne me suis jamais senti aussi libre et vivant. Et tout cela va être encore dopé un ou deux ans tard, à 14 ans, quand ma mère m’emmène voir deux pièces à la Comédie-Française, Pedro et le Commandeur et Cyrano de Bergerac mis en scène par Denis Podalydès. C’est à ce moment- là que j’ai compris qu’acteur pouvait être un métier. Ce fut la deuxième révélation pour moi. Je voulais gagner ma vie comme eux. Et j’ai fait le Conservatoire dans ce but- là.
Vous l’évoquiez plus tôt, à votre sortie du Conservatoire, vous allez intégrer la bande du Bureau des légendes pour la quatrième saison de la série. Comment avez- vous vécu de monter ainsi en marche ?
Ca a été mon premier gros rôle et ma première prise de responsabilité. Je l’ai décroché par des essais et mon agent m’avait appelé pour me dire : « je ne veux pas te mettre la pression mais s’il y a un casting que tu ne dois pas rater cette année c'est celui là ! » (rires) Ca devait être la troisième audition que je passais de ma vie et il avait compris que j’avais besoin d’être stimulé. J’ai donc décroché le rôle mais je suis arrivé très impressionné sur le plateau car comme on était dans la saison 4, tout le monde se connaissait. Dans cette famille très soudée, j’étais un peu l’oiseau tombé des nues, en panique totale. Le seul autre petit nouveau, c’était Mathieu Amalric ! Mais quand je l’ai croisé, juste avant le tournage, il m’a tout de suite rassuré en m’assurant que lui aussi était stressé et que le jour où je ne le serai plus, je ne ferai que de la merde. C'est un conseil que j'ai gardé ! (rires) Plus largement, toute l’équipe a senti que j’étais en panique et ils m’ont formidablement entouré. Et puis j’ai rencontré avec Eric (Rochant) un des esprits les plus brillants que je connaisse. Je pense qu'il a quatre cerveaux à l’intérieur de sa tête. Qu’on parle de géologie en Iran, de la situation en Centrafrique ou de la cybersécurité en Russie, il connaît tout par cœur et avait toujours des tonnes de documentation à me donner.
Dans la foulée, vous allez vous retrouver dirigé par François Ozon dans Peter von Kant. Qu’est- ce qui vous a le plus séduit dans votre collaboration ?
Comme Cédric Kahn, c’est quelqu’un qui aime les acteurs et sait les filmer. Mais tourner sous sa direction est très particulier car il vous met dans un état de perdition, presque de vertige absolu, sans pour autant qu’on ne perde jamais vraiment pied. On a tourné Peter von Kant pendant la période du couvre- feu. Ce fut donc notre cour de récré pendant 18 jours. Ce qui est très agréable avec François est qu’il cadre tout lui- même. Il y a donc une efficacité de tournage, une rapidité que je n’ai vue nulle part ailleurs. Ce qui crée ce côté tourbillonant et vertigineux dont je parlais. Mais, en même temps, il est précis sur ce qu'il veut donc on peut complètement lâcher prise. Au final, ce qui m’a le plus marqué c'est qu'il vous parle pendant les prises. Je ne sais pas comment il fait au montage et au mixage ! (rires) Ses ingénieurs du son doivent s’arracher les cheveux !
Making of marque tout à la fois vos retrouvailles avec Cédric Kahn et votre premier grand rôle au cinéma. Cette fois- ci, il vous l’a proposé directement ?
Oui. Ce qui est très courageux de sa part par rapport à toutes les questions de financement que raconte d’ailleurs le film. Et quand j’ai lu son scénario, j’ai été hyper touché car j'ai l'impression que c'est le premier film où Cédric donne une dimension à ce point autobiographique à ses personnages. Qu’on le retrouve à la fois dans le réalisateur dépassé par les événements sur le tournage de son filmm que joue Denis Podalydès et dans mon personnage de figurant qu’il va prendre sous son aile en lui confiant le tournage du making of de cette aventure… qui à l’âge qu’il avait quand il a été l'assistant de Pialat. C'est la première fois que Cédric se met vraiment à nu comme ça dans un film et j'ai été fier de devoir le représenter, avec ce lien particulier qu’on a tous les deux. Et quelle chance de pouvoir retravailler avec lui. Car Cédric est très à l'écoute, pas du tout figé sur son texte. Et comme je tournais pour la deuxième fois avec lui, j’avais une confiance absolue en lui. Ce qui était très jouissif puisque je pouvais me perdre complètement.
Cédric Kahn prend ici l’angle de la lutte des classes pour raconter un tournage. Ca vous a tout de suite parlé ?
Oui car ça raconte précisément ce qu’est un tournage en rappelant qu’au nom de l’art on fait parfois des concessions sociales qu'on ne devrait pas faire
MAKING OF : UNE SAVOUREUSE COMEDIE POLITIQUE [CRITIQUE]
Vous avez confié à Denis Podalydès à quel point son Cyrano de Bergerac avait été déterminant pour vous ?
Pas tout de suite mais au bout d'un mois, un mois et demi, je crois. Quel bonheur de jouer avec lui ! C’est une Rolls Royce. Il est impressionnant car on a la sensation qu’il ne fait jamais d'effort, que tout est évident. C'est fluide, tellement simple. Avec cette capacité de donner toujours une dimension peu inattendue à chaque scène.
Vous avez regardé des films pour préparer votre rôle ?
J’avais revu La Nuit américaine par plaisir personnel. Mais celui qui m’a le plus aidé c’est Ca tourne à Manhattan pour son récit de l’aspect trivial d'un tournage, des galères, des mains dans le cambouis.
Et où vous retrouvera t’on dans les mois qui viennent ?
Dans A la hauteur, l’adaptation du roman de Laurent Petitmangin, Ce qu’il faut de nuit, par Delphine et Muriel Coulin (17 filles). Une chronique familiale autour d'un père cheminot lorrain et de ses deux fils après le décès de leur mère. Benjamin Voisin joue mon frère et Vincent Lindon, mon père.
Making of. De Cédric Kahn. Avec Denis Podalydès, Jonathan Cohen, Stefan Crepon… Durée : 1h54. Sorti le 10 janvier 204
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