Robert Redford All is Lost
Universal

Robert Redford, magnifique dans la tempête d'All is lost

Robert Redford tout seul dans un bateau qui coule au beau milieu de l'océan pendant 1h45, sans dialogues, face à une tempête : il serait tentant de ne voir dans All is lost que le portrait de Redford, survivant du Nouvel Hollywood résistant tant bien que mal contre vents et marées. D'autant que tout commence par un container à la dérive rempli de chaussures d'enfants qui percute le bateau de Redford (l'industrie qui frappe l'artiste). J.C. Chandor choisit réellement de donner dans l'épure, après son premier long déjà taiseux Margin Call (la crise économique vue dans des bureaux de traders vides). Il n'y a vraiment qu'un seul personnage à l'écran, certes faussement anonyme -au générique, son personnage est crédité du nom de "Our Man"- mais jamais ce principe n'est rompu. Pas de flash-backs pour présenter le personnage, pas d'objets personnels comme une photo de famille ou une alliance, juste quelques mots purement fonctionnels prononcés par Redford -une dizaine, tout au plus.

Master and commander
En plaçant son héros en pleine tempête, Chandor ne fait pas que convoquer les références obligées de l'aventure maritime, Joseph Conrad en tête (la tranquillité de la nature vue comme celle d'une force implacable). Le réalisateur fait évoluer lentement l'action sans jamais utiliser d'effets grossiers, décrivant inlassablement à l'aide d'un découpage clair des allers-retours entre la cambuse et le pont, Redford rebouche un trou dans la coque, il grimpe au mat puis il redescend, il sort des cordages, fait des noeuds, fait la cuisine. Mais jamais cette dramaturgie au ralenti n'étouffe l'action, au contraire. Le spectateur s'identifie corps et âme au personnage ("notre homme" : sous-entendu, le personnage qui nous appartient), essaie d'anticiper ses actions, interroge le moindre de ses choix (doit-il s'endormir ? prendre un verre ?). Peu à peu, tout se perd, le bateau s'effrite et le personnage est réduit à presque rien au milieu du vide. Et Redford, capitaine ad hoc de cette odyssée de papi, montre à 77 ans une forme olympique à l'écran. A plusieurs moments poignants, lorsque tout semble perdu, que Redford s'écroule ou se prend la tête dans les mains, soudain il se relève, refusant de s'avouer vaincu jusqu'au dénouement éthéré, et All is lost prend tout son sens. Celui d'un survival où l'individu se révèle dans l'adversité et finit par trouver une forme d'accomplissement dans la défaite.

Sylvestre Picard

All is lost est présenté hors compétition au Festival de Cannes 2013 et n'a pas encore de date de sortie française.


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