Un elephant ca trompe enormement
Gaumont

Le dandy moustachu partage l’écran avec Claude Brasseur dans Un éléphant ça trompe énormément ce lundi soir sur Arte.

En 1976, Jean Rochefort s’associe à de bons amis : Claude Brasseur, Guy Bedos et Victor Lanoux dans la comédie culte Un Éléphant ça trompe énormément. La fine équipe joue une bande de quadragénaires issue de la petite bourgeoisie, faisant tous face à des déboires dans leur vie personnelle. Face à eux, un quatuor féminin mené par Danièle Delorme, Anny Duperey, Marthe Villalonga. Claude Brasseur interprète un personnage homosexuel loin des préjugés et des caricatures, pour lequel il remporte le César du meilleur acteur dans un second rôle, et Jean Rochefort joue Etienne, un homme guindé tiraillé entre sa vie de famille insipide et son coup de foudre pour Charlotte, une belle jeune femme entraperçue dans un parking.

Réalisé par Yves Robert (La Guerre des boutons) et co-écrit avec Jean-Loup Dabadie, Un Éléphant ça trompe énormément a connu un si grand succès qu’une suite arrive à l’écran un an plus tard : Nous irons tous au Paradis.

Le premier volet est à voir sur Arte ce soir à partir de 20h55. Et à cette occasion, rendons hommage à l’un des acteurs français emblématique de toute une génération.


 

Hommage à Jean Rochefort publié après sa mort, le 9 octotre 2017 : Qui n’aimait pas Jean Rochefort ? Faites le test, regardez les mines attristées autour de vous : tout le monde reçoit l’annonce du décès de l’acteur comme un coup de massue. Presque un choc personnel. Il faisait partie du quotidien d’au moins trois générations de Français : ceux qui faisaient un triomphe aux comédies d’Yves Robert dans les années 70 ; ceux qui ont été bercés par sa voix chaude et rassurante quand il “hostait” le Disney Channel période Winnie l’Ourson ; ceux qui ne l’avaient découvert que récemment grâce à la pastille “le boloss des belles lettres”… Jean Rochefort faisait le lien entre la génération du Conservatoire (les copains Belmondo, Marielle, Noiret…) et celle des Chabat-Baer-Canet, qui en avaient fait une sorte de figure tutélaire, de tonton loufoque, de parrain excentrique. Il unissait De Broca et Terry Gilliam (leur Don Quichotte inachevé), Angélique, marquise des anges et RRRrrr !!!

Jean Rochefort : “J’ai toujours été dévoré par le doute”

Quel film retenir au moment de l’hommage, parmi les 160 titres listés par IMDb ? Chacun a son préféré, son Rochefort chouchou. Les silhouettes impeccablement dessinées de faire-valoir philosophes ou de méchants diaboliques, dans Cartouche, Les Tribulations d’un Chinois en Chine ou Le Grand Blond avec une chaussure noire. Les grands rôles seventies ombrageux chez Schoendoerffer (Le Crabe-Tambour), Cavalier (Un étrange voyage), Tavernier (L’horloger de Saint-Paul, Que la fête commence). Toute la série de films tournés avec Patrice Leconte, des Vécés étaient fermés de l’intérieur à L’Homme du train, en passant par Tandem, Le Mari de la coiffeuse, Tango, Ridicule et le sous-estimé Les Grands Ducs. Les films n’étaient pas toujours géniaux mais lui ne décevait jamais. Même les pubs pour les assurances étaient meilleures grâce à lui. Les noms de ses personnages, eux, semblent raconter une vision du monde : Maître Albert Légal, colonel Louis Marie Alphonse Toulouse, Martin Belhomme, Henri Sauveur, Michel Marteau, Inspecteur Tantpis.

L’hommage de Terry Gilliam à Jean Rochefort

Jean Rochefort était l’incarnation de la France des Trente Glorieuses, ou du moins le reflet fantasmé que la France avait envie de renvoyer d’elle. Surtout depuis que les Trente Glorieuses n’étaient plus qu’un lointain souvenir… Au fil des rôles, il avait inventé une persona unique de gentleman amusé riant dans sa barbe (enfin, sa moustache), choisissant de contrer chaque nuage de mélancolie d’un trait d’esprit. Sa personnalité avait fini par dépasser le cinéma pour devenir une leçon d’élégance permanente. Les Américains ont Bill Murray, mais nous l’avions lui, le dandy originel. On raconte que, sur le manteau de la cheminée de son appartement parisien, un buste de Don Quichotte en terre cuite tournait le dos au visiteur pour faire face à une reproduction représentant une tête de mort ricanante.

Il y a plus de 100 films de Jean Rochefort, peut-être autant d’apparitions télé, mais s’il ne fallait en retenir qu’un seul, ce serait Un éléphant, ça trompe énormément, celui qui fixe dans la conscience collective son image publique, une idée de cinéma funambule, libre comme l’air et cavaleuse. Yves Robert avait vu en lui un alter ego et le sublimait en bourgeois pompidolien, séducteur malgré lui, bourreau des cœurs et copain idéal. En baratineur irrésistible, surtout, grâce au flow des dialogues de Dabadie. « Vous qui pénétrez dans mon cœur, ne faites pas attention au désordre. », pour citer le plus beau de tous. Jean Rochefort donnait l’impression que pour lui, la vie était légère, facile. C’était une illusion bien sûr. Mais le tour de passe-passe aura été parfait.